Radiothérapie interne vectorisée : des vecteurs très prometteurs

La radiothérapie interne vectorisée (RIV) est une discipline à la fois historique et en plein essor, qui utilise les propriétés physiques des atomes pour combattre les cellules cancéreuses depuis l’intérieur du corps. Depuis peu, la révolution réside dans le formidable potentiel que recèle le développement de nouveaux isotopes associés à de nouvelles molécules capables de cibler plusieurs types de cancers.

 

L’iode 131, isotope radioactif de l’iode, est prescrit, depuis les années 1940, comme traitement du cancer thyroïdien. Les isotopes sont utilisés pour leurs propriétés de rayonnement à des fins diagnostiques (scintigraphie, tomographie) et destructrices à des fins thérapeutiques (RIV).

Depuis peu, la révolution réside dans le formidable potentiel que recèle le développement de nouveaux isotopes associés à de nouvelles molécules capables de cibler plusieurs types de cancers. Radium, lutétium, gallium, actinium sont autant de nouveaux isotopes utilisés pour leurs propriétés physiques. Après avoir été rendus instables, c’est-à-dire radioactifs, dans la poignée de cyclotrons médicaux existant dans le monde ou dans des générateurs présents dans les laboratoires de radiopharmacie hospitalière, ces radionucléides sont liés à des molécules capables de cibler certains organes ou tissus du corps humain.

En Europe, c’est le Lutathera, nouveau traitement de radiothérapie interne vectorisée pour les tumeurs neuroendocrines en 2017, qui a ouvert la voie aux nombreux développements de nouveaux radiopharmaceutiques pour de nouvelles indications. Actuellement aux HCL, ces traitements, administrés par voie orale ou intraveineuse, concernent principalement les cancers de la thyroïde et de la prostate, ainsi que les tumeurs neuroendocrines digestives, pulmonaires et paraganglionnaires.

« C’est la rencontre de la chimie avec la médecine nucléaire qui est à l’origine du gigantesque bond en avant de la radiothérapie interne vectorisée », commente le Pr Marc Janier, chef du service de médecine nucléaire.

À ses côtés, le Dr Choaib Lachachi partage lui aussi cet enthousiasme communicatif : « La radiothérapie, qui complète la chirurgie et la chimiothérapie, est une discipline passionnante en pleine expansion.»

La molécule va « diriger » le radionucléide vers la cible à atteindre : « Les propriétés de la molécule vont lui permettre de franchir la barrière digestive ou vasculaire, de circuler dans le sang et d’interagir avec son environnement », vulgarise le Pr Janier. « La molécule est la clé qui va ouvrir la serrure pour pénétrer dans les cellules tumorales. Une fois à l’intérieur, l’isotope radioactif va détruire la cellule par irradiation.»

Par exemple, le lutétium 177, le radionucléide associé au PSMA 617, la molécule de synthèse (fabriquée à partir du PSMA, l'antigène membranaire spécifique de la prostate), est la combinaison actuelle utilisée pour les cancers de la prostate. Cette radiothérapie interne vectorisée (autrement dit guidée) détecte les caractéristiques de surface des cellules cancéreuses, avant d’y fixer la molécule radioactive qui va les rendre visibles, les irradier et les détruire.

« Cela signifie que le radiopharmaceutique va s’accrocher sur toutes les métastases présentes dans l’organisme et les traiter en même temps ! », résument le Dr Lachachi et le Pr Janier.

Les prises en charge se font sur la base d’études scientifiques qui ont démontré la plus-value d’un traitement sur le traitement de référence actuel, en fonction des caractéristiques tumorales. « Les études ont montré, pour les tumeurs neuroendocrines, une survie sans progression de 18 mois pour les patients traités par RIV », précise le Dr Choaib Lachachi. Et d’ajouter : « Au-delà de la statistique, nous constatons du bénéfice clinique et de très bons résultats sur le terrain. Au fur et à mesure, les équipes ont évolué dans la prise en charge. Nous avons appris à optimiser la sélection des patients éligibles à la RIV et quand nous observons sur l’image l’efficacité du traitement, dans certains cas jusqu’à la guérison, c’est très gratifiant.»

La radiopharmacie : une filière à fort potentiel

Ces traitements innovants prennent vie dans les laboratoires qui développent de nouvelles molécules pour traiter d’autres types de cancer, comme le myélome et le cancer du sein et aussi de nouveaux isotopes pour optimiser les traitements existants et envisager de nouvelles thérapies. Ce sont justement ces médicaments radiopharmaceutiques que le Dr David Kryza, MCU-PH, radiopharmacien, manipule en routine pour en contrôler la qualité et fabrique dans le cadre de son activité expérimentale.

Les HCL sont les premiers producteurs de radiopharmaceutiques en France, avec la radiopharmacie implantée sur le site du groupement hospitalier Est, premier site de production sur le territoire national, et la radiopharmacie du centre Lumen (HCL/Centre Léon Bérard).

Sur le site de l’hôpital Edouard Herriot, le Dr Kryza, responsable de la plateforme de recherche préclinique Imthernat et son équipe composée d’un ingénieur de recherche, de biologistes, doctorants et post-doctorants, testent de nouvelles molécules qui seront associées aux radionucléides. « Il y a dix ans, deux radiopharmaceutiques étaient utilisés pour la thérapie ; en 2023, près d’une quarantaine sont en cours de développement. » Ainsi, les HCL maîtrisent toute la filière : de la recherche expérimentale à la thérapie, en passant par la production. À terme, l’objectif est de remonter progressivement les lignes de traitement, par exemple, pouvoir proposer telle RIV au lieu d’une hormonothérapie, fort de nouvelles études qui auront confirmé l’intérêt du traitement sur tel autre.

Des expertises très humaines

Aussi technologique et complexe soit-elle, la radiothérapie interne vectorisée repose avant tout sur des ressources humaines curieuses et passionnées, ainsi que sur une organisation hospitalière pluridisciplinaire ancrée dans le soin. Car traiter le cancer nécessite la mutualisation des compétences. Le service de médecine nucléaire du GHE travaille en collaboration étroite avec l’Institut de cancérologie des HCL (Pr Gilles Freyer) et avec différents services des HCL, dont le service d’endocrinologie de la Pr Françoise Borson-Chazot (thyroïde) et le service d’oncologie médicale à l’hôpital Edouard Herriot (Dr Catherine Lombard-Bohas et Pr Thomas Walter). Par exemple, le service d’oncologie médicale à l’hôpital Edouard Herriot est spécialiste des tumeurs neuroendocrines, digestives et bronchiques et suit une cohorte active de plus de 3 000 patients, dont environ 350 nouveaux à l’année. Ces derniers ont accès aux traitements innovants que sont l’hormonothérapie et l’immunothérapie, et donc aussi à la radiothérapie interne vectorisée.

Ils bénéficient de l’expertise du service dirigé par la Dr Catherine Lombard-Bohas, à la fois centre d’excellence européen et centre de référence national pour ces tumeurs, ainsi qu’aux recherches menées par le Pr Thomas Walter. Les deux professionnels travaillent en lien avec l’anatomo-cytopathologiste Valérie Hervieu, et complètent l’expertise de la Pr Françoise Borson-Chazot dans les tumeurs endocrines (thyroïdes et surrénales) à l’hôpital Louis Pradel. C’est ainsi que cet ensemble vient d’être le premier centre recruteur au monde (plus d’un sur dix des patients inclus) pour une étude industrielle portant sur la RIV dans le cancer neuroendocrine du pancréas.

Dernière mise à jour le : mer 04/10/2023 - 12:06