Hôpital de la Croix-Rousse : le service d’imagerie médicale aux rayons X

Apparue à la fin du XIXe siècle, l’imagerie médicale s’est modernisée à toute allure, investissant désormais le domaine du soin. À la Croix-Rousse, en marge de la radiologie diagnostique conventionnelle, se développent des pratiques interventionnelles offrant des perspectives prometteuses. Arrêt sur images.

Réalisation d'une ponction thoracique sous scanner au service d'imagerie médicale de l'hôpitale Croix-Rousse

 

« Une image vaut mille mots. » Quel parfait slogan, emprunté à Confucius, pour un service d’imagerie médicale, pense-t-on en observant le Dr Fabien Craighero réaliser une ponction thoracique sous scanner. Dans la salle, Béatrice, manipulatrice en électroradiologie médicale (MEM), surveille les constantes et s’assure du confort du malade, tandis que le radiologue introduit une aiguille en regard du sternum pour atteindre un ganglion suspect à biopser. Son regard ne quitte pas l’écran situé au-dessus de la table mobile où s’affichent, en 2 et 3D, les images de la structure anatomique du thorax dans lequel est fichée l’aiguille. À l’extérieur, de l’autre côté de la vitre plombée, Nadhir, Melissa et Stéphanie, également manipulateurs en électroradiologie médicale, scrutent attentivement les écrans avant de procéder, à la demande du médecin, à un nouveau contrôle en acquisition hélicoïdale. Cette dernière pourra ainsi corriger l’axe d’approche de l’aiguille et sa localisation par rapport à la lésion.

Un service en première ligne

Alors que le geste opératoire radioguidé se prolonge, Nadhir fait le point sur la file d’attente des patients. Le prochain, adressé par le service de réanimation situé à l’étage juste au-dessus, est atteint de la Covid. « Chez ces malades, le scanner permet de constater l’intensité de l’atteinte pulmonaire et de régler le protocole d’inspiration/expiration », détaille le jeune homme. Un examen long et délicat – une heure contre quinze minutes habituellement – pour ces patients parfois intubés et sous ventilation artificielle, que les quarante-cinq « manip’ radio » de la Croix-Rousse ont pratiqué des centaines de fois depuis le début de l’épidémie.

« Avec cette crise, nous avons enregistré une forte augmentation du nombre de radios pulmonaires et les manipulateurs ont été exemplaires, travaillant avec acharnement et faisant preuve d’un très grand courage », constate le Pr Loic Boussel, chef du service d’imagerie médicale.

« Lors de la première vague », poursuit-il, « nous avons utilisé le scanner en renfort des tests PCR pour poser des diagnostics de Covid ; pour autant, s’il s’est avéré être un bon outil diagnostic, il ne doit plus être utilisé comme tel. Aujourd’hui, nous y avons recours pour estimer l’intensité de l’atteinte pulmonaire. »

Une discipline structurante et innovante

Au-delà de cette situation exceptionnelle, le service d'imagerie médicale de la Croix-Rousse prend en charge les examens d’imagerie de l’ensemble des services de l’hôpital, notamment dans le domaine des pathologies hépatobiliaires et greffes hépatiques (la Croix-Rousse est centre de référence pour le diagnostic et le traitement du cancer du foie ainsi que pour les transplantations hépatiques), viscérales digestives, ORL, pulmonaires, gynécologiques et sénologiques, cardiaques et ostéo-articulaires. Soit plus de 82 000 actes d’imagerie diagnostique et interventionnelle réalisés chaque année.

Les différentes spécialités s’appuyant sur l’imagerie à des degrés divers, et de façon vitale quand il s’agit d’urgences, l’organisation du service, ouvert 24 heures/24, doit être infaillible. Un point essentiel pour le chef de service qui souligne le délicat travail d’aiguillage orchestré par les onze secrétaires médicales. « Nous sommes une discipline structurante », observe-t-il. « À ce titre, la fluidité de notre organisation conditionne, pour partie, la qualité de prise en charge des patients dans l’établissement. » Structurante, l’imagerie médicale est aussi incroyablement innovante. Depuis son invention, en 1895, cette spécialité est l’une de celles qui ont le plus évolué, participant activement au progrès médical.

