« Ils m’ont accompagné tout au long de ma vie », Rémi Reibel, patient suivi en néphrologie

Rémi Reibel a grandi avec la maladie. Deux fois greffés des reins, sa trajectoire de vie est étroitement mêlée à son parcours de santé. De cette expérience, il en tire un dynamisme à toute épreuve.

Né avec une malformation des voies urinaires, Rémi passe ses huit premiers mois à l’hôpital Debrousse (fermé en 2007). À l’époque, les jeunes mères ne sont pas autorisées à tenir leurs enfants dans les bras. Pire encore, elles ne peuvent les voir que derrière la vitre qui les sépare de la salle de néonatologie. Jusqu’à ses dix ans, Rémi devra changer ses pansements toutes les deux heures pour éviter les infections. À l’école, il est condamné à rester aux côtés de l’institutrice pendant les récréations. Heureusement, il peut compter sur sa famille et sur un caractère foncièrement positif. « Je n’ai pas eu une vie amusante mais j’ai toujours été souriant », traduit-il, simplement. 

À dix ans, une crise d’urémie marque son entrée dans une nouvelle vie ponctuée trois fois par semaine par une séance de dialyse. Il est soigné dans le Pavillon P à l’hôpital Édouard Herriot, dans le service de néphrologie du professeur Jules Traeger. « Entre 10 et 33 ans, je serai tous les deux jours au troisième étage du Pavillon de 15h à 19h… compliqué pour la vie personnelle, pour les études, pour le travail. » Le petit patient est en pleine croissance et sa maladie réduit sa capacité à assimiler le calcium. Il souffre d’un genu valgum, ses genoux se rapprochent tandis que ses chevilles s’écartent. Les douleurs osseuses sont terribles. Il sera opéré trois fois des jambes, au début des années 80.  

L’adolescence finit par succéder à l’enfance. Tout passe mais demeure la maladie avec ses conséquences qu’il faut apprendre à gérer, accepter, dépasser. « J’ai très tôt compris que ma maladie ne me quitterait pas. À douze ans, je me suis dit que si j’emmerdais mon entourage, je finirais par n’avoir plus personne autour de moi. » Rémi est curieux, frondeur. Il veut découvrir le monde, faire des rencontres. Avec son oncle, il apprend à jouer aux échecs ; avec son père, il découvre l’univers de l’imprimerie. Il est le petit-fils de Joseph Reibel, journaliste et éditeur dans la presse radiophonique, adjoint au maire Édouard Herriot, qu’il n’a jamais connu mais qui représente néanmoins une autre figure tutélaire. « J’ai voulu devenir journaliste à l’âge de huit ans », dit-il, toujours passionné quarante-six ans plus tard. Son père, parvient à financer des machines de dialyse, via le soutien d’une association fondée avec le professeur Traeger, qui seront implantées à l’hôpital Renée Sabran, établissement des HCL, dans le Var : « Je pouvais enfin partir en vacances au bord de la mer… » 

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Rémi Reibel
Rémi Reibel

Des rencontres pour la vie 

À 20 ans, il entre à l’École supérieure de communication à Lyon. Après deux ans, il en sort diplômé. Entre temps, il aura multiplié les stages dans des médias lyonnais. Le jeune homme est dynamique, curieux, a le goût des relations humaines. Il fait la connaissance de Paul Bocuse « avec qui ça matche tout de suite. » À nouveau, il partage son expérience de vie et se lie d’amitié. Mais son véritable mentor, outre son père, c’est Jean Michel Dubernard, professeur des universités praticien hospitalier, ponte de la greffe en France et à l’international.  

Quand ils se rencontrent pour la première fois, Rémi a dix ans. Ses parents l’interpellent dans le couloir du service où leur enfant est hospitalisé. Ils veulent lui parler greffe de rein. Mais cette dernière n’est pas recommandée au regard de son état de santé à l’époque. Et ce ne sera que la décennie suivante que Rémi, en tant que patient hyperimmunisé, bénéficiera enfin de la greffe tant attendue. « Jean Michel Dubernard m’a accompagné tout au long de ma vie. C’est lui qui m’a aidé pour les stages d’étudiants, c’est lui, avec son équipe, qui m’a opéré le 16 août 2000 après 22 ans de dialyse… Il sera aussi témoin à mon mariage et présent à l’enterrement de mon père. »  

Après la greffe, le trentenaire revit. « Je réapprends à uriner avec l’outil adéquat. Je retrouve une nouvelle liberté. Je me réinvestis à fond dans mon travail. » Le traitement antirejet fonctionne bien et les aventures reprennent de plus belle. Mais, en 2014, au cours d’un trajet en voiture, il s’endort et c’est l’accident. « Retour à l’hôpital Édouard Herriot. Je reste 90 jours alité puis je pars en rééducation à l’hôpital Henry Gabrielle. » Rémi réapprend à marcher avec des béquilles, cinq mois après l’accident. Il finit par se remettre et retrouve son quotidien, pour autant, cette ultime épreuve a laissé des séquelles. En 2019, après deux ans d’une fatigue chronique, il déclare un rejet de greffe. « On me dit qu’il va falloir dialyser. Pour moi, cela marquait un retour vers l’enfer. Je ne voulais plus. Le 8 novembre, me voilà au troisième étage du Pavillon P, là même où j’avais été dialysé pour la première fois à l’âge de dix ans. Je craque, les larmes viennent. Les infirmières comprennent, m’entourent, m’accompagnent. » 

« Pour eux, je n’ai pas le droit de baisser les bras » 

Le professeur Dubernard vient le voir, ému lui aussi. Rémi fait face, comme il l’a toujours fait. Cette fois-ci, il n’aura pas à attendre longtemps pour bénéficier d’une nouvelle greffe. Le 29 janvier 2020, à 23 heures, il reçoit un appel téléphonique : « On a un rein pour vous ! » « Je fonce à Édouard Herriot où je suis opéré le lendemain et tout va bien. »

Il est suivi par le docteur Sameh Daoud, néphrologue du service de transplantation, néphrologie et immunologie clinique : « Je l’ai rencontré il y a plus de trente ans, il était de garde et moi je dialysais. Il va bientôt prendre sa retraite. J’ai toujours pu compter sur lui. C’est un homme exceptionnel. » 

Aujourd’hui, l’histoire de Rémi continue à s’écrire avec ces femmes et ces hommes qui « m’ont donné la chance d’être soigné », dit-il.

« Les hospitaliers du CHU sont des gens qui cherchent, trouvent et font évoluer le soin et les traitements. Ils m’ont accompagné tout au long de ma vie. Pour eux, je n’ai pas le droit de baisser les bras. »  

En tant que patient, fonceur et entreprenant, Rémi a beaucoup à partager. Il envisage de transmettre son expérience, d’une façon ou d’une autre. En ce mois de mars 2024, paraît son récit de vie (1) dans lequel il livre sans détours son vécu, sa philosophie, sa joie de vivre.

« La maladie m’a appris à vivre les bons moments quand ils se présentent, à ne jamais être dans le jugement de l’autre. Elle m’a appris aussi à la respecter ou plus précisément à respecter ses conséquences pour la vivre mieux et dans l’apaisement. »  


(1)https://www.rencontresaveclavie.com

 

Dernière mise à jour le : mer 27/03/2024 - 14:44