Céline Ballet : “Je bouge plus en étant amputée que lorsque j’étais valide”

Un simple accident domestique et c’est toute une vie qui bascule. Après dix ans de soins et de rééducation et près d’une trentaine d’opérations, Céline Ballet n’a pas retrouvé sa vie d’avant. Elle est devenue patiente partenaire et sportive de haut niveau.

Tout a commencé par un banal accident domestique. Au matin du 13 mars 2012, Céline Ballet se prépare pour partir au travail. Elle est Atsem, c’est-à-dire, agent territorial spécialisé des écoles maternelles. « Un vrai métier qui s’exerce en collaboration avec le professeur », précise-t-elle.

Cette mère de trois enfants l’a répété de nombreuses fois : attention de ne pas courir dans les escaliers. Quand elle a descendu les marches en chaussettes ce matin-là, elle ne courait pas, non, elle a juste glissé. La douleur dans le genou ne l’a pas empêché de prendre son petit-déjeuner et de partir au travail.

En fin de matinée, la douleur est toujours présente et son genou, devenu noir violacé, a triplé de volume. Aux urgences, on diagnostique une entorse. Une attelle est posée, des séances de rééducation sont prescrites et six semaines d’arrêt maladie. Les jours passent. « Je commence la kiné. Je vais marcher avec une copine le mercredi et, là, je m’aperçois que mon genou se dérobe. »

Une imagerie par résonance magnétique (IRM) montre que les ligaments croisés se sont rétractés. Son médecin traitant l’oriente alors vers une clinique lyonnaise. Elle sera opérée pour la première fois le 21 juin 2012, un mois jour pour jour avant son mariage avec Thierry, le père de ses enfants. 

Si l’intervention se déroule bien, elle n’a pas l’effet escompté : « Je ne pouvais toujours pas plier le genou. Du coup, je me suis mariée en fauteuil roulant ! » Elle déclare ensuite une algoneurodystrophie, un syndrome douloureux de l’articulation. Elle est à nouveau opérée en octobre. Suivront trois opérations jusqu’en janvier 2014. 

Un staphylocoque doré a compliqué la prise en charge. La jambe n’a pas retrouvé sa souplesse. À partir de là, et jusqu’en 2020, Céline Ballet va alterner les opérations, les séjours en centre de rééducation et dans les hôpitaux lyonnais. Au total, en dix ans, elle a été opérée à vingt-huit reprises. Entre-temps, son mari a changé de poste de travail pour être plus présent à la maison, ses enfants ont grandi avec la maladie et, à ce jour, elle n’a toujours pas retrouvé d’emploi.

L’espoir d’une vie « normale »

C’est en 2015, qu’elle a été orientée vers l’hôpital de la Croix-Rousse. Depuis, elle y est suivie par le Pr Sébastien Lustig, chirurgien en orthopédie. « Je ne l’oublierai jamais. Il m’a redonné du courage et l’envie de me battre quand je ne voyais plus d’avenir » C’est lui qui, en janvier 2017, a dû l’amputer d’une partie de sa jambe, « où sinon, il aurait fallu que je conserve une jambe douloureuse, rigide, impossible à plier et, donc, plus de vélo, plus de conduite automobile, etc. » 

Après de multiples séjours à la Croix-Rousse, elle exprime : « Les médecins et les infirmières m’ont rendu ma vie normale. Si j’étais leur patron, je les augmenterais ! Seul bémol, ce serait bien de pouvoir adapter les chambres aux handicaps, par exemple, pour que les fauteuils roulant passent sous les lavabos. »

Céline Ballet a été appareillée en 2018. Trois ans plus tard, en juin 2021, son assurance prend en charge le coût d’une prothèse bionique : « Elle me permet de monter les escaliers, de me baigner, de revivre presque normalement. » Aujourd’hui, sa prothèse, recouverte de dessins de manga, est à son image : pleine de vie et haute en couleurs !

Amputée mais pas entravée

Son parcours de soin n’a pas échappé à la patiente-coordonnatrice des HCL. Le partenariat patient, c’est la possibilité de transformer son expérience en expertise pour les patients et les professionnels de santé de l’hôpital. La proposition tombe bien : « Je voulais aider et me rendre utile », résume-t-elle, simplement. En 2019, elle suit une formation à l'Université des patients Auvergne Rhône-Alpes. Aujourd’hui, elle intervient ponctuellement aux HCL pour faire avancer l’organisation hospitalière et la prise en charge des malades. 

Une autre rencontre, cette fois-ci au centre de rééducation des Massues, la convainc de rejoindre l’équipe de France de volley assis féminin. Elle débute les entraînements en octobre 2020, trois jours par mois, à Gerland. « Le sport m’apporte de la sérénité. On se retrouve entre nous. On partage nos galères et nos bons moments. » Depuis, Céline Ballet voyage aux quatre coins de l’Europe. « En mars, nous avons participé à la Silver League en Bosnie-Herzégovine. On a joué contre l’Allemagne, la Hollande, la Bosnie et la Croatie. »

En juin prochain, l’équipe sera en compétition à Prague. « C’est une belle revanche sur la vie. En fin de compte, je bouge plus en étant amputée que lorsque j’étais valide. »

 

La chirurgie orthopédique de l’amputation
« L’amputation est un geste qui peut paraître simple, indique le Pr Sébastien Lustig, chirurgien orthopédique à l’hôpital de la Croix-Rousse, mais qui est très technique si on veut obtenir un résultat fonctionnel optimal avec un appareillage adapté. » Ce geste consiste à enlever la partie distale du membre (la plus éloignée du tronc), en conservant le plus possible d’articulation et d’os et à arrondir le plus souvent la partie distale osseuse en la renforçant avec un lambeau musculaire pour que l’appareillage soit confortable. « Chaque cas est unique. Le type et la localisation de l’amputation sont décidés en réunion de concertation multidisciplinaire avec notamment les médecins appareilleurs et les chirurgiens plasticiens. L’objectif principal est d’obtenir le meilleur appareillage possible. » En chirurgie traumatologique, les causes de l’amputation, prescrite en dernière alternative, sont les accidents, en général lorsque les vaisseaux et les nerfs sont touchés.

 

Dernière mise à jour le : mar 13/12/2022 - 15:30
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