Cancer du sein : « la bonne décision » de Julie

Comme environ 2 femmes sur 1 000, Julie est porteuse d’une mutation du gène BRCA. Cette mutation génétique augmente le risque de cancer de près de 90 %. En septembre 2023, elle est opérée alors qu'elle n'est pas malade.

Julie a été opérée en septembre 2023 mais elle n’était pas malade. Son intervention chirurgicale lui a demandé un fort engagement personnel. Après plus de cinq heures passées au bloc opératoire, elle en est sortie transformée, physiquement et psychologiquement. Les semaines qui ont suivi ont été douloureuses. Pour autant, elle ne regrette rien. 

Julie, comme environ 2 femmes sur 1 000, est porteuse d’une mutation du gène BRCA (1 ou 2). Cette mutation génétique augmente le risque de cancer de près de 90 %. Seulement 5 % à 10 % des cancers sont héréditaires. Mais si Julie a pris « la bonne décision », ce n’est pas à cause des statistiques.

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Julie, de dos, témoigne sur son parcours et son opération par mastectomie bilatérale prophylactique avec reconstruction immédiate.

Une famille doublement impactée 

Tout a commencé en 2015. « Ma tante tombe malade : un cancer du sein. On identifie chez elle la mutation du gène BRCA. Son frère et sa sœur se font dépister : tous les trois sont positifs. Mes cousines et moi-même sommes la seconde génération à se faire dépister. »

Durant la même période, la tante du mari de Julie déclare un cancer de l’ovaire et, elle aussi, est porteuse de la même mutation génétique.  

Julie et son mari, qui a lui aussi décidé de se faire dépister, se rendent ensemble au CH de Valence. En ce début novembre 2016, l’improbable se fait réalité : ils sont tous deux porteurs de la mutation génétique BRCA 1, voyant ainsi fortement croître leur risque de contracter un jour un cancer. 

« C'est un hasard que la généticienne n’avait jamais rencontré », précise Julie. Immédiatement, se pose la question des enfants. Le couple a deux enfants alors âgés de 5 et 7 ans. « Les médecins ont été catégoriques : le risque de transmission n’est pas plus élevé car un embryon qui serait porteur des deux mutations génétiques parentales augmenterait le risque de fausse couche, marquant l’arrêt de son développement. » 

Les années passent et, alors que le Covid suspend le temps pendant quelques mois, Julie voit sa tante et celle de son mari se battre contre des cancers qui s’étendent à d’autres organes. « Ce sont des cancers très agressifs, très invasifs qui laissent peu de chance de survie. »  

Prise de conscience  

En 2021, Julie fête ses 40 ans. Elle reprend contact avec le monde médical, pose des questions, se penche sur les différentes options qui s’offrent à elle. Elle navigue sur Internet et découvre le service de gynécologie de l’hôpital de la Croix-Rousse. « Je lis un article, et décide d’appeler pour prendre rendez-vous. Je voulais me faire enlever les ovaires. J’avais déjà eu mes enfants et je réduisais ainsi mon risque de cancer de 50 %. » Un mois et demi plus tard, elle est reçu en consultation par Émilie Nguyen-Ba, gynécologue.  

« La docteure Nguyen-Ba me met en confiance. Elle tient un discours très professionnel et en même temps très bienveillant. Elle comprend que je suis encore en réflexion. Il faut dire que l’intervention implique que je serai ensuite ménopausée, avec un risque accru d’ostéoporose. » Un second rendez-vous est organisé le même jour avec Marion Cortet, cheffe de service adjointe en gynécologie.  

Car inévitablement, une autre question se pose : faut-il aller jusqu’à la mastectomie bilatérale, c’est-à-dire l’ablation des deux seins ? « Nous avons discuté des IRM et des différents examens que j’avais faits. Puis, nous avons abordé quelques détails comme la préservation du mamelon, proposée à Lyon mais pas à Valence. Le docteur Cortet a été très gentille. J’étais encore indécise. Elle m’a dit de prendre le temps de réfléchir. »  

La patiente et le médecin conviennent de se revoir en mars. « Le fait de ne voir aucune possibilité de rémission chez l’une et chez l’autre de nos tantes a été pour moi un facteur déclenchant. » Julie choisit alors la mastectomie bilatérale à titre préventif, on parle dans ce cas d’intervention prophylactique. « En tant que porteuse de la mutation génétique, je ne voulais plus vivre avec cette épée de Damoclès. » 

Le temps de la réparation 

Lors d’un nouveau rendez-vous en juin 2022,  on entre davantage dans les détails de l’opération, de sa volonté de bénéficier d’une reconstruction immédiate après l’ablation.

