« Celle que j’ai toujours voulu être »

Florence est née il y a 57 ans dans un corps masculin. Une anatomie en décalage avec le genre qu’elle ressent au plus profond de son être. Opérée deux fois aux HCL, son parcours de transition a été accompagné par les équipes du service d’urologie de l’hôpital Lyon Sud.

« On ne naît pas femme : on le devient. » Cette citation de Simone de Beauvoir, extraite du Deuxième Sexe, résume l’histoire de Florence. Née garçon en 1966, elle a attendu plus de cinquante ans pour renaître femme, le 24 janvier 2024 grâce au docteur Nicolas Morel-Journel, urologue dans le service d'urologie de l'hôpital Lyon Sud. Spécialisé en chirurgie urogénitale de reconstruction, il a pratiqué une vaginoplastie, opération permettant de reconstruire une anatomie féminine - vulve, clitoris, vagin - à partir des organes génitaux mâles, dernière étape d’un long parcours de transition entamé en avril 2020. « Nous sommes en plein confinement, je suis en télétravail et à l’époque je ne connais rien à la dysphorie* de genre », se souvient-elle.

« Pendant trois semaines, je cherche tout ce qui concerne la transidentité et je découvre que ce à quoi j’avais renoncé depuis si longtemps n’était pas réservé aux riches américains. Je deviens incollable sur le financement, l’accompagnement et les différentes phases du parcours. J'ai réalisé que je pouvais enfin être moi-même ! »

Un parcours social, administratif et médical 

Ensuite tout s’enchaîne rapidement. Elle se choisit un nouveau prénom féminin le 24 avril et fait son coming-out auprès de sa compagne, de ses enfants, de ses parents entre le 8 mai et le 14 juillet. Consciente de s’engager dans un parcours long, difficile et psychologiquement complexe, Florence fait le choix de consulter un psychiatre, alors même que la transidentité n’est plus considérée par l’OMS comme une maladie psychiatrique depuis 2018.

« C’était important pour moi d’avoir cette confirmation médicale, d'autant plus que je savais que certains de mes proches allaient remettre en question ma capacité d'autodétermination. Même si pour eux le diagnostic de dysphorie de genre a été établi trop rapidement, mon psychiatre a compris, lui, que ma démarche était motivée par une réflexion initiée depuis plus de 40 ans ! » 

En juillet, Florence prend rendez-vous avec un endocrinologue de l'hôpital Cochin de l’AP-HP – elle vit en grande région parisienne – pour commencer sa transition médicale. « Il m’a immédiatement genrée au féminin, ne m’a pas demandé de certificat psychiatrique, mais m'a longuement questionnée sur l'origine de mon ressenti et sur mes motivations, exactement comme l'avait fait mon psy... Il m’a expliqué en détail le parcours, m'a laissée deux mois de réflexion, puis, en septembre, m’a prescrit un traitement hormonal féminisant à base d’œstrogènes associé à des bloqueurs de testostérone. » Dans la foulée, en octobre, Florence obtient son changement de prénoms, une nouvelle carte d'identité, met à jour son CV... mais se voit toujours affublée d’un numéro de sécurité sociale commençant par 1. Ce n’est qu’après le passage devant le tribunal judiciaire pour officialiser son changement de sexe administratif, qu’il sera remplacé par un 2.

Deux mois après, elle prend contact avec le docteur Nicolas Morel-Journel aux Hospices Civils de Lyon pour une vaginoplastie.

« C’est l’équipe réputée pour avoir la meilleure maîtrise en matière de chirurgie génitale de confirmation de genre et pour faire preuve de la plus grande humanité envers les patients. »

Elle est inscrite en liste d'attente, et sait qu'elle devra patienter plusieurs années avant d'être opérée. Une attente interminable quand on attend depuis aussi longtemps. « On veut tous et toutes que ça aille vite pour rattraper le temps perdu. Moi, je rêvais d'avoir terminé ma transition avant mes 55 ans, en dix-huit mois ! J'aurais pu aller à l'étranger pour ça... Mais avec le recul, je suis contente que ça ait pris plus de temps. Il en faut pour s’approprier sa nouvelle identité, son nouveau corps... Une transition, c'est comme la puberté : ça ne se fait pas en quelques mois, mais sur plusieurs années. Même quand on fait la sienne à l'âge de la ménopause ! » 

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Florence, 57 ans, a réalisé un parcours de transition

La transidentité n’est pas un choix 

Dans le laps de temps, Florence s’engage auprès de tous ceux qui partagent cette incongruence entre leur identité de genre et leur sexe de naissance. Elle devient un pilier de Trans Santé France, association qui œuvre pour une meilleure prise en charge de la transidentité, et s’inscrit à la première session du Diplôme inter-universitaire Accompagnement, soins et santé des personnes transgenres, créé il y a trois ans par les facultés de Lille, Paris-Saclay, Lyon et Marseille. « Aujourd’hui, si des avancées ont été enregistrées, il reste beaucoup à accomplir », estime Florence qui pointe les réticences de certains médecins conseils des CPAM qui font de la résistance aux inscriptions en ALD31 (Affection de longue durée non psychiatrique) pour la dysphorie de genre ou encore la nécessité de mettre en place un véritable protocole pour faciliter les parcours transidentitaires dont certains durent près de dix ans, ce qui est proprement « invivable, parce que la transidentité n’est pas un choix, elle est subie. » 

En juillet 2023, Florence dont la transition hormonale a maintenant produit tous ses effets, vient une première fois aux HCL pour subir une chirurgie de féminisation du visage et une augmentation mammaire. Elle est opérée à l'hôpital de la Croix-Rousse en simultanée par les docteurs Fabien Boucher, chirurgien plasticien dans le service de chirurgie des brûlés, plastique, reconstructrice et esthétique et Adélaïde Carlier, chirurgienne maxillo-faciale dans le service de chirurgie maxillofaciale, stomatologie, chirurgie orale et chirurgie plastique de la face. « Je suis entrée le lundi après-midi et ressortie le mercredi après une opération de 5h30 sous anesthésie générale. » Si tout suit son cours sur le plan médical, son couple - comme 95 % de ceux engagés dans une transition - ne survit pas à ce parcours long et éprouvant. « C’est compliqué de vivre avec une personne dont le corps se féminise mais que l'on a connu et aimé en tant qu'homme », reconnaît Florence aujourd’hui en couple, amoureuse et heureuse. Opérée d’une vulvo-vaginoplastie le 24 janvier dernier, elle est dotée d’une nouvelle anatomie dans laquelle elle se sent enfin elle-même. « Je ne suis plus en transition. Je suis Florence, une femme née de la transidentité, issue de la diversité de genre. Je suis surtout celle que j’ai toujours voulu et su être. » 


*Dysphorie de genre : inconfort ou détresse liés à une incongruence entre l’identité de genre d’un individu et le sexe attribué à la naissance.  

Dernière mise à jour le : dim 21/04/2024 - 15:55
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Découvrez le reportage de l'intervention « Les HCL spécialistes du genre humain ».