La médecine hyperbare : hyper technique, hyper efficace
Ce matin, ils sont sept malades chroniques à embarquer dans l’une des deux chambres hyperbares pour vivre l’équivalent d’1h45 de plongée à 15 mètres de profondeur. Malgré la récurrence quotidienne de ces séances, l’humeur du petit groupe semble être au beau fixe et chacun se permet quelques plaisanteries avant d’enfiler son masque. Comme à l’accoutumée, deux infirmiers titulaires d’un certificat d’aptitude hyperbare sont présents. Le premier pilote les opérations et gère la pressurisation du caisson tout en surveillant les constantes des patients. Une vraie responsabilité puisque les effets secondaires ne sont pas négligeables (perforation du tympan, traumatisme dentaire, convulsions…). Le second infirmier joue le rôle d’accompagnant et peut intervenir à tout moment en attendant l’intervention éventuelle du médecin hyperbare. « Nous devons tous avoir récemment exercé en réa », précise Jean-Michel Girier, infirmier, qui nous confie avoir choisi ce service, attiré par la technicité des actes et la proximité avec les patients. « Notre métier est basé sur la confiance, car nous devons nous en remettre totalement à notre collègue qui a les commandes lorsque nous sommes dans le caisson », explique-t-il.
L’hypnose au chevet des patients
Le personnel soignant peut, en effet, être amené à rester dans le caisson, surtout lors des premières séances. « Certains patients sont très anxieux et c’est pourquoi nous avons quatre infirmiers formés à l’hypnothérapie, et une infirmière formée à la résonance énergétique par stimulation cutanée (Resc) », détaille Nathalie Tomasso, cadre de santé. Un soutien plébiscité par Corinne, atteinte de pyoderma gangrenosum consécutive à une opération sur une cicatrice. « Je suis claustrophobe et j’ai particulièrement apprécié la présence de l’infirmière durant les vingt premières minutes. Depuis, je pratique l’autohypnose », rapporte-t-elle. La gestion de la peur, mais aussi de la douleur, via l’hypnose, s’avère précieuse dans ce service qui traite également des plaies complexes. « Nous avons une salle dédiée aux pansements et nous pouvons suivre très précisément l’évolution de la cicatrisation grâce à un logiciel spécifique », rapporte-t-elle. Gelures, diabète, maladie de Verneuil... la médecine hyperbare peut s’avérer très utile pour traiter les plaies artérielles.
Des applications multiples
Le principe de la médecine hyperbare est d’écraser les volumes gazeux et de réoxygéner les tissus en augmentant la pression en oxygène. « Plus la pathologie est grave, plus la séance est longue. Parfois, le niveau de pression peut être équivalent à celui ressenti à 50 mètres de profondeur, nécessitant des séances de six heures », affirme le Dr Thierry Joffre, directeur médical du centre. La technique est vitale pour les urgences comme les accidents de décompression, les intoxications au monoxyde de carbone, les embolies gazeuses lors de chirurgies, ou encore les surdités brusques. « En réalité, les urgences représentent 40 % de l’activité du service, contre 60 % pour les pathologies chroniques. Et, compte tenu du vieillissement de la population, celles-ci occupent une part grandissante de l’activité du service », poursuit-il. Il peut s’agir d’atteintes cutanées chez les patients en ischémie critique chronique, de lésions radio-induites, d’ostéomyélites chroniques réfractaires ou encore de séquelles neurologiques post-traumatisme crânien ou AVC. « Notre activité quotidienne tourne essentiellement autour de la cicatrisation cutanée et de la réparation cellulaire », résume le Dr Joffre. En augmentant le volume d’oxygène dans les tissus, on produit des radicaux libres qui vont détruire les bactéries anaérobies. La technique favorise aussi le passage de certains antibiotiques. Autre effet positif : les molécules d’oxygène vont stimuler la production de collagène et la micro-vascularisation permettant de favoriser la cicatrisation.
Du savoir-faire au faire savoir
« Notre activité est en augmentation constante, et nous allons bientôt être au maximum de nos capacités puisque nous devrions atteindre 9 000 séances en 2018 », constate le Dr Joffre. Pourtant, il existe encore une certaine ignorance, voire une défiance, d’une partie du corps médical vis-à-vis de cette technique. « Nos indications suivent les recommandations de la HAS, mais les praticiens attachés à l’evidence based medecine attendent que nous ayons des preuves de niveau A. Pour l’heure, elles sont de niveaux B et C. » Toutefois, les choses avancent puisqu’en 2013, la Société française d’urologie a accepté que le caisson hyperbare soit reconnu comme un traitement complémentaire pour certaines formes de cystites radiques (lésions vésicales consécutives à une irradiation des organes pelviens), avec une amélioration significative chez 80 % des patients. De son côté, Corinne, qui sort tout juste du caisson, nous confie sa satisfaction : « J’en suis à ma seizième séance et ma plaie cicatrise bien mieux ». Encore quatorze autres séances et elle pourra enfin faire baisser la pression !
En chiffres
- Permanence 7/7 - 24/24
- 9940 séances en 2019
- Capacité de 4 patients couchés et 16 patients assis
- Centre de médecine hyperbare - Service/consultation
- Hôpital Edouard Herriot - Établissement