« En réunissant nos expériences et nos connaissances, nous pourrons vaincre la maladie », Jérémy, patient à l’hôpital Lyon Sud
Une maladie est considérée comme rare quand elle touche une personne sur 2 000. Le cholestéatome atteint, selon les estimations, environ 10 personnes sur 100 000. Comme nombre de patients ayant l’expérience de la maladie rare, Jérémy a pu se sentir seul face à ses questions. Sa maladie est caractérisée par la présence de peau dans l’oreille moyenne ou interne. Le plus souvent, le cholestéatome provoque des écoulements et une baisse d’audition. Il doit être traité rapidement car ses complications sont graves : lésions, destructions des parties osseuses, attaque du nerf facial, jusqu’à l’inflammation des méninges (méningite).
C’est à l’adolescence que les premiers symptômes sont apparus. L’écoulement anormal de l’oreille gauche le conduit à voir un ORL. Le diagnostic tombe à la suite d’un examen d’imagerie médicale par scanner : « Les médecins me disent que c’est la pire des pathologies de l’oreille moyenne, qu’il va y avoir des récidives. J’ai seize ans, je ne me rends pas bien compte de la gravité, si ce n’est dans le regard inquiet de ma mère. » L’adolescent ne s’apitoie pas sur son sort, et retient ce qui semble être un oxymore : « On me parle de tumeur bénigne et je retiens le mot bénin, pour le reste on verra bien. » Il est opéré dans une clinique lyonnaise peu de temps après cette annonce anxiogène. Mais un an plus tard, il lui faut « repasser sur le billard ». « Le docteur constate une récidive rapide et m’adresse alors au professeur Christian Dubreuil, un ponte dans sa spécialité, alors chef du service ORL à l’hôpital Lyon Sud. »

« Mes larmes tombent dans l’oreille »
Aujourd’hui âgé de 38 ans, Jérémy garde un souvenir précis de cette première rencontre : « Le professeur Dubreuil est pédagogique et charismatique. La consultation nous permet d’échanger, même si elle se fait en présence d’étudiants, ce qui est normal dans un CHU. » Le jeune homme écoute attentivement les explications du clinicien : « Je me sens comme un cobaye, au centre de l’attention, mais il est sûr de lui et ça me rassure. » Moins de deux ans plus tard, son chirurgien n’a pas d’autre choix que d’enlever le marteau, l’enclume et l’étrier, les plus petits os du corps humain, constituant les osselets de l’oreille moyenne. « Je perds alors 30% d’audition à l’oreille gauche, et une partie de la gaine du nerf facial sans conséquence heureusement. Le risque de méningite est ainsi évité. » Le spécialiste en oto-rhino-laryngologie crée un faux tympan avec une partie du cartilage de l’oreille externe, mais cela ne suffit pas à résoudre la qualité de l’audition. Cependant, l’intervention s’est bien déroulée, offrant au jeune patient dix ans sans récidive.
En 2018, cet affectif au grand cœur perd son chat. « Il me semble que mes larmes tombent dans l’oreille gauche », se souvient-il. « Je me dis que ce n’est pas normal. Je commence à paniquer. Les souvenirs des opérations passées reviennent immédiatement. Je m’inquiète. J’appelle Lyon Sud, je passe en consultation et ça ne donne rien, mais j’insiste et l’IRM de contrôle décèle une récidive. » Cette fois-ci, il est opéré par la docteure Sandra Zaouche, ORL spécialisée en chirurgie otologique, en charge de son suivi depuis le départ à la retraite du Pr Dubreuil.
Annonce diagnostique et récidive
Comme la plupart des patients atteints par cette maladie récidivante, Jérémy vit sous cette épée de Damoclès, redoutant l’aggravation des symptômes, l’extension du cholestéatome dans l’oreille saine et, à terme, la perte totale de l’audition. Malgré cela, il semble avoir trouvé son équilibre. Il est un adulte indépendant qui travaille dans la presse, construit une vie de couple stable et épanouissante.
