Cancer du sein : reprendre le cours de sa vie

Se réapproprier son corps ? Ce n’est pas évident après un cancer du sein. Le programme Alizés encourage à la reprise d’une vie active. Immersion à l’hôpital Henry Gabrielle au cœur d’un groupe de femmes pleines de vie et d’envies.

Jeudi 5 mars 2020, 9h, hôpital Henry Gabrielle. Dehors, une pluie drue tombe en continu. Le temps invite à la mélancolie. À notre arrivée dans la salle, une toute autre ambiance règne. Discussions, éclats de rires… Nicole, Virginie, Karen, Christel et Sandrine attaquent leur journée dans la bonne humeur. Elles ne se connaissent que depuis dix semaines, depuis le début de leur participation au programme Alizés, et déjà un lien puissant semble les réunir. Chaque parcours est différent. Elles ont été traitées par radiothérapie, d’autres par chimiothérapie, quand certaines n’ont pu éviter la mastectomie… Toutes en revanche ont un point commun : leur combat contre le cancer du sein et l’envie de se réapproprier leur corps pour reprendre le cours de leur vie et pouvoir de nouveau se projeter.

 « Aujourd’hui on pleure moins et on rit plus »

Mathieu, l’enseignant en activité physique adaptée du service de médecine physique et de réadaptation, arrive. Aujourd’hui c’est tir à l’arc, carabine laser et sarbacane. Les participantes testent les trois activités, sous son œil attentif. Il ne manque pas de les corriger, de leur donner des conseils et même de… les « taquiner », mais toujours avec bienveillance !

«  L’objectif est multiple : dompter les craintes et les peurs, redonner confiance et amener nos patientes à pratiquer un sport une fois le programme terminé. Si elles trouvent une activité qui leur plaît, alors c’est gagné », explique-t-il.

    

Les activités s’enchaînent aux sons des rires et de l’entraide.  « Au départ j’avais peur que ce soit déprimant d’être avec d’autres malades, qu’on ne parle que du cancer et qu’on reste dans le passé. Mais le positif est plus fort. Nous nous sommes tout de suite bien entendues. Aujourd’hui on pleure moins et on rit plus », raconte Karen. « Même si nos parcours sont différents, on se comprend. On se dit des choses qu’on n’a jamais racontées à nos proches », renchérit Sandrine.

« On s’encourage les unes les autres »

Une petite pause et le groupe enchaîne avec Nadine, la kiné. Le cours se déroule la plupart du temps en balnéothérapie, mais aujourd’hui ce sera en salle avec des ballons de gymnastique. Les exercices ne sont pas faciles car les ballons pèsent leur poids. Ils nécessitent de bouger les bras et les épaules. Des gestes souvent redoutés suite à une opération du sein. Mais Nadine veille à ce que chacune fasse selon ses possibilités et n’aille pas au-delà. 

    

 « L’effet de groupe est magique ! On s’encourage. La dernière fois si j’avais été seule avec la kiné je n’aurais jamais tenu la planche pendant une minute ! », avoue Sandrine. « Même si les participantes n’ont pas le même âge ou les mêmes centres d’intérêts, il émane toujours une émulation et un partage lié au groupe. C’est très porteur » ajoute le Pr Sophie JACQUIN-COURTOIS, référente du programme Alizés.
 

12h30

Après la pause déjeuner, le groupe se glisse entre les gouttes pour rejoindre le minibus qui l’attend devant l’hôpital. Direction une salle de sport, avec Mathieu et Didier, enseignants en APA. Pendant deux heures, les participantes vont s’initier au badminton et au padel tennis. Un sport peu connu, entre le tennis et le squash. Didier leur explique rapidement les règles et c’est parti. Après la pluie, ce sont les balles que les APA tentent d’éviter ! « La prise en main est beaucoup plus rapide que le tennis qui demande plus de technique. En moins de dix minutes on se débrouille et on prend du plaisir à jouer », indique Mathieu.

