Médiation animale : quand les chiens font évoluer le soin
L’idée est née en écoutant certains patients évoquer la force du lien les unissant à leur animal de compagnie. « Et si on les laissait venir ? », s’est interrogée l’équipe à l’origine du projet : Florence Artur du Plessis, psychologue, Christophe Metton, aide-soignant, et la Dr Chloé Achino, anesthésiste-réanimatrice. Les premiers essais, prometteurs, ont peu à peu amené à une réflexion plus large, jusqu’à l’élaboration d’un protocole encadré, officialisé en 2024.
L’initiative repose sur la volonté de réhumaniser un service dominé par la technique. L’ambition étant d’apporter du réconfort, de diminuer l’anxiété, de créer du lien autrement que par les soins.
En réa, les patients sont souvent réduits à leurs organes. Nous souhaitions réhumaniser et personnaliser les soins parfois éloignés du vécu des patients, explique la Dr Chloé Achino.
De l’émotion et du sens
Le protocole, élaboré en collaboration avec la Dr Béatrice Grisi, médecin du service d’hygiène et d’épidémiologie de l’hôpital de la Croix-Rousse, est volontairement léger. Pour autant, l’animal, toujours sous la responsabilité du proche, est un visiteur pas tout à fait comme les autres.
La sécurité est informée de leur arrivée, un soignant accompagne le proche depuis le hall, les dispositifs médicaux sont protégés, l’environnement désinfecté après la visite, précise Christophe Metton.
Dès les premières visites, les retours ont été éloquents. « Il y a ce patient qui, après la visite de sa chienne, a trouvé l’élan pour rentrer chez lui, ou encore, cette mère et sa fille à nouveau réunies avec le chien couché entre elles... », rappelle Florence Artur du Plessis. « C’est une ressource que les médicaments ne peuvent pas apporter », glisse la Dr Chloé Achino.

Le bénéfice ne s’arrête pas au patient. Pour les familles, souvent en désarroi, la présence de l’animal redonne un rôle, une place, une utilité. Pour les soignants, c’est un moment suspendu, non dénué d’émotions, qui redonne du sens, « avec le sentiment d’aller au bout de notre mission de soin », précise Christophe Metton. « La médiation animale me permet de renforcer le lien avec le patient. La relation de confiance est plus forte et parfois plus enjouée quand la conversation porte sur le chien », complète Florence Artur du Plessis.
Résistances et réglementations
Le projet n’a pourtant pas été sans résistances. Certains redoutaient une déferlante de demandes, difficile à encadrer. D’autres craignaient une incompréhension culturelle dans un milieu soumis à de fortes contraintes réglementaires. Le protocole a prévu jusqu’à la possibilité d’interrompre la visite à tout moment, si nécessaire. Et, les personnels mal à l’aise avec les animaux peuvent exprimer leurs réserves et choisir de ne pas participer à la médiation animale.
En pratique, seules les visites de chiens et de chats sont autorisées dans le cadre de soins palliatifs ou d’hospitalisations longues. Pas de contre-indication particulière liée à la taille ou à l’âge de l’animal, même si certains chiots ont pu susciter quelque méfiance. Les visites sont rares ‒ une à deux par mois en moyenne ‒ mais toujours marquantes.
Un patient hospitalisé depuis six mois attendait son chien qu’il n’avait pas revu depuis son entrée à l’hôpital. Quand l’animal est arrivé, il a reconnu son maître en s’approchant, en sentant son odeur. Ce fut alors un instant empreint d’une grande affection des deux côtés, relate Yacine Fouhal, aide-soignant dans le service.
La confiance au cœur du soin
Fait notable : l’équipe a choisi de ne pas quantifier l’impact du projet. Cependant, une évaluation qualitative pourrait voir le jour, à partir de récits croisés de patients, de familles, de soignants, autant d’avis approfondis circonstanciés. Mais le plus important est ailleurs : dans les regards apaisés, les mains qui caressent, les sourires retrouvés. Il s’agit d’écouter ce qui est essentiel pour chacun, au-delà du médical. Et l’équipe de poser une question simple, presque politique : de quel droit interdirait-on à quelqu’un de vivre un moment avec son animal, s’il est en capacité de le souhaiter ?
Présenté lors de la Journée de prévention des infections associées aux soins organisée en avril 2025 par le service hygiène épidémiologie infectiovigilance et prévention (Sheip) des HCL, le projet a reçu un bon accueil. Il s’inscrit dans un mouvement de société plus large, qui reconnaît peu à peu la place des animaux de compagnie dans les institutions, à l’hôpital, en Ehpad ou dans les tribunaux... Une place qui ici, situe le patient et son animal au cœur du soin.
- Hôpital de la Croix-Rousse - Établissement
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Christophe Metton, aide-soignant, Florence Artur du Plessis, psychologue, et la Dr Chloé Achino, anesthésiste-réanimatrice, sont tous les trois à l'origine du projet de médiation animale à l'hôpital de la Croix-Rousse.