« Au cœur du diagnostic, de la prise en charge et du suivi thérapeutique, l’imagerie est en constante évolution avec une tendance à la spécialisation par type d’organe », confirme le Pr Boussel.

Vers plus de gestes radio-chirurgicaux

Grâce aux progrès technologiques rapides et continus qui ont démultiplié la puissance des machines et la qualité des images, permettant des restitutions en trois dimensions d’une grande précision, l’imagerie a clairement investi le domaine du soin. Ainsi, à la Croix-Rousse, près d’un tiers des actes d’imagerie sont des gestes médicaux invasifs : embolisations vasculaires diverses ; ponctions, biopsies, drainages de collection ; infiltrations rachidiennes ou articulaires, cimentoplasties vertébrales ou encore macrobiopsies mammaires. « Depuis 2020, nous disposons d’un Mammotome permettant de prélever, sous anesthésie locale, un fragment de tissu suspect en vue d’une analyse », détaille Gaëlle Longpré, manipulatrice référente du secteur de sénologie. « Moins invasive, cette technique remplace très avantageusement une intervention chirurgicale diagnostique. »

Réalisés sous contrôle scopique, échographique, scannographique ou IRM, ces actes combinés radio-chirurgicaux se multiplient pour le plus grand bénéfice des patients, moins longtemps hospitalisés.

Ce que nous observons en suivant la Dr Audrey Haquin. Après avoir effectué, en fin de matinée, un repérage mammaire (geste consistant à placer un fil en acier, à l’intérieur du sein, au niveau d’une anomalie non palpable mise en évidence uniquement sur les examens radiologiques), sous échographie sur une femme de 37 ans en vue d’une biopsie chirurgicale programmée pour le lendemain, nous la retrouvons en début d’après-midi en salle de radiologie interventionnelle.

interventions guidées par l’image au service d'imagerie médicale Hôpital Croix-Rousse : allongée sur la table sous un champ stérile, une patiente souffrant d’endométriose s’apprête à recevoir un traitement de radiofréquence.

Des soignants à part entière

Cette salle, l’une des deux que compte le service, est dotée d’équipements d’imagerie permettant de réaliser des interventions guidées par l’image. Allongée sur la table sous un champ stérile, une patiente souffrant d’endométriose s’apprête à recevoir un traitement de radiofréquence destiné à détruire un nodule au niveau du pelvis. Pendant que la Dr Haquin observe l’écran pour amener la sonde délivrant les ultrasons au plus près de la lésion et ainsi la dévitaliser, Gaëlle Martinez, manipulatrice en électroradiologie médicale, demeure auprès de la patiente pour s’assurer que tout se déroule bien, lui prodiguer des paroles réconfortantes et quelques techniques d’hypnose. « Notre métier est technique, mais nous sommes avant tout des soignants qui œuvrons en proximité avec les patients », explique, depuis le poste de contrôle, sa collègue Sophie Chaintreuil. « Nous sommes rarement considérés comme des soignants », renchérit Clotilde Conod, jointe par téléphone. « Pourtant, lors d’actes interventionnels, notre mission s’apparente à celle des Infirmiers Diplômés d'Etat. » Pour l’heure, la patiente a quitté la salle, les écrans sont éteints. Reste le pouvoir des images sur les maux.

Un scanner révolutionnaire
Reculer les limites de l’exploration du vivant : telle est l’ambition du programme de recherche pluridisciplinaire pour la conception d’un nouveau scanner révolutionnaire mené à Lyon et auquel participe le service d’imagerie de la Croix-Rousse. Unique au monde, ce scanner spectral à comptage photonique, aujourd’hui à l’état de prototype, offre une résolution spatiale de deux cents microns trois fois meilleure qu’un scanner normal et des images en couleurs. « Cet appareil permettra de caractériser une anomalie de façon plus fine et d’injecter des agents de contraste spécifiques des maladies pour tatouer en couleurs les maladies sans agents radioactifs », explique le professeur Boussel, qui souligne que l’exposition aux rayons X sera également moindre qu’avec une machine standard.

Dernière mise à jour le :