Jacques Lienhardt : « Le dépistage, c’est hyper important ! »
L’homme n’a pas froid aux yeux. À 64 ans, la vie lui a appris à accepter ce qui ne pouvait être changé. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il est devenu fataliste. Non, lui, c’est avec la volonté d’améliorer ce qui peut l’être, sa jovialité et son optimisme qu’il affronte les épreuves.
Son parcours de santé a commencé au bord d’une piscine. C’est l’été, on passe du bon temps en famille. Son frère, Jean-François luit fait remarquer pour la seconde fois ce grain de beauté « qui n’est pas beau », au niveau du sternum.
Cette fois-ci, Jacques entend ce message de prévention que son frère, pédiatre, tente de lui faire passer. Rendez-vous est pris avec la docteure Annie Lang-Ponchon, dermatologue à l’Infirmerie protestante à Caluire-et-Cuire. Après l’exérèse (excision de la zone à traiter) du grain de beauté et de son analyse, la dermatologue prévoit un curage plus profond et un élargissement de la zone à enlever.
Sur les conseils de sa dermatologue, il consulte ensuite le professeur Stéphane Dalle, chef du service de dermatologie à l’hôpital Lyon Sud. Après une ponction, ce dernier lui annonce la présence de cellules cancéreuses dans un ganglion de l’aisselle gauche. « Je n’ai pas eu peur. Je me suis dit que j’allais m’en sortir. Mais la vie prend un nouveau sens. On redistribue ses valeurs et ses priorités. »
Les cellules malignes ont migré. Sans attendre, le curage ganglionnaire axillaire est réalisé par le chirurgien Olivier Béatrix, du service de chirurgie digestive et oncologique. De son côté, le dermatologue planifie pour son patient un traitement par immunothérapie.
Deux mois plus tard, Jacques commence à être traité par cette thérapie personnalisée révolutionnaire … mais tout ne va pas se dérouler comme prévu. Ce traitement consiste à booster le propre système immunitaire du patient pour l’aider à éliminer les cellules cancéreuses. Utilisé en routine aux Hospices Civils de Lyon, pour le mélanome, les cancers du poumon et de la vessie, l’immunothérapie n’est pas sans effets secondaires. Le professeur Dalle préconise deux ans de traitement. Jacques ne va le tenir que six mois.
« J’allais toutes les trois semaines environ à l’hôpital, pour la matinée. La dose prescrite était ajustée le jour même par Sarah Milley, l’oncologue qui m’a suivi. Elle a été très gentille, comme tous ceux à l’hôpital, de la secrétaire à l’infirmière, qui se sont occupés de moi avec dévouement et beaucoup d’humanités. Je ne me suis à aucun moment senti être un numéro. »
Tout se déroule au mieux jusqu’au mois d’août. « J’ai commencé à avoir de fortes diarrhées. J’allais aux toilettes dix fois par jour. Une horreur ! » A ce moment-là, c’est toute la vie de Jacques qui tourne autour de la maladie. Un simple voyage en train devient une véritable source de préoccupation. Le traitement est alors arrêté. « Là, je me pose des questions. Heureusement, les médecins se veulent rassurant. Ils me disent que c’est bon pour moi. »
Depuis, le suivi assuré par le professeur Dalle et la docteure Lang-Ponchon est passé de quatre visites annuelles à deux. La fin du traitement n’a pourtant pas marqué la fin des relations entre le patient et le monde hospitalier.
Un suivi digital convivial
Tout au long de sa prise en charge aux HCL, Jacques a pu bénéficier d’une télésurveillance à domicile mis en place par le dispositif Immucare. Cette prise en charge a été conçue, entre autre, pour gérer les toxicités liées aux immunothérapies. Elle permet de réduire le risque de consultations en urgence et d’améliorer la qualité de vie pendant les traitements en ajustant la thérapie en fonction des problèmes quotidiens des patients.
