L’expérience de la grande prématurité

Les services de néonatologie et de réanimation néonatale déploient des ressources très recherchées pour accompagner les enfants nés très prématurément.

Seules des équipes de néonatologie expérimentées comme celles du CHU de Lyon peuvent assurer une prise en charge d’une telle intensité. La vigilance est permanente, à la fois humaine, technique et affective.

Humaine, technique, affective

Humaine par l’implication des équipes soignantes, dûment formées aux situations extrêmes ; surspécialisée et technique à travers l’assistance respiratoire, l’alimentation entérale (par une sonde de la bouche ou du nez jusqu’à l’estomac), la surveillance neurologique par électroencéphalogramme et imagerie médicale, etc. ; affective par la présence des parents autorisée et même préconisée à toute heure du jour et de la nuit.

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Couveuse avec bébé né grand prématuré

 

Ces derniers sont d’ailleurs invités à participer aux soins. Ils peuvent par exemple pousser l’alimentation dans la sonde gastrique, pratiquer le peau à peau avec le nouveau-né, etc.

« Ainsi, ils apprennent à comprendre les émotions de leur enfant et à interagir avec lui. Une naissance prématurée, c’est la rencontre singulière entre un être en survivance et des parents en devenir. Les équipes doivent favoriser l’attachement parent-enfant et d’accompagner les parents à faire le deuil de l’enfant imaginaire pour mieux investir l’enfant bien réel qui leur fait face », explique Franck Plaisant, chef du service de réanimation néonatale à l’hôpital Femme Mère Enfant.

Depuis peu, les enfants nés entre la 23e et la 24e semaine, dont le poids oscille entre 400 et 600 grammes, peuvent être pris en charge. À cet âge-là, le moindre acte de soin aura des conséquences sur le développement ultérieur de l’enfant. Pour les parents comme pour les soignants, le soin de ces très grands prématurés à la limite de la viabilité pose de nombreuses questions. Mais, selon le pays, les questions ne se posent pas de la même façon.

« Au Japon, aux USA ou en Australie par exemple, la question des comorbidités associées à la très grande prématurité est parfois moins prégnante dans les décisions de la poursuite des soins de réanimation », informe le chef de service. La dimension éthique n’est donc jamais loin et la collégialité est requise dans toute décision.

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Franck Plaisant, chef du service de réanimation néonatale de l’hôpital Femme Mère Enfant

 

La prise en charge est adaptée à chaque enfant individuellement et toujours conduite en concertation avec les parents. En fonction de l’implication et du contexte socio-économique de la famille – la précarité est considérée dans la prise en charge en concertation si besoin avec l’infirmière de la protection infantile –, l’évolution des enfants peut être quasiment normale. Ces derniers seront suivis jusqu’à leur septième année. En moyenne, aux HCL, entre 1 200 et 1 300 nouveau-nés prématurés sont pris en charge chaque année, dont 151 très grands prématurés en 2023 (soit 12 % des nouveau-nés prématurés).

Réduire les infections

En néonatologie, les infections bactériennes sont responsables de complications pouvant aller jusqu’au décès. C’est pour réduire ces infections que la Pr Marine Butin, pédiatre dans le service du Pr Plaisant, a lancé une nouvelle étude en décembre 2023, baptisée Rubis.
Prévue sur trois ans, elle suit deux axes de recherche. Le premier vise à déterminer des biomarqueurs sanguins pour reconnaître les infections bactériennes et les traiter au plus tôt. Le second concerne le dosage de ces mêmes biomarqueurs dans la salive, « ce qui permettrait de limiter les prises de sang, parfois difficiles chez ces si petits bébés ». En parallèle, la chercheuse mène une étude concernant la capacité de résistance de certains staphylocoques au stress nutritionnel et sur leur capacité à s’accrocher sur certains matériaux, en particulier les couveuses en réanimation néonatale. « L’objectif est d’identifier les matériaux les moins propices à l’adhésion bactérienne afin de réduire les contaminations des nouveau-nés et les infections », indique l’investigatrice principale, rattachée au laboratoire Pathologies des staphylocoques au Centre international de recherche en infectiologie (Lyon 7).

Accompagner le deuil

Quand le pronostic vital est engagé, des solutions palliatives sont proposées avant tout pour le confort de l’enfant. Dans ces moments éprouvants pour des parents désemparés, le rôle des soignants est prépondérant. Depuis octobre 2023, un cahier de vie est à disposition des soignants et des familles. Ce « journal de bord » est la mémoire des moments clés et des étapes importantes que le nourrisson a traversés. En cas de décès, une boîte à souvenirs est proposée, renfermant bonnet, bracelet, empreinte, mèche de cheveux, carte, etc., ainsi qu’un livret explicatif quant aux démarches administratives à effectuer à la suite du décès, avec les coordonnées d’associations…

Dernière mise à jour le : dim 21/04/2024 - 18:58
Blocs libres

Les trois niveaux de prématurité
• Prématurité moyenne : 32 à < 37 semaines d’aménorrhée (1)
• Grande prématurité : 28 à < 32 semaines d’aménorrhée
• Très grande prématurité : avant 28 semaines d’aménorrhée
(soit toute naissance avant six mois de grossesse).
1 En dessous de 35 SA, l’hospitalisation en néonatologie est systématique. À partir de 35 SA en fonction de la clinique, l’admission est possible avec un séjour de cinq à dix jours.