Hôpital Femme Mère Enfant : terre fertile pour la PMA

Femmes en couple et femmes non mariées, mais aussi femmes sans souci médical désireuses de conserver leurs gamètes... Depuis septembre dernier, le service de médecine de reproduction et de préservation de la fertilité de l'hôpital Femme Mère Enfant accompagne toutes les femmes dans leur projet parental.

Le bonheur c’est simple comme un coup de fil. C’est ce qu’ont dû penser Élodie, 31 ans et Sabine, 45 ans, le 8 janvier dernier, en apprenant qu’elles allaient pouvoir commencer leur parcours de procréation médicalement assistée (PMA) au sein du service de médecine de reproduction et de préservation de la fertilité de l’hôpital Femme Mère Enfant. « Nous attendions ce moment depuis longtemps », sourient les deux jeunes femmes, mariées depuis huit ans. Jusqu’alors, comme tant d’autres couples homosexuels, leur seule option pour devenir parents était de se rendre à l’étranger. « Une solution que nous avons écartée car elle nous semblait risquée en plus d’être très coûteuse », explique Sabine. « Dès que nous avons appris que la PMA pour toutes était autorisée, nous avons appelé l’hôpital Femme Mère Enfant et un premier rendez-vous a été fixé au 28 octobre », complète Élodie. Elles n’ont pas été les seules. Au premier jour de l’entrée en vigueur de la PMA pour toutes, le 4 août dernier, le ministère de la Santé a recensé pas moins de 3 300 demandes !

Jusqu'à 1 800 FIV par an

« Cette ouverture de la PMA est un progrès indéniable pour les femmes », se félicite le professeur Bruno Salle, chef du service de médecine de reproduction et de préservation de la fertilité des HCL, l’un des plus importants centres de France. « Cette nouvelle version de la loi de bioéthique nous permet désormais d’accueillir des couples formés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ainsi que les femmes seules non mariées, souhaitant bénéficier d’une aide médicale à la procréation », précise-t-il. Conséquence : une nette augmentation des demandes à laquelle le service des HCL, l’un des seuls d’Auvergne Rhône-Alpes agréés par l’ARS*, était préparé. Si le service a déjà reçu 130 femmes depuis septembre, en ce premier lundi de janvier, les couloirs du rez-de-jardin de l’hôpital Femme Mère Enfant semblent relativement calmes.

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En revanche, ça s’agite en coulisses. Comme dans cette pièce aux allures futuristes dans laquelle des hommes en combinaison évoluent autour de cuves fumantes contenant de précieux gamètes et embryons congelés.

Ou encore dans le laboratoire flambant neuf dimensionné pour réaliser 1 800 FIV par an (contre 1 500 aujourd’hui), où la concentration est palpable et le geste précis. Les yeux rivés sur son microscope, Odile, technicienne de laboratoire, injecte un spermatozoïde dans chacun des ovocytes matures sélectionnés il y a quelques minutes par Laetitia, réalisant ainsi une injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI). