Mutilations sexuelles : réparer le corps et les parcours de vie

Elles ont dix-huit fois plus de risques d’être victimes de viol en France que les Françaises de la population générale. Parmi elles, 40 % ont subi des mutilations génitales. C’est ce que montre l’étude de santé publique menée par le Dr Jérémy Khouani (AP-HM/faculté de médecine d’Aix-Marseille), à laquelle ont participé 273 femmes migrantes en provenance d’Afrique de l’Ouest, du Moyen-Orient, d’Asie et d’Europe⁽¹⁾ .

Une expertise unique

La Dr Nathalie Hoen, gynécologue obstétricienne à l'hôpital Lyon Sud, a développé une expertise unique pour réparer le corps des femmes mutilées. L’intervention chirurgicale ne dure qu’une demi-heure et se pratique en ambulatoire. Les patientes sont adressées par le milieu associatif, et en particulier par Les Orchidées rouges, association franco-ivoirienne qui lutte contre l'excision, le mariage forcé et toutes les violences sexistes et sexuelles. Les mutilations sexuelles, ce sont toutes les interventions aboutissant à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme (lèvres et clitoris) ou toute autre mutilation pratiquée pour des raisons non médicales. D’après l’Unicef, plus de 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi des mutilations génitales.

L’excision, cela peut être l’ablation partielle ou totale du clitoris externe et de son capuchon ou prépuce, et/ ou des petites et des grandes lèvres. Cela peut être aussi l’infibulation, soit le rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en repositionnant les petites ou les grandes lèvres, par suture, avec ou sans ablation du prépuce et du gland clitoridiens. Le geste opératoire va donc consister à disséquer la partie profonde du clitoris conservée sous la peau afin de le mettre au jour et de l'arrimer superficiellement à sa place « habituelle ».

Le clitoris et ses quelque 8 000 terminaisons nerveuses est un organe exclusivement dédié au plaisir. Sa reconstruction seule ne garantit pas pour autant à ces femmes au passé traumatique et, pour certaines en situation de précarité, le retour à une sexualité épanouie.

Se réapproprier son corps

La cicatrisation après chirurgie prend jusqu’à six semaines. La période postopératoire est très douloureuse pour la plupart des femmes. Des ateliers de réappropriation du corps sont proposés pour les patientes suivies à l’hôpital Lyon Sud, encadrés par Catherine Seignert, sage-femme, et Marianne Lecointe, psychologue. Après opération, environ un tiers des femmes renouent avec le plaisir.

« La prise en charge est globale, associant chirurgie, psychologie, assistance sociale, projet de vie, etc. », explique Nathalie Hoen.

L’expertise médicale développée par la Dr Nathalie Hoen a été mise à contribution pour l’ouverture prochaine de la Maison des femmes sur le site de l’hôpital Edouard Herriot, grâce à la mobilisation de nombreux acteurs⁽²⁾. Dans cet espace unique, les femmes victimes de tous types de violences pourront être prises en charge d’une manière sécurisée et confidentielle. L’équipe composée de médecins, gynécologues, sexologues, sages-femmes, infirmiers, psychologues, assistantes sociales, et aussi des acteurs du monde associatif, du droit et de la justice, proposera un parcours de soin personnalisé pour toutes, quelles que soient leurs origines culturelles, sociales et économiques.

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⁽¹⁾ September 2023, The Lancet Regional Health – Europe. DOI :10.1016/j.lanepe.2023.100731

⁽²⁾ Préfecture du Rhône, l’Autorité judiciaire, l’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, l’Assurance maladie (Caisse primaire d’assurance maladie du Rhône), la Métropole de Lyon, la Ville de Lyon, les Hospices Civils de Lyon (HCL), la Caisse d’allocations familiales du Rhône et de nombreuses associations partenaires.