La transplantation pulmonaire trouve un nouveau souffle

Pour la première fois, à l’automne 2021, un greffon pulmonaire a pu être optimisé grâce à la perfusion ex vivo. Cette technique ouvre de nouveaux horizons pour augmenter le nombre des greffons utilisables et améliorer leur qualité.

En 2020, 38 patients adultes ont bénéficié d’une greffe de poumon aux HCL, alors que seulement « 20 % des greffons pulmonaires sont éligibles à la transplantation », précise le Dr Valentin Soldea, chirurgien thoracique dans le service de chirurgie thoracique vidéothoracoscopie et transplantation pulmonaire à l’hôpital Louis Pradel. La transplantation pulmonaire est prescrite en dernier recours en cas de défaillance terminale de l’organe.

Une technique de perfusion pulmonaire ex vivo pour augmenter le nombre de greffons utilisables

La pénurie chronique de greffons augmente la mortalité des patients sur liste d’attente. Dans le but de prolonger la vie du plus grand nombre, les critères d’acceptation des greffons ont été revus à la baisse. Des greffons dits marginaux(1) ou des greffons issus de donneurs à cœur non battant ou arrêté(2), ont été autorisés à la transplantation. Afin de préserver leur qualité, voire même de les optimiser, de nouvelles techniques ont vu le jour.

La technique de perfusion pulmonaire ex vivo remonte à la fin des années 90. Un chirurgien suédois, Stig Steen, invente alors une machine dans le but d’augmenter le nombre de greffons utilisables et d’améliorer leur qualité. Sa première version, utilisée en Suède en 2001, a permis de réaliser une transplantation pulmonaire à partir d’un donneur à cœur arrêté. Peu après, un greffon, initialement refusé puis reconditionné par cette technique, a pu également être transplanté. Depuis, la technique s’est développée à travers le monde, montrant des résultats très encourageants. En 2020, l’équipe de transplantation pulmonaire du Pr François Tronc reçoit une machine de perfusion ex vivo dotée des dernières avancées. Le Dr Valentin Soldea, parti se former en Suède, ses confrères, les médecins anesthésistes et les soignants, s’approprient la technique. Ils pratiquent des exercices de simulation, à partir d’organes non transplantables, encadrés par l’Agence de la biomédecine.

Puis, à l’automne 2021, pour la première fois, l’équipe utilise la perfusion pulmonaire ex vivo en conditions réelles, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives d’accès aux greffons.

Perfuser, ventiler, reconditionner et optimiser

La machine(3) utilisée depuis l’automne dernier aux HCL est mobile. Elle permet de perfuser, ventiler et évaluer le poumon, du prélèvement à la greffe. Elle peut être utilisée pour tous les types de greffons. « Le poumon explanté est perfusé avec la solution de Steen® qui reproduit un milieu biologique idéal. Dans son caisson, le poumon peut être refroidi, réchauffé, évitant les effets secondaires des ischémies (privation d’oxygène, NDR) froides et chaudes. Le greffon est ensuite réchauffé à 31°C et ventilé avec une pression expiratoire positive (PEP) de 5 mmHg(4) et une fraction d’oxygène inspiré (FIO2) à 31 % (l’air que nous respirons a une FIO2 à 21 %, NDR). Progressivement, on monte le débit de la pompe, jusqu’à 40 % du débit cardiaque théorique du donneur. Cette phase de test, qui évalue et reconditionne, peut durer de deux à huit heures », explique le chirurgien thoracique. Ce temps est précieux car il permet au greffon, qui a subi une ischémie au moment du décès du donneur et de l’explantation, de retrouver sa fonctionnalité. Pour les chirurgiens, il offre la possibilité d’évaluer objectivement et de façon reproductible la qualité et la fonctionnalité du greffon, et ainsi de ne retenir que les greffons compatibles avec la greffe et le receveur.

De nouveaux donneurs ?

Depuis 2014, la France autorise les prélèvements correspondant à la catégorie III de la classification de Maastricht (lire note 2), sous certaines conditions. Les chirurgiens de l’hôpital Louis Pradel ont obtenu l’accréditation pour pouvoir mettre en place ce protocole aux enjeux techniques et éthiques. « Les ischémies chaudes sont en effet plus traumatisantes pour l’organe », explique le Dr Soldea. « La machine nous permettra d’éliminer les suspicions d’éventuelles lésions que le prélèvement Maastricht III pourrait occasionner, soit le temps pendant lequel l'organe, non approvisionné en sang, reste à la température corporelle. » Que ce soient les greffons dits marginaux ou de Maastricht III, les études ont montré que ce sont plus de 80 % de ces greffons hier refusés que la technique permettrait d’évaluer et de reconditionner avant transplantation. Un nouvel espoir pour les patients en attente d’une greffe.

 

(1) Selon les critères suivants : un âge supérieur à 55 ans, un tabagisme supérieur à vingt paquets années (PA), une radiographie pulmonaire anormale, une gazométrie artérielle en-dessous du seuil habituel et la présence de sécrétions purulentes bronchiques.

(2) Donneurs décédés par arrêt cardio-respiratoire, divisés en cinq catégories selon la classification de Maastricht de 1995, modifiée en 2003. La catégorie III désigne les personnes pour lesquelles est prise la décision de limitation ou d’arrêt programmé des thérapeutiques, en raison du pronostic des pathologies ayant amené la prise en charge en réanimation.

(3) www.xvivoperfusion.com

(4) Mesure de la pression de l’air en millimètres de mercure. Une pression trop forte abîmerait le greffon. Participe à l’évaluation de la compliance de l’organe.

Dernière mise à jour le : ven 10/06/2022 - 09:50