Cancer du poumon : un premier patient traité par thérapie cellulaire de type cNeT

Alban, 41 ans, a été le premier patient français à bénéficier d’un nouveau type de thérapie cellulaire, des lymphocytes T clonaux réactifs aux néo-antigènes (cNeT) dans le cadre d’un cancer du poumon avancé grâce à la collaboration étroite des services de pneumologie, de chirurgie, d’hématologie, de réanimation et de la pharmacie de l’hôpital Lyon Sud.

Cette première étape a été franchie dans le cadre de l’essai clinique international CHIRON sur la thérapie cellulaire contre le cancer, menée par Achilles Therapeutics (Londres, Royaume-Uni). Le CHU de Lyon est actuellement le seul site ouvert pour cet essai en France.

« C’est une étape très encourageante pour la lutte contre le cancer du poumon, a déclaré le Pr Sébastien COURAUD, pneumologue aux HCL et investigateur principal de l'essai CHIRON à Lyon.

Un nouvel espoir dans la lutte contre le cancer du poumon

Le traitement par cNeT (clonal Neoantigen Reactive T Cell) appartient aux thérapies cellulaires, un traitement qui utilise les propres cellules immunitaires du patient pour combattre le cancer. Les lymphocytes T du patient - des globules blancs capables de reconnaître les cellules cancéreuses - sont prélevés au sein de la tumeur pulmonaire, puis « éduqués » in vitro à combattre la tumeur du patient. Ils sont ensuite « amplifiés » avant d’être réinjectés dans le sang du patient. Les thérapies cellulaires ont déjà fait leurs preuves dans le traitement de plusieurs cancers, principalement des lymphomes (voir encadré) et du mélanome, mais jamais encore la procédure n’avait bénéficié à des patients atteints d’un cancer du poumon en France.

« Nous avons pu franchir cette étape parce que nous avons collaboré ensemble, avec les compétences de différentes équipes. C'est un bel exemple de ce qui peut être réalisé en recherche clinique dans les hôpitaux universitaires » a déclaré Pr Sébastien COURAUD, chef du service de pneumologie aiguë spécialisée et cancérologie thoracique de l'hôpital Lyon Sud.

Alban1 est le premier patient à avoir bénéficié de cette nouvelle option thérapeutique dans le cadre d’un cancer du poumon avancé, le 24 janvier dernier. « Il est fatigué mais la procédure s’est très bien déroulée ». Alban a regagné son domicile ce lundi 7 février. Au moins quatre autres patients devraient avoir accès à cette thérapie dans les prochains mois, au sein des HCL.

Le CHU est le seul site en France à proposer ce protocole, dans le cadre de l’essai clinique international CHIRON. 

Un protocole complexe rendu possible grâce à l’interdisciplinarité du CHU de Lyon

Le processus qui conduit à l’administration puis à la gestion de cette thérapie cellulaire implique de nombreuses étapes. « Il s’agit d’une procédure éprouvante qui s’étale sur plusieurs mois, explique le Pr COURAUD. Nous proposons ce protocole à des patients en bonne forme physique et qui n’ont pas répondu aux autres traitements du cancer du poumon ». « Le protocole est toujours ouvert et il est possible de proposer ce traitement à d’autres patients » précise Audrey SERRES, Attachée de Recherche Clinique (ARC) coordinatrice dans le service de pneumologie de Lyon Sud  et au sein de l’Unité de Recherche Clinique en Oncologie Thoracique (URCOT) des HCL.
Après que l’éligibilité du patient a été validée, selon le protocole de l’essai clinique, et après une décision lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), le patient peut débuter le long processus.

1. Le prélèvement tumoral et sanguin

Dans le cas de ce traitement, il est nécessaire d’obtenir un fragment important de la tumeur. Il faut pour cela procéder à une opération sous anesthésie générale au cours de laquelle le chirurgien - spécialement formé au protocole - prélèvera un fragment tumoral. Ce dernier sera ensuite conditionné de manière appropriée à son transport et à son envoi au Royaume-Uni pour la fabrication. Dans le même temps, les anesthésistes procèdent à la réalisation d’un prélèvement sanguin, dans une poche spécifique. Ceci sera nécessaire pour le processus de fabrication du médicament.   

Les ARC sont un maillon essentiel dans cette chaîne pluridisciplinaire. Présents à chaque étape du protocole et garants du respect du protocole de l’étude et de la fiabilité des processus, ils organisent également le suivi du patient à l’hôpital (consultations, examens). « La spécificité de l’essai CHIRON, c’est cette étape au bloc opératoire, explique Romain BOULANGER, l’ARC en charge de la participation d’Alban à l’étude. Nous recevons les kits envoyés par le promoteur, nous les acheminons au bloc et dès que le chirurgien a terminé de prélever la tumeur, nous nous chargeons de conditionner les prélèvements, selon les règles définies dans le protocole, pour le transfert vers la société de biotechnologies ».

2. Le transfert et la fabrication

Les échantillons (tumeur et sang) sont contrôlés puis transférés à la banque de tissus de l’hôpital Edouard Herriot, où ils sont congelés et stockés jusqu’à l’arrivée du transporteur. La transformation est ensuite réalisée dans les laboratoires de la société de biotechnologies Achilles, au Royaume-Uni.