    

15h00

La journée est finie. Les filles sont fatiguées mais contentes. Encore une fois elles ont repoussé leurs limites. « Grâce au programme on retrouve confiance en nous. Maintenant je sais que ça ne sert à rien de se mettre des barrières. Je m’en suis rendue compte quand je suis montée à pied à la Croix-Rousse. Avant le programme, je ne serais même pas allée à Lyon, ou alors je serais restée en bas des marches ! », confie Christel.

Et après ?

Marie-Claude, Mireille, Myriam, Isabelle, Véronique, Nathalie ont fini le programme depuis plusieurs semaines. Elles viennent aujourd’hui pour la consultation de suivi et ont choisi de passer l’après-midi à l’hôpital, ensemble.

Pâtisseries, bugnes, chocolat… Les bavardages vont bon train, les rires fusent et l’accueil est chaleureux ! 

Avec le recul, toutes sont unanimes : le programme leur a fait beaucoup de bien. « Je ne pensais pas être capable de faire tout ce que j’ai fait ici. Les 45 minutes de vélo on pensait qu’on n’y arriverait pas. Mais on a tenu grâce au groupe qui nous entraîne », relate Isabelle. « Oui c’est vrai ! Et on a quelque chose à raconter à sa famille le soir, autre que l’hôpital et les traitements. Ce n’est pas tout le monde qui peut dire qu’il a fait de l’escrime le jour même ! », complète Nathalie. « Moi j’ai beaucoup apprécié de ne pas être traitée comme une petite chose fragile », intervient Mireille. Elle reprend : « C’est vrai, en chimio le personnel est aux petits soins. C’est bien mais on a l’impression que si on tombe on va se casser ! Alors qu’ici on nous montre tout ce qu’on est capables de faire. »

Dans ce groupe, après le programme, toutes ont adhéré à un sport ! Soit elles ont repris une activité physique qu’elle pratiquait avant, soit elles en ont commencé une nouvelle comme la marche, le yoga ou la natation. « Pendant et après le programme, entre 50 et 70% des patientes s’inscrivent ou reprennent une activité physique. Cela peut être de la marche nordique, du tir sportif, du Pilates, ou une inscription à un club de sport », atteste Mathieu, l’enseignant en APA.

Et quand on les interroge sur la relation qui les unit, la réponse se fait d’une seule voix : « On est amies ! On n’a pas eu besoin d’attendre les années pour le devenir. Entre nous on se comprend immédiatement et il n’y a pas de jugement. »  

Myriam doit partir. Mireille lui lance : « Attends, c’est bon pour toi l’escape game la semaine prochaine ? » Même si le programme est fini, les projets eux sont nombreux. Nous repartons touchées et ravies par ces rencontres généreuses, assurées que ces amitiés se poursuivront bien au-delà de l’hôpital.

Pourquoi le nom ALIZES ?
Le nom a été trouvé par une patiente, à l’issue de sa participation, témoignant du réconfort et de l’élan qu’elle avait ressenti.
Il fait référence aux Alizés, vents plutôt chauds et doux des régions intertropicales, porteurs de connotations apaisantes et d’horizons bienfaisants.
Le programme Alizés est proposé aux femmes ayant eu un cancer du sein, une fois leurs traitements terminés. Après une consultation préalable, elles se rendent à l’hôpital deux jours par semaine, pendant trois mois. Plusieurs professionnels (médecin, enseignants en activité physique adaptée, kiné, psychomotriciens, diététicienne…) les accompagnent dans leur reprise d’une activité physique. Leur travail permet de leur redonner confiance, de leur démontrer qu’elles sont capables de pratiquer et réaliser des mouvements qu’elles ne pensaient plus possibles.
Les premières semaines sont rythmées par du renforcement musculaire, du vélo d’appartement, de la danse, du step. Les dernières semaines ouvrent le champ des possibles : boxe, tir à l’arc, basket etc. Des activités extérieures sont également organisées deux fois par semaine : marche nordique, badminton, padel tennis, escalade ou encore escrime.

Dernière mise à jour le : jeu 05/08/2021 - 14:31