« Le soin repose avant tout sur une relation d’écoute et de confiance », Cathy Vincent, patiente partenaire

Elle a connu l’errance diagnostique, le déni de sa douleur, le manque d’écoute et de compréhension. Dans ce long parcours de santé, au Canada et en France, elle s’est investie pour faire bouger les lignes, se réapproprier son corps et reprendre le contrôle de sa vie. Elle transmet aujourd’hui cette expérience du changement, de l’adaptation et de l’acceptation.

« C’est normal d’avoir mal quand on a ses règles. C’est normal d’avoir mal pendant les premiers rapports. En somme, c’est normal d’avoir mal ». Adolescente, Cathy Vincent ne s’est pas vraiment sentie écoutée. Plus tard, non plus, bien que les douleurs aient gagné en intensité. Elle a vingt-cinq ans lorsque, enfin, une échographie décèle des fibromes dans l’utérus. « On me dit, voilà, cela explique les douleurs, et c’est tout. » Livrée à elle-même, la jeune femme se tourne alors vers différents thérapeutes, tente la médecine douce, des voies alternatives. Aux douleurs s’ajoutent désormais des saignements prolongés.

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Cathy Vincent
Cathy Vincent, patiente partenaire, patiente formatrice et patiente chercheuse

 

En 2010, elle rejoint à Lyon, celui qui deviendra son mari. Le désir d’enfant du couple s’impose. Les mois passent mais non seulement les tentatives demeurent infructueuses et de plus, les douleurs perdurent. À l’hôpital de la Croix-Rousse, un gynécologue, le Dr Saint-Hilaire, aujourd’hui à la retraite, explique son infertilité par la présence des fibromes. Il faut opérer. L’intervention est planifiée mais à quelques jours de l’hospitalisation, Cathy refait un test de grossesse qui se révèle positif ! Entre stupeur et bonheur, elle s’interroge : pourra-t-elle mener à terme son projet de maternité espéré depuis plus d’un an ? Les examens se succèdent et indique que le volume des fibromes diminue pendant cette période de grossesse. En janvier 2013, elle donne naissance à un bébé en parfaite santé. Les mois passent mais pas les saignements qui l’épuisent. Il faut intervenir mais l’obstacle est qu’après le traitement, elle ne pourra plus avoir d’enfant. Le couple décide donc de ne pas attendre et, en avril 2014, naît son deuxième enfant. « Le retour de couche est très compliqué. Je passe une IRM et pour la première fois, on donne un nom à la maladie : l’endométriose. » La douleur ne l’a jamais vraiment quittée et ce diagnostic est la confirmation que, non, « ce n’est pas dans ma tête que ça se passe, comme j’ai pu l’entendre. »  

Douleurs, saignements, épuisement moral et physique, Cathy mène plusieurs combats. Il lui est proposé la thermoablation de l’endomètre, intervention pratiquée en ambulatoire consistant à détruire la muqueuse utérine sous l’action de la chaleur. Cette opération devrait mettre un terme à ses douleurs et aussi à sa fertilité. Après quelques mois, nécessaires pour faire le deuil de sa capacité à enfanter, elle est opérée en juin 2016. L’intervention s’est déroulée normalement. « Une nouvelle vie commence, avec mon mari et mes enfants. Je peux enfin faire du sport. J’ai de l’énergie, je retrouve le mouvement. » Entre temps, le couple est parti vivre au Canada. Le répit sera de courte durée. Un an et demi plus tard, reviennent les douleurs et avec elles, la tension, les émotions négatives, cette contrainte physique qui conduit à l’immobilisme. « La brûlure (de la thermoablation, ndr) a fait des cicatrices. J’essaie des traitements, principalement à base d’anti-inflammatoires qui me rongent de l’intérieur. » Cathy vit des moments difficiles. La déprime s’est installée et les idées noires sont de plus en plus récurrentes. Elle vit dans un appartement au septième étage… mais très vite, elle se reprend : « Si je ne suis plus là qui s’occupera de mes deux soleils et de mon mari ? » 

