Les prescriptions optimisées des chercheurs en pharmacie clinique

La Pr Christelle Mouchoux et le Dr Teddy Novais, hospitalo-universitaires spécialisés en pharmacie clinique (HCL/Université Lyon 1), multiplient les projets de recherche sur l'optimisation de la prescription médicamenteuse chez les patients âgés, notamment ceux atteints de troubles neurocognitifs. Avec des résultats encourageants pour les patients et les proches aidants.
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Pr Christelle Mouchoux et le Dr Teddy Novais
Pr Christelle Mouchoux et le Dr Teddy Novais

Oublier le simple contrôle d’ordonnance. Ici, les pharmaciens sont aussi des cliniciens, proches des patients et des aidants, en lien avec les équipes médicales et paramédicales avec lesquelles ils travaillent en étroite collaboration. Ce sont aussi des investigateurs chevronnés qui multiplient les projets de recherche. La Pr Christelle Mouchoux et le Dr Teddy Novais, pharmaciens cliniciens à l’hôpital des Charpennes, sont spécialisés dans la gériatrie et le neuro-vieillissement. Depuis une quinzaine d’années, Christelle Mouchoux, par ailleurs co-responsable du Centre de recherche clinique "Vieillissement-Cerveau-Fragilité" des HCL, travaille sur l’exposition aux médicaments du patient âgé atteint de troubles neurocognitifs. Leurs investigations se déclinent en trois volets : la mesure de l'exposition médicamenteuse, l'identification du lien entre cette exposition et les risques iatrogènes et le développement d'interventions collaboratives pour réduire ces risques.

Financées par des appels d'offres nationaux, régionaux ou institutionnels, leurs recherches ont obtenu des résultats pertinents. Ainsi, leur étude nationale basée sur les données de l'assurance maladie (via le système national des données de santé, SNDS), portant sur près de 17 millions de patients de plus de 65 ans, a révélé qu'environ 33% de ces patients consommaient au moins un médicament anticholinergique ou sédatif. « Ce pourcentage s'élève à près de 55 % pour les patients en institution », précise le Dr Novais, investi dans la recherche depuis 2014. Les médicaments anticholinergiques peuvent provoquer des effets indésirables périphériques et centraux, tels que la rétention urinaire, la sécheresse buccale, la constipation, la tachycardie et les troubles cognitifs. Or, ces médicaments sont utilisés pour diverses pathologies, notamment les troubles psychotropes, urinaires et la douleur. L'étude, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of American Geriatric Society, a permis d'identifier les principaux médicaments concernés, et ainsi de réfléchir à des alternatives thérapeutiques plus sûres. Autre exemple : l’étude sur la cohorte Memora a démontré que l'exposition aux médicaments anticholinergiques et sédatifs réduisait les fonctions cognitives globales, mesurées par le MMSE, outil d’évaluation des fonctions cognitives très utilisé dans le monde. Leurs investigations explorent aussi le domaine de la recherche interventionnelle. L'étude Opmed visait à optimiser la thérapeutique chez les patients âgés hospitalisés à travers la formation des équipes médicales et une analyse pharmaceutique structurée. Bien que l'étude ait rencontré des difficultés d'inclusion, les résultats ont montré une diminution du nombre de prescriptions inappropriées.

Plus de qualité, moins de quantité

Suffirait-il alors de réduire les traitements pour éviter l’iatrogénie médicamenteuse ? Pas tout à fait. Ils soulignent l’importance de « considérer l'aspect qualitatif de la prescription, en choisissant des médicaments efficaces mais avec moins d'effets indésirables, plutôt que de simplement réduire le nombre de prescriptions ». Et de préconiser : « Il faut adapter les médicaments aux patients âgés, qui sont souvent plus sensibles aux effets des médicaments, notamment ceux agissant sur le système nerveux central, et rechercher des alternatives thérapeutiques plus sûres avec des posologies adaptées. ».

L'étude Pharmaid, qui intègre l’accompagnement du couple patient-aidant chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, envisage une approche psychosociale et pharmaceutique. Cette étude a montré l'importance d'optimiser la thérapeutique non seulement du patient, mais aussi de l'aidant, souvent oublié et présentant des troubles liés au fardeau de la maladie. « Ce travail collaboratif donne du sens à notre activité de soins. Nous souhaitons intervenir de manière pertinente sur le parcours du patient, en tenant compte des différents contextes de soin », partagent-ils.

Forts de ces résultats, d’autres études interventionnelles s’apprêtent à voir le jour. Le projet Diopas, une étude multicentrique sur la déprescription des médicaments anticholinergiques et sédatifs chez le patient âgé vivant à domicile, débutera en 2026. L'objectif est de diminuer l'exposition à ces médicaments à travers un parcours de soins coordonné entre l'hôpital et la ville, avec l'implication des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), des gériatres, des pharmaciens hospitaliers et des médecins traitants. Une autre étude (MI5, soumise au programme hospitalier d’étude clinique inter-régional) va s’intéresser aux patients qui ont des troubles neurocognitifs, en prenant en compte leurs capacités intrinsèques et en mettant en place des actions personnalisées. Toujours dans le but d’optimiser les traitements et faire avancer le soin des personnes âgées.

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