Le caractère ouvert, responsable et prompt à la discussion de Jacques n’a pas échappé aux médecins et chercheurs des HCL. Et, sans doute aussi, le fait qu’il soit président délégué du comité de la Ligue contre le cancer de sa commune. Fort de ses expériences de patient et citoyen, il a été sollicité pour partager son savoir acquis de son expérience d’utilisateur, poser un regard critique et proposer des points d’amélioration. « Le système de santé a toute ma reconnaissance. C’est important de renvoyer la balle. »
Depuis 2021, il participe à des réunions en visioconférence et à l’hôpital, au sein d’un groupe de recherche dont l’objectif est d’évaluer la pertinence d’Immucare pour le patient. « Les échanges sont enrichissants. Jacques Lienhardt apporte la vision de l’utilisateur et complète celle du clinicien représenté par le professeur Dalle et celle de l’organisation des soins », indique Julie Haesebaert, médecin-chercheure au pôle de santé publique des HCL et maître de conférences à l’université Claude Bernard. Ce projet de recherche devrait se poursuivre jusqu’en 2023.
Aujourd’hui Jacques n’a qu’un regret : « Celui de ne pas avoir écouté mon frère la première fois qu’il a pointé du doigt mon grain de beauté », lui dont le père, un frère, une sœur, un beau-frère et deux nièces sont médecins. Et de conseiller : « Si vous avez un doute, aller consulter. N’hésitez pas, le dépistage, c’est hyper important. »
Un diagnostic à distance précis et prisé unique en France
Depuis 2012, le service de dermatologie de l’hôpital Lyon Sud répond à des demandes d’avis en provenance du monde entier. Cette activité de télé-expertise pour le diagnostic des cancers de la peau et de leur dépistage représente un recours précieux pour les professionnels de santé, du généraliste au dermatologue de ville. En dix ans, le service a répondu à 50 000 demandes d’avis. Moins d’une dizaine de praticiens hospitaliers consacrent chacun un jour par semaine à cette activité d’autant plus importante qu’elle se développe dans un contexte de pénurie de spécialistes sur le territoire national. Les demandes affluent de France et aussi de l’Afghanistan à l’Australie, du Chili aux îles Fiji, des États-Unis à la Corée du Nord. Cette expertise unique en France développée à l’hôpital Lyon Sud par le professeur Luc Thomas permet d’obtenir un diagnostic fiable et rapide par télédermoscopie. La technique permet de visualiser la peau en profondeur avec un grossissement des lésions pigmentées pour lesquelles on suspecte un risque de cancer. Ce diagnostic à distance, plébiscité à 97% par les professionnels de santé demandeurs d’avis, a également fait l’objet d’une étude scientifique (HCL/UCBL/CRC de Lyon, (1). Les résultats, publiés en juin 2020, ont montré que 70% des cas analysés étaient confirmés par l’étude microscopique des tissus (histopathologie) utilisé en routine pour le diagnostic clinique du cancer.
(1) Marchetti A, Dalle S, Maucort-Boulch D, Amini-Adl M, Debarbieux S, Poulalhon N, Perier-Muzet M, Phan A, Thomas L. Diagnostic concordance in tertiary (dermatologists-to-experts) teledermoscopy: a final diagnosis-based study on 290 cases. Dermatol Pract Concept. 2020;10(3):e2020071. DOI: https://doi.org/10.5826/dpc.1003a71
- Partenariat et expérience patient en santé - Page
- Immunothérapie anti-cancéreuse - Fiche santé
- ImmuCare : gestion des toxicités liées aux immunothérapies - Page
- Service de dermatologie - Service/consultation
- Parlons santé, la lettre d’info qui prend soin de vous - Actualité
Au programme de la semaine PEPS (partenariat et expérience patient en santé) du 20 au 29 septembre 2022 : des conférences dans l’ensemble des hôpitaux, des débats et des retours d’expérience à destination des professionnels et du public.