IVG : pour une prise en charge optimale
En 2022, 234 300 interruptions volontaires de grossesse ont été enregistrées en France1. Bien que la pratique des IVG médicamenteuses soit autorisée en cabinet de ville depuis 2005, ce sont encore 62 % des IVG qui sont pratiquées en secteur hospitalier. Pour ces dernières réalisées en établissement hospitalier, le délai légal de recours a été allongé de deux semaines par la loi du 2 mars 2022, passant de 14 à 16 semaines d’aménorrhée.
On estime ainsi que 55 % des IVG pratiquées en établissement de santé le sont à moins de huit semaines d’aménorrhée (absence de menstruation) et 76 %, soit 110 000 IVG, à moins de dix semaines d’aménorrhée. Quant aux IVG qui ont lieu après 13 semaines d’aménorrhée, elles représentent moins de 1,5 % de l’ensemble des IVG, soit entre 1,3 % et 2,3 % des IVG hospitalières.
Le CHU de Lyon compte quatre centres d’orthogénie, dans lesquels médecins, infirmières, sages-femmes, aides-soignantes, conseillères familiales et conjugales et secrétaires portent une attention particulière aux patientes en demande d’IVG. L’accompagnement et la prise en soins commencent dès l’accueil téléphonique, « avec parfois des femmes qu’il faut rassurer », indique la docteure Marion Delbosco, médecin généraliste spécialisée en gynécologie.
Deux tiers des femmes qui ont recours à l’IVG sous contraception
On estime qu’une femme sur trois aura recours à l’IVG au cours de sa vie. Toutes les catégories socio-professionnelles, toutes les tranches d’âge de l’adolescence jusqu’à la préménopause, sont représentées. « Deux tiers des femmes qui ont recours à l’IVG sont sous contraception, ce recours étant alors la conséquence d’un échec, d’un mésusage ou parfois lors d’un changement de la méthode contraceptive », précise Marion Delbosco.
Le recours à l’IVG représente la liberté de la femme de disposer de son corps en toute autonomie, à la condition que son accès soit garanti. Et pour garantir le droit, la liberté de réaliser une IVG, « Il est indispensable que toutes les femmes sur l’ensemble du territoire français aient accès à un ou une professionnelle de l’IVG dans les cinq jours suivant leur demande. Selon leur terme de grossesse et leur contexte médico-social, le respect du choix de la méthode d’IVG par la patiente reste notre priorité, ainsi que la qualité d’accueil et de soins pour une prise en charge optimale », rappelle la professionnelle de santé.
En 2022, avec l’élargissement des conditions d’accès à l’IVG entre 14 et 16 semaines d’aménorrhée, les HCL ont dû faire face à un surcroît d’activité, depuis absorbé. En 2023, les quatre centres d’orthogénie des HCL ont pratiqué plus de 3 300 IVG, dont 1 323 IVG médicamenteuses (40 %). « L’activité est parfois ralentie par le déficit de créneaux disponibles au bloc opératoire. Le délai proposé pour une IVG instrumentale sous anesthésie générale peut parfois dépasser 10 à 15 jours, imposant à la patiente de repousser le délai pour interrompre cette grossesse non désirée. Dans ce cas, si le terme le permet, il peut nous arriver de proposer une méthode médicamenteuse », informe Marion Delbosco qui, à l’instar des professionnels investis dans les centres IVG, aspire à une prise en charge la plus optimale possible pour toutes les femmes quelles que soient leurs origines sociales, économiques et culturelles.

Une prise en charge globale
Du premier appel téléphonique à la sortie d’hôpital, les patientes ont affaire à des professionnelles du soin investies dans une activité qui souffre d’un manque de valorisation. Après l’accueil par une aide-soignante, la consultation avec la conseillère conjugale (obligatoire pour les mineurs) permet de « poser des mots sur des maux », illustre Laetitia Delorme, conseillère conjugale à l’hôpital Femme Mère Enfant.
« L’entretien permet d’aider les femmes à exprimer librement leurs émotions souvent contradictoires entre la raison et le cœur. Elles peuvent parler de leur ambivalence face à cette grossesse non désirée. C’est un espace où la parole se libère pour vivre au mieux sa décision. »
La consultation peut durer d’un quart d’heure à une heure, selon les questions et les besoins de la patiente. « Chaque patiente est unique et différente, décidée ou hésitante. Notre rôle est de les aider à verbaliser leurs ressentis, à y voir plus clair. Nous les aidons également à réfléchir sur la méthode de contraception post-IVG pour qu’elles deviennent actrices de leur choix », informe la conseillère conjugale.
La prise en charge marque aussi l’occasion de poser la question de la violence conjugale. Non seulement la grossesse est une période durant laquelle le risque de violences au sein du couple est augmenté, mais aussi, du fait des violences, les femmes qui en sont victimes ont un risque plus élevé de grossesses non désirées (1). Les professionnels de santé des centres IVG sont formés à une écoute bienveillante, à un questionnement ciblé et adapté à ces femmes auxquelles l’on garantit la confidentialité des échanges.
Des facteurs d’inégalités, une activité revalorisée
En France, d’après l’étude de la Drees (voir note 1), 17 % des femmes souhaitant avoir recours à l’IVG se voient dans l’obligation de changer de département pour y avoir accès. Ce pourcentage grimpe à 48 % pour les Ardéchoises et à 49 % pour les femmes résidant dans l’Ain. D’après le planning familial, pas moins de 130 centres d’IVG ont fermé au cours des quinze dernières années. Autres facteurs d’inégalité, « le nombre en baisse des maternités sur le territoire hexagonal et avec elle la fermeture de nombreux centre d’IVG, la difficulté pour les sages-femmes d’être reconnues dans ce secteur d’activité, ou encore, l’influence des mouvements anti-IVG très actifs sur Internet », informe la spécialiste.
Afin de pérenniser l’accès à l’IVG, la France est devenue le 4 mars 2024 le premier pays au monde à inscrire le droit à l’avortement dans sa Constitution. « Notre satisfaction n’est pas totale car le respect d’une liberté reste beaucoup moins engageant pour l’État que celui d’un droit, mais cela représente une petite victoire pour l’accès à l’IVG malgré tout », signale Marion Delbosco.
Pour répondre aux difficultés d’accès sur le territoire, le décret du 16 décembre 2023 autorise les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie instrumentale dans les établissements de santé, sous certaines conditions. En outre, une revalorisation de 25 % des tarifs versés aux établissements de santé pour la réalisation des IVG a été décidé après sept ans de stagnation des tarifs induisant des coûts compensés par les établissements pour cette activité.
Source : Etudes et Résultats, septembre 2023, n°1281, Drees.
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2024-02/reco411_grossesse_vulnerabilite_fiche_violence_couple_cd_2024_01_11_vd.pdf