Hôpital Pierre Garraud : ajouter de la vie aux jours

A l’hôpital Pierre Garraud, 125 patients sont admis dans ce lieu qui sera bien souvent leur dernière demeure. Centre de soins, lieu de vie et d’accompagnement, ce service allie excellence et qualité relationnelle.

Dehors, le ciel est d’azur et les arbres frissonnent sous une légère brise. Alors, pas question pour ces quatre patientes de rester enfermées. Aidées d’une canne ou d’un fauteuil roulant, elles rejoignent le jardin thérapeutique, un espace clos auquel elles peuvent accéder de manière sécurisée. Un vrai plus pour les patients atteints de troubles cognitifs qui étaient jusqu’alors privés de sorties car trop désorientés pour se promener seuls dans l’immense parc de l’hôpital situé dans le 5e arrondissement de Lyon. Pensé par toute l’équipe avec Raphaël Corre, aide-soignant, le projet va au-delà d’une simple animation. Terreau fertile pour cultiver l’estime de soi, ce jardin fait en effet fleurir de nouvelles compétences ou même renaître des automatismes chez des individus souvent déracinés.
« Nous avons notamment une dame qui ne peut plus s’exprimer à la suite d'un AVC. En revanche, cette ancienne maraîchère a retrouvé toutes ses capacités à jardiner », nous explique l’aide-soignant. Conçu avec des étudiants en architecture paysagère et financé par la fondation HCL et la fondation de France, le jardin aura bientôt l’allure d’une place de village avec un vrai café.

L’humain au cœur des soins

Ce projet au long cours permet également aux patients-résidents, contraints de faire le deuil de leur vie passée, de se projeter dans leur nouveau quotidien. Sorties au musée, conférences, visites de jeunes enfants, soins esthétiques ou même semaine de vacances dans une maison à la campagne, ici les animations ne manquent pas.

« Il y a beaucoup de distractions », se réjouit Régine, une patiente nonagénaire à l’esprit taquin. « Il ne faut pas oublier que nous sommes avant tout dans un lieu de vie », renchérit Isabelle Faradji, infirmière, qui s’est donné pour mission de faire sourire ses patients au moins une fois par jour. Notamment les moins valides, parfois confinés dans leur chambre. Malgré la charge de travail importante, outre l’attention portée à l’état psychologique des patients, l’équipe est aussi vigilante à la qualité des soins prodigués. C’est d’ailleurs le point fort du service selon Ymène Zeh et Lina Kessi, deux aides-soignantes auparavant employées en Ehpad. « On fait tout pour ne pas laisser les patients attendre lorsqu’ils ont besoin de nous », observent-elles. « Les anciens sont choyés par les équipes médicales et soignantes qui sont à leur écoute ; la direction de l’hôpital œuvre en permanence à l’amélioration des conditions d’accueil de nos aînés », témoigne de son côté Christian O., dont la maman réside dans l’unité depuis bientôt dix ans. Et lorsque les patients ne peuvent plus communiquer par le langage ou sont cloués au lit par la maladie, le soin prend alors d’autres formes, comme le toucher, et notamment le toucher relationnel auquel est formée une partie de l’équipe et qui a pour but de rassurer et apaiser le patient, . Le tout « dans la proximité mais jamais la familiarité », précise le Dr Armelle Leperre, chef de service adjoint au sein du service de médecine du vieillissement de l'hôpital Pierre Garraud.

Soulager les patients autrement

Soucieuse d’apporter un regard innovant sur le long séjour, l’équipe du Dr Armelle Leperre conceptualise actuellement une armoire mobile multisensorielle qui pourra être déplacée au chevet des résidents. L’idée ? Accompagner les patients en fin de vie, ou souffrant par exemple de crises d’anxiété, en leur diffusant des huiles essentielles, une musique qui les apaise, des photos de leurs proches via une tablette ou même en organisant un Skype avec leur famille. Totalement personnalisables grâce au concours de la psychomotricienne Béatrice Lourenco (qui anime le projet), ces soins ont pour objectifs de diminuer les interventions médicamenteuses et d’améliorer le bien-être des patients. En cours d’élaboration, le projet doit encore trouver des financements.  