Une patiente en mouvement 

De l’autre côté de l’Atlantique, Cathy adopte une nouvelle démarche personnelle. Elle s’écoute, écoute ce corps qui n’est pas que douleur, qui peut apprendre, de soi et des autres. Elle s’investit dans des associations de patients, est vigilante à rester en mouvement, en marchant, en prenant conscience de sa respiration. Elle apprend à s’alimenter différemment, en éliminant tous les produits susceptibles de favoriser l’inflammation et qui va avoir un effet sur ses douleurs. Elle continue à consulter. Une IRM montre un syndrome de congestion pelvienne, responsable d’une douleur lancinante dans le bassin. Durant cette période, Cathy apprend à dire non aux médecins quand elle le juge nécessaire. Côté pro, elle donne un sens à sa douleur en devenant coach professionnel pour accompagner les projets de vie de ses clients.  

En avril 2021, elle subit une hystérectomie (ablation de l'utérus). Là encore, il lui a fallu plusieurs mois et un travail sur elle-même pour accepter le caractère définitif de la prescription. Le chemin est long et Cathy dépasse de nombreux obstacles physiques, psychologiques et affectifs. Trois mois après l’opération, elle sent à nouveau que quelque chose ne va pas. De retour en France, renouant avec les praticiens de l’hôpital de la Croix-Rousse, elle doit patienter quelques mois pour être prise en charge au centre antidouleur. La dépression pointe à nouveau. « Je me dis que cette fois-ci la douleur est bien dans ma tête. » Fort heureusement, elle se sent pour la première fois vraiment écoutée : « On me dit que la douleur existe, que c’est une neuropathie. Je suis bien entourée. Une relation de confiance s’installe avec les médecins et les infirmières. Je ne me sens plus comme un cobaye. Et de mon côté, j’ai fait un gros travail d’acceptation, par exemple pour me déclarer en tant que travailleur handicapé. » Cathy accepte mais ne renonce pas pour autant à vivre pleinement. Elle multiplie les actions : « C’est une manière de montrer que je peux être utile. » Progressivement, son chemin de vie aux côtés de la maladie prend un nouveau sens.  

Le partenariat patient, la confiance et le soin 

En 2022, elle est formée par l’Inserm à la relecture des protocoles de recherche, des notices d’information et des formulaires de consentement.

« En tant que relectrice, je peux faire des propositions pour améliorer la prise en charge des patients, et les relations entre patient, médecin et chercheur. »

Elle suit une seconde formation pour intervenir dans les ateliers d’éducation thérapeutique du patient. Une activité qu’elle juge « indispensable à la stratégie thérapeutique parce qu’elle permet au patient de mieux comprendre sa maladie, de rencontrer des patients qui sont atteints par les mêmes symptômes et problématiques. » Aux HCL, Cathy intervient auprès de la direction de la qualité, des partenariats patients et de la sécurité des soins, sur l’éthique, la fin de vie, les droits des patients. Elle rencontre les professionnels de santé, les patients. Elle se mobilise pour faire avancer les pratiques et les mentalités : « Il est important aujourd’hui de s’assurer d’obtenir le consentement du patient. Le soin repose avant tout sur une relation de confiance. »

Son expérience de patiente et formatrice est mise à contribution dans le Pôle Patients et Enseignants du Service des Etudes Interdisciplinaires en Santé (SEIS) de l'Université Lyon 1. L’objectif est d’accompagner et de développer la participation des patients à l’enseignement médical. « Le savoir expérientiel des patients est de plus en plus reconnu dans le secteur de la santé. Cette reconnaissance est cruciale pour créer un partenariat plus fort entre tous, favoriser la relation de confiance et renforcer les relations entre soignants et soignés. Ce qui au final améliore la qualité des soins. » Pour Cathy, c’est une évidence : le patient vit mieux sa maladie quand les relations avec les professionnels de santé se font dans la confiance et l’écoute. « Investir dans la connaissance des patients, c’est investir dans un avenir de soins plus éclairé et plus humain. » 

 

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