« Plusieurs solutions m’ont été offertes dont la technique des lambeaux de peaux, plus naturelle, plus harmonieuse mais restreignant les activités sportives et avec des cicatrices plus visibles. J’ai une bonne hygiène de vie, j’aime faire du sport, j’ai une petite poitrine, la meilleure solution m’est apparue comme étant la prothèse. » 

L’Ardéchoise, volontaire, décide de se faire suivre par une psychologue clinicienne. La veille de l’opération, la Dr Cortet s’enquiert de sa patiente. Au réveil, dans l’après-midi du mardi 5 septembre 2023, Julie est l’une des premières patientes des HCL à avoir bénéficié d’une mastectomie bilatérale avec reconstruction immédiate par prothèse assistée par robot. Ses atouts ? Ils résident principalement dans le fait que le robot préserve la peau de la patiente et déporte la cicatrice sous le bras. La vascularisation de la peau après opération est plus rapide, réduisant d’autant le risque de nécrose et accélérant la cicatrisation (1)

« La première journée a été difficile. J’étais très vaseuse et les jours suivants ont été douloureux. » Quand la gynécologue enlève le pansement pour la première fois, « les infirmières se sont exclamées : ‘’qu’est-ce que c’est beau !’’, moi, je ne savais que penser. » L’hospitalisation aura duré six jours. « L’équipe infirmière et médicale est très gentille. De jour comme de nuit, elles avaient le mot juste, qu’il fallait, quand il fallait. » 

Un mois après l’intervention, de retour en consultation, Julie fait le point avec son médecin. « Le début a été difficile. J’avais mal, des bleus partout, plus de sensations, et je passais de mauvaises nuits car obligée de dormir sur le dos. Les douleurs ont perduré mais chaque jour, j’allais de mieux en mieux et après trois semaines tout est rentré dans l’ordre. » Nathalie Piazzon, l’infirmière coordinatrice du service, qui la suit depuis le début, répond aussi à ses questions et la guide dans sa convalescence. 

« Durant ces trois premières semaines, j’ai fait un blocage. Je ne voulais pas regarder ma poitrine. La réparation est autant physique que psychologique. » Côté rééducation, elle a fait appel au Réseau des Kinés du Sein, association de kinésithérapeutes formés pour les femmes opérées d'un cancer du sein. « C’est important pour libérer les adhérences des cicatrices, retrouver ses mouvements naturels et gagner en confort. » En février prochain, l’attend une dernière étape, cette fois-ci pour ajouter de la graisse autour de ses prothèses et parfaire ainsi le confort et l’esthétique, ce qui marquera la fin de sa prise en charge chirurgicale. 

« Je n’ai pas de doute »

Aujourd’hui, Julie a repris le travail. Elle retrouve progressivement ce qui faisait le quotidien de sa vie avant l’opération. Elle a renoué avec la marche et les randonnées, et s’applique à pratiquer le vélo d’appartement tous les jours.

« Je n’ai pas de doute au vu du contexte familial. Je sais que j’ai pris la bonne décision. Il est important d’en discuter au sein de son couple, car l’avis de son conjoint compte dans la décision. De mon côté, j’ai pu choisir ; pour mon mari, en revanche, aucune prévention n’est possible. » 

Rappelons que le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme et le plus meurtrier avec 14 % des décès féminins par cancer en 2018. Pour autant, le taux de mortalité baisse d’année en année, en partie grâce à l’amélioration des traitements et au dépistage qui permet de diagnostiquer les cancers à un stade précoce. 

 


(1) On estime qu’environ 25 patientes par an, en provenance de toute la région, pourraient bénéficier des avancées de la chirurgie robotique à l’hôpital de la Croix-Rousse. 

Dernière mise à jour le : mer 24/01/2024 - 11:12