Le procédé consiste à isoler les lymphocytes T présents dans la tumeur et les cellules dendritiques présentes dans le sang. La particularité de ce processus réside dans une étape assez technique : le séquençage de l’ADN de la tumeur et du patient, puis la recherche de néo-antigènes (des « marqueurs » spécifiques de la tumeur qui la rende sensible aux immunothérapies et aux cellules immunitaires) à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle. Les néo-antigènes, spécifiques du patient, découverts sont ensuite synthétisés. Les cellules T, les cellules dendritiques et les néo- antigènes sont ensuite « co-cultivés », et produits en grande quantité. Ce sont ces cellules (les cNeT) qui seront capables, une fois réintroduits dans l’organisme du patient, de reconnaître et de détruire les cellules tumorales.

Pendant ce temps, le patient continue de suivre ses traitements habituels, avec son équipe et son médecin référent. L’équipe de l’URCOT garde régulièrement contact avec le patient et son médecin et l’informe de l’avancée de la fabrication du médicament.

Lorsque le traitement du patient est finalisé, le promoteur prévient l’équipe du CHU de Lyon qui peut alors passer à la prochaine étape, mais pas avant que le patient ne soit prêt ! En effet, l’injection n’aura lieu que si la maladie progresse et si le patient est toujours d’accord et apte à recevoir le traitement.

3. La ré-injection

Quelques jours avant l’injection du médicament, le patient est hospitalisé pour réaliser une chimiothérapie appelée lymphodéplétion, destinée à détruire les lymphocytes du patient afin de créer un environnement favorable au développement des nouvelles cellules cNeT qui vont lui être injectées.

L’injection des lymphocytes T clonés est faite six jours après la chimiothérapie de lymphodéplétion. Parce qu’elle peut s’accompagner d’effets indésirables graves pouvant mettre en danger le pronostic vital du patient, l’injection est réalisée en service de réanimation. Le patient bénéficie ensuite d’injections d’interleukines (protéines sécrétées par les lymphocytes), dans le but de stimuler le système immunitaire. « Les cNeT vont ensuite se répandre dans l’organisme et, nous l’espérons, détruire la tumeur qui est encore en place », précise le Pr COURAUD.

Les pharmaciens sont également présents tout au long du processus. Ils font l’interface entre le laboratoire et le médecin. « Nous sommes garants du bon respect des procédures de sécurité du médicament établies dans le cadre de l’essai clinique et conformément à la réglementation, précise le Dr. Vérane SCHWIERTZ, pharmacienne spécialisée en essai clinique et référente pour l’URCOT. Au cours de cette dernière phase - qui va du stockage cryogénique à la décongélation du médicament puis à son administration - nous sommes présents aux côtés du patient au moment de l’injection, pour pouvoir s’assurer de la bonne administration du médicament et pour pouvoir répondre aux éventuelles questions du patient ou de l’équipe soignante ».

Après l’injection, le patient reste hospitalisé jusqu’à ce que son système immunitaire se reconstitue et qu’il n’ait plus d’effets indésirables trop sévères. Pour Alban, la procédure s’est parfaitement déroulée et il a pu sortir de l’hôpital 14 jours après son injection. Il sera désormais suivi chaque semaine par le Pr COURAUD, dans le cadre de l’essai CHIRON.

Les HCL, experts des thérapies cellulaires

  • En 2017, le service d’hématologie clinique des HCL était le premier en France à tester les CAR-T cells dans le cadre d’une étude internationale. Désormais, plus de 300 patients atteints de cancers du sang et de la lymphe ont déjà été traités par CAR-T cells aux HCL pour des cancers du sang, dont trois enfants en 2022, ce qui fait des HCL l’un des plus important centre de thérapie cellulaire en Europe.
  • L’an dernier, le Pr Emmanuel BACHY, hématologue au sein des HCL, a publié un article dans la célèbre revue Nature Medicine sur un registre national ayant pour but de suivre les patients ayant été traités par cellules CAR-T (étude DESCAR-T). Il permettra de mieux caractériser le profil d’efficacité et de tolérance à court et long terme de ces nouveaux médicaments dans les conditions réelles d’utilisation.

 

1 Prénom d’emprunt. L’identité du patient ne peut être révélée, pour des raisons de confidentialité liées à l’essai clinique.

Dernière mise à jour le : jeu 01/02/2024 - 09:14
Blocs libres

Selon le National Cancer Institute des États-Unis, la thérapie adoptive est un type d'immunothérapie dans lequel des cellules T (un type de cellule immunitaire) sont administrées à un patient pour aider l'organisme à combattre des maladies telles que le cancer.
Dans le traitement du cancer, les cellules T sont généralement prélevées dans le sang ou le tissu tumoral du patient, cultivées en grand nombre en laboratoire, puis restituées au patient pour aider le système immunitaire à combattre le cancer. Parfois, les cellules T sont modifiées en laboratoire pour les rendre plus aptes à cibler les cellules cancéreuses du patient et à les tuer. Les types de thérapie cellulaire adoptives comprennent la thérapie par lymphocytes T récepteurs d'antigènes chimériques (cellules CAR T) et la thérapie par lymphocytes infiltrant les tumeurs (TIL) et les cNeT.