Pourtant, il a connu des périodes difficiles dues à une maladie mentale qu’il ne souhaite pas taire : « À l’âge de 24 ans, après une crise de décompensation durant laquelle je me suis retrouvé au bord de l’autoroute dans un état second, je suis diagnostiqué bipolaire. » Il est alors interné en hôpital psychiatrique. Malgré l’épreuve, il peut compter sur le soutien de sa petite amie de l’époque. « Elle est venue me voir tous les jours. Depuis, on ne s’est jamais quittés, elle est devenue ma femme et nous avons une petite fille. »
Ce tempérament optimiste aime la vie, les rencontres, le sport, les échanges, les voyages. Aujourd’hui, sa bipolarité est régulée par voie médicamenteuse et ne pose plus vraiment de problème. Avec l’âge, il a appris à mieux se connaître et à voir venir ses crises en voie de raréfaction. En revanche, ce qu’il ne peut prévoir, ce sont les inévitables récidives du cholestéatome. En 2022, le voici de nouveau hospitalisé en ambulatoire à l’hôpital Lyon Sud. « L’intervention se passe très bien car je ne perds pas d’audition ni d’équilibre comme je l’avais craint. » La phase de répit ne durera que deux ans.
Une lutte individuelle et collective
À l’été 2024, c’est un Jérémy insouciant qui joue dans les vagues d’une Méditerranée agitée. Le soir, son oreille droite est bouchée. De retour en France, le diagnostic révèle un nouveau cholestéatome. « La mauvaise nouvelle tombe en septembre : l’oreille droite est atteinte à son tour. Je dois attendre février 2025 pour me faire opérer. L'infirmière m'a demandé mon niveau d'anxiété via un test, et m'a donné un calmant, ce qui est une bonne chose. L’intervention ne dure qu’une heure trente. Je rentre chez moi le soir, plein d’énergie. Deux jours après, l’infirmière coordinatrice m’appelle pour le suivi. C’est rassurant. »
Cette expérience de la maladie, Jérémy la partage sur un groupe Facebook qui s’est donné pour nom « Ensemble contre le cholestéatome ». Avec plus de 1 100 abonnés, ce groupe informel fait figure d’association de patients. « On échange, on livre nos expériences, on se rassure. Souvent, les patients sont démunis face à la maladie. Partager nos ressentis, nos doutes et nos questions, c’est très précieux. » Jérémy aimerait voir avancer la recherche et les traitements des cholestéatomes congénitaux et acquis. Il se pose la question de constituer une véritable association qui regrouperait médecins, chercheurs et patients. « Car, c’est en réunissant nos expériences et nos connaissances que nous pourrons vaincre la maladie, peut-être même, l’éviter et faire en sorte qu’elle ne soit plus la source de complications, des plus bénignes aux plus invalidantes, voire mortelles. »
Une attention particulière doit être portée à la prévention, comme l’indique la docteure Sandra Zaouche : « Le suivi régulier des enfants présentant des otites à répétition est crucial pour détecter précocement un état précholestéatomateux. Une pression négative dans l’oreille moyenne peut induire une rétraction tympanique, formant une poche de rétraction propice à l’accumulation de kératine et au développement d’un cholestéatome. La mise en place de diabolos (ou aérateurs transtympaniques) permet de normaliser la pression et joue un rôle préventif majeur. »
Après une énième intervention chirurgicale, - cinq opérations à l’oreille gauche et une opération à droite -, Jérémy reste confiant. Il sait qu’il peut compter sur sa femme, son entourage, ainsi que sur son médecin et les soignants des HCL qu’il tient à « remercier chaleureusement ». Il aimerait être utile aux malades et aux médecins, convaincus que la communication entre les uns et les autres bénéficiera à tous.
- Service d'orl, de chirurgie cervico-faciale et d'audiophonologie pédiatrique - Service/consultation
- Hôpital Lyon Sud - Établissement
- Partenariat et expérience patient en santé - Page
- Maladies rares - Rubrique
- Parlons santé, la lettre d’info qui prend soin de vous - Actualité