Iva Faucon, "Comment j’ai échappé à la mort subite cardiaque"

Quand elle a appris qu’elle était porteuse d’un gène induisant un risque très élevé de mort subite cardiaque, c’est toutes les dimensions de sa vie qui en ont été impactées.

Quand la maladie nous est étrangère, que notre santé n’est pas vraiment une source de préoccupation, on en vient à l’oublier, à penser que cette normalité, après tout, pourrait perdurer jusqu’au bout de la vie. 

Iva est cheffe d’entreprise dans le secteur du bâtiment. À quarante ans, elle n’est pas du genre casanier. Non, elle, ce serait plutôt le genre « executive woman », courant après le temps, enchaînant les rendez-vous, sur des journées de travail de douze à treize heures.

Lorsque son cœur donne l'alerte...

Mariée, mère de deux filles, de 19 et 12 ans, elle poursuit ses activités entre Nice et Pointe-Noire au Congo Brazzaville. Toujours en mouvement. Dans ces deux villes côtières, elle a pris l’habitude de courir au bord de la mer. C’est au lendemain de la fête nationale du 14 juillet 2021, que son cœur va donner l’alerte.

« Je suis partie courir, comme d’habitude, en direction de la mer », raconte-t-elle. « Après deux kilomètres de course, je sens mon cœur qui bat très fort dans ma poitrine. Je m’assieds par terre et j’attends que le calme revienne. » Vertiges, maux de tête, elle doit patienter près d’une demi-heure pour se relever. Elle décide de rentrer chez elle, sans aide : « J’ai mis une heure pour retrouver mon domicile au lieu des quinze minutes habituelles. » 

Les jours qui suivent permettront de déceler une maladie cardiaque. « Lors du test à l’effort, le cardiologue m’a arrêté soudainement en me disant que mon cœur était monté si haut qu’il ne savait pas comment je pouvais tenir encore debout… »

Le 23 juillet, elle est opérée à Nice. L’ablation du ventricule gauche par radiofréquence est prescrite avec l’objectif d’arrêter ses tachycardies (accélérations du rythme cardiaque). Mais ça ne suffit pas. « J’apprends que je souffre d’une cardiomyopathie hypertrophique. Mon muscle cardiaque est trop dilaté », explique-t-elle. Un examen par IRM (imagerie par résonance magnétique) détecte une fibrose myocardique (lésion du muscle cardiaque). 

Parce que la pathologie peut être annonciatrice d’une mort subite cardiaque, son médecin prescrit un dépistage génétique qui sera réalisé à partir d’une simple prise de sang. Iva, dont la fille aînée suit des études de biologie à Lyon, décide alors de faire appel au service de rythmologie cardiaque de l’hôpital Louis Pradel, expert en cardiogénétique. 

« On se dit que tout peut s’arrêter d’un instant à l’autre »

En novembre, le résultat tombe : elle est bien porteuse d’une variation génétique impliquée dans les troubles du rythme cardiaque menant à la mort subite. Pour rappel, la mort subite peut survenir à tout moment, pour n’importe lequel d’entre nous, quel que soit notre âge. Le pouls s’arrête et le cœur cesse de battre. Le cerveau et les poumons ne sont plus alimentés par l’oxygène du sang. En dix secondes, on perd connaissance et cesse de respirer.

« L’annonce est terrible et les jours qui suivent le sont tout autant. On rentre chez soi, et l’on est seul, avec mille questions dans sa tête qui n’arrêtent pas de tourner. On cherche des réponses mais on ne sait pas où chercher. On se dit que tout peut s’arrêter d’un instant à l’autre alors qu’on ne va pas si mal. Et puis, on commence à s’inquiéter pour ses enfants, sa famille. » 

Le 11 février 2022, les cardiologues niçois de la clinique Saint-Georges placent un défibrillateur sous-cutané dans la poitrine d’Iva. Ce dispositif médical surveille désormais son rythme cardiaque et intervient par choc électrique en cas de fibrillation ventriculaire (1).

L’origine génétique de la maladie cardiaque a contraint Iva à alerter ses proches, sa demi-sœur qui vit à Paris, et ses enfants bien sûr. « Le dépistage de la grande a montré qu’elle était porteuse de la variation génétique. Son cœur va bien et seul un suivi annuel suffit pour l’instant. Pour la plus petite, on va attendre un peu, mais une échographie cardiaque est prévue en juillet. »

Les rendez-vous avec le Pr Philippe Chevalier, le chef du service de rythmologie lyonnais et Caroline Olivier, la psychologue ont aidé à accepter progressivement la maladie. « En mars, j’ai vu Caroline toute seule. Nous avons enregistré toutes les questions qui me passaient par la tête et d’autres auxquelles je n’avais pas pensé. Caroline a apaisé mes angoisses. Cela m’a fait un grand bien. » 

Aujourd’hui, la vie a repris progressivement. « Côté sport, je cours quinze minutes et je fais une pause et je reprends quinze minutes. Côté professionnel, mon entreprise a connu une baisse de chiffre d’affaires mais j’ai pu compter sur une équipe engagée et présente malgré mon absence. Désormais, nous apprenons à travailler autrement. » 

« Maintenant, je souffre davantage de la chaleur et je dois me reposer dans la journée. Je ne suis pas inquiète pour moi mais plutôt pour mes deux filles. Et si j’ai la moindre question, j’appelle le Pr Chevalier, qui me répond tout de suite, j’ai beaucoup discuté avec lui. J’ai également un suivi remarquable de mes deux cardiologues niçois, le docteur Guillaume Theodore et le docteur Thomas Hugues, qui sont très à l’écoute. »

Sa prochaine visite à l’hôpital Louis Pradel est prévue en juillet. « C’est une nouvelle vie qui commence. Dorénavant, je sonne quand je franchis les portiques à l’aéroport, et j’ai quelques douleurs dans l’épaule. Mais je suis sereine. J’ai un super suivi et ça me rassure. Et puis, je peux compter sur le soutien incroyable et sans faille de ma famille et de mes amis… Tous m’ont beaucoup aidé. »

(1) La fibrillation ventriculaire indique un fonctionnement anormal du muscle cardiaque ventriculaire. C’est la perte de la fonction de pompage du cœur qui provoque l’effondrement du débit cardiaque à l’origine de la mort subite.

(2) Obligation légale d’informer la parentèle par le patient ou à défaut par le généticien.

Dernière mise à jour le : mar 01/08/2023 - 17:38
Blocs libres

Diagnostiquer la maladie cardiaque d’origine génétique
Le secteur de cardiogénétique du Laboratoire de biologie médicale et d'anatomie pathologique multi sites (LBBMS) des HCL est l’un des trois centres de référence en France, avec Paris et Nantes, à développer cette expertise diagnostique. Le séquençage génétique analyse le panel de 120 gènes et leurs variations, que les cardiogénéticiens ont documentés à ce jour. Chaque année, environ 1 000 nouveaux patients et 1700 personnes apparentées(2) sont testés. « Le dépistage génétique permet de confirmer le diagnostic, d’exclure les apparentés non porteurs du variant pathogène et de proposer une thérapeutique adaptée au patient », souligne le Dr Gilles Millat, biologiste moléculaire, responsable du secteur cardiogénétique. « Nous décelons environ 35 % de positifs, soit 350 familles impactées », et autant de vies bouleversées par l’annonce du diagnostic. La prise en charge des personnes récupérées et leurs apparentés est pluridisciplinaire, faisant intervenir un cardiologue, un généticien, un biologiste moléculaire, un psychologue et un attaché de recherche clinique. La mort subite chez l’adulte frappe chaque année environ 10 000 personnes en France.