Le point de vue du Dr Christine Champion, spécialiste des troubles du comportement au sein du service de médecine du vieillissement à l'hôpital des Charpennes.

J’ai eu l’occasion d’intervenir dans l’unité à deux reprises, à la demande des médecins. J’ai constaté que le bien-être des patients est au cœur de la préoccupation de l’équipe médicale et paramédicale. De nombreuses initiatives y sont menées afin d’améliorer encore plus le cadre de vie et les thérapies non médicamenteuses proposées. Cela est très important dans le cadre de la gestion des symptômes psycho-comportementaux. Je trouve notamment très intéressants des projets tels que le jardin thérapeutique ou encore de faire appel à une auxiliaire de vie pour accompagner les patients à l’extérieur. 

Atelier ludique dans le jardin thérapeutique de l'hôpital Pierre Garraud

Trouver la juste distance

Un savant dosage indispensable pour garantir le respect des patients mais aussi protéger les équipes de la charge psychique inhérente à ces unités. Ainsi, depuis son arrivée dans le service il y a trois ans, le Dr Armelle Leperre a vu décéder 80 % des patients présents à sa prise de fonction.

Les soins d’accompagnement de fin de vie font intégralement partie du quotidien, et l’unité coopère avec l’équipe mobile de soins palliatifs du Dr Virginie Dessus Chevrel. Ces départs peuvent avoir un effet miroir sur le personnel, et notamment impacter les plus jeunes. C’est pourquoi, accompagnée par la psychologue Camille Loison, l’équipe est invitée à échanger sur ses ressentis lors de temps collectifs. « Ce qui est essentiel, c’est de pouvoir conscientiser le fait que tel patient nous touche plus particulièrement, sans perdre notre cadre intérieur », explique-t-elle. La psychologue intervient aussi auprès des patients, de manière récurrente ou ponctuelle, comme lors du décès d’un autre résident. Événement qui va venir résonner avec leur propre finitude ou les plonger dans le passé. « Beaucoup de patients me parlent de leurs parents qu’ils ont vu vieillir et dont ils comprennent désormais les souffrances », observe Camille Loison.

Une médecine qui vise l'excellence

La médecine gériatrique est par essence pluridisciplinaire et polyvalente comme en témoignent le profil varié des trente résidents de l’unité (deux centenaires, un benjamin de 68 ans), et les pathologies somatiques intriquées avec les maladies psychiatriques et cognitives. De nombreux spécialistes se déplacent jusqu’à l’unité ou sur site, évitant ainsi aux patients d’être épuisés par les transports.

Divers rééducateurs évoluent aussi entre plusieurs unités de soins longue durée, à l’image de Diane Mallard, kinésithérapeute. Nous la retrouvons en compagnie de Victor, « jeune » patient de 71 ans qui a perdu son autonomie à la suite d’un AVC. « Je le fais marcher deux fois par semaine, ce qu’il ne peut pas faire avec les autres soignants », note-t-elle. Malgré ses grandes difficultés, le patient garde la volonté farouche de s’extraire de sa condition de malade. Il apprend même l’anglais, nourrissant le souhait, un jour, de découvrir New York. « En accord avec sa famille, essentielle dans l’alliance thérapeutique, un retour au domicile a même été tenté, sans succès malheureusement », rapporte le Dr Armelle Leperre, qui insiste sur l’importance de la prise en compte des souhaits de chacun. De son côté, la cadre Régine Deléage résume bien la philosophie du service en rappelant qu’« il revient à l’unité de s’adapter aux patients et non l’inverse ». 

Un vrai défi pour ce service qui œuvre avec dynamisme et dévouement professionnel, et qui a fait sienne la devise des HCL : « Une médecine humaine et d’excellence pour chacun, tout au long de sa vie. » 

Dernière mise à jour le : lun 22/01/2024 - 09:52
Blocs libres

D’ici 2030, près d’un français sur trois aura plus de 60 ans et la part des plus de 80 ans aura doublé. Pour faire face aux enjeux du vieillissement, les Hospices Civils de Lyon ont créé l’Institut du Vieillissement (I-Vie) et adaptent leur offre de soins.