« La maladie au fil de la vie », Marie Cañete Muñoz, patiente partenaire aux HCL
Son histoire de santé commence en 2004. À l’époque, Marie s’apprête à subir une chirurgie digestive. Femme dynamique, active, appréciée de ses proches pour son caractère jovial, elle l’envisage avec optimisme. L’intervention se déroule normalement, mais provoquera par la suite un important volvulus aigu (torsion de l’estomac) et de graves complications. « Je souffre de terribles douleurs. Une seule gorgée d’eau, je ne pouvais pas même l’absorber », relate-t-elle. Les complications post-opératoires ont été nombreuses. En novembre 2005, elle entre au bloc opératoire pour une résection intestinale provoquée par une tumeur digestive nécrosante. Au total, elle subira sept résections. À son réveil, une angoisse l’étreint quand, derrière la fenêtre de sa chambre d’hôpital, elle voit les arbres. « J’étais entrée le matin, les branches étaient nues, et je les voyais maintenant avec des feuilles vert tendre… J’avais été mise dans un coma artificiel, nous étions en avril. » Pendant ces longs mois, Marie a frôlé la mort à plusieurs reprises, affaiblie par la dénutrition, une infection pulmonaire au staphylocoque doré, respirant avec l’aide d’une machine…
L’année qui suit, elle divorce. Elle ne peut plus travailler. Elle est mise en invalidité à plus de 80 %. « Pour moi, c’est une catastrophe, je fais appel mais bien sûr, je perds. Je n’acceptais pas ma situation, mon corps. J’étais dans le déni et, de plus, je me sentais coupable. » Pour autant, elle ne sombre pas dans la dépression. Ses amies la soutiennent, son « clan », sa famille l’entoure, à commencer par sa fille, Adriana qu’elle a eu à vingt-et-un ans. Bientôt, elle fait la connaissance de celui qui deviendra son mari. D’emblée, elle ne lui cache rien, révélant les nombreuses cicatrices que les opérations successives ont laissé sur sa peau. L’amour, bien sûr, n’en a cure, et le couple déménage pour la région lyonnaise. Si ce n’était la santé, tout irait pour le mieux, mais Marie décline.
« Il m’a sauvé la vie »
Elle perd des forces chaque jour un peu plus. On lui conseille de prendre rendez-vous dans le service de nutrition clinique intensive, alors implanté à l’hôpital de la Croix-Rousse. Elle y fait la rencontre du Dr Patrick Gelas, aujourd’hui à la retraite. « Il m’a sauvé la vie. » Elle raconte son histoire, les souffrances et aussi, le sentiment d’être livrée à elle-même. Nous sommes en 2008. Marie pèse 50 kilos et est en carences physiologique et neurologique. « Le docteur Gelas me dit que si je veux continuer à vivre, la solution c’est la nutrition parentérale. » La nutrition parentérale ? C’est-à-dire l’administration d’une solution nutritive par voie intraveineuse. « Mon intestin qui ne mesure plus qu’un petit mètre ne me permet plus d’absorber les nutriments dont mon corps a besoin pour vivre normalement. » Cette nouvelle façon de s’alimenter impose de lourdes contraintes. Pour Marie, c’est une nouvelle épreuve : « Au début, ça a été l’enfer. Je restais branchée onze à douze heures chaque nuit. Aujourd’hui, je ne suis connectée qu’une nuit sur deux et je tiens onze heures, ce qui signifie que mon corps tolère un débit un peu plus élevé. »
Si l’alimentation parentérale a enfin permis à Marie de retrouver le chemin d’une vie « presque » normale, précise-t-elle, cela ne va pas sans risque. Car la nutrition parentérale exige une hygiène draconienne pour que tous les consommables ainsi que la voie centrale demeurent stériles. Et, même avec la plus grande vigilance, le risque de septicémie persiste. Entre 2008 et 2023, Marie en aura déclaré sept. À chaque fois, l’urgence consiste à stabiliser la patiente grâce à un antibiotique à spectre large pour combattre l’infection bactérienne.
« J’ai pris une claque »
Une question se pose plus que toute autre : « Que faire de ma vie ? » Pas question de rester à la maison, Marie a besoin de rencontres, de donner du sens à cette expérience de la maladie qui déborde au quotidien, jusque dans son intimité et devant laquelle il est hors de question de baisser les bras. Son mari, son « soignant invisible » comme elle appelle les aidants, la conduit à renouer avec ses désirs de jeunesse. Pendant deux ans, la voilà sur les bancs de la faculté de philosophie, en auditeur libre. Elle s’engage dans le bénévolat, aux Restos du Cœur, puis dans une association qui défend les droits des personnes LGBTQIA+. C’est aussi la rencontre avec la docteure Cécile Chambrier, alors cheffe du service de nutrition clinique intensive, qui l’incite à prendre contact avec l’association La Vie par un fil. « Je n’étais pas très motivée et puis, en faisant la connaissance de personnes qui, comme moi, vivent grâce à la nutrition parentérale, quand j’ai vu ces enfants jouer, être heureux, j’ai pris une claque. J’ai vite intégré le conseil d’administration. »
Grâce au programme d’éducation thérapeutique du patient ETP nutrition parentérale à domicile au long cours délivré aux HCL, Marie apprend à se brancher elle-même la nuit, sans l’aide des infirmières libérales qui ne l’accompagnent plus qu’une fois par semaine. Depuis 2021, et après avoir été formée aux Hospices Civils de Lyon, elle partage son expérience avec les malades du service d'Hépato-Gastro-Entérologie et Assistance Nutritionnelle à l'hôpital Lyon Sud.
« J’entre dans la chambre, après que la cadre de santé m’a demandé d’intervenir. J’écoute ces questions que les patients n’osent poser aux médecins, nous échangeons dans le respect de la confidentialité des échanges. On parle de tout, de sexualité souvent, de choses pragmatiques, du quotidien… »
Redonner confiance
Marie est positive, résiliente peut-on résumer simplement. Convaincue du bien-fondé du système de santé français, dans lequel sa maladie chronique est prise en charge, « ce qui est loin d’être le cas dans beaucoup de pays », elle souhaite redonner confiance et enthousiasme à ceux qui comme elle traverse la vie au fil de la maladie. Son engagement s’étend désormais à d’autres projets menés par les équipes des HCL en lien avec ces patients qui portent la volonté de contribuer à l’amélioration des soins hospitaliers.
En cette fin d’été, elle s’est même lancé un défi : celui de rejoindre Valence aux Saintes-Maries-de-la-Mer à vélo ! Sa complice et amie Caroline, l’accompagne, Marie à vélo électrique, la deuxième à l’énergie musculaire. De quoi démontrer aux malades et à leur entourage, aux siens et à ses yeux, que oui, la vie vaut la peine d’être vécue, et même plus encore. « La maladie m’a rendue meilleure. Je suis moins exigeante, plus ouverte et tolérante. Oui, je suis une meilleure personne aujourd’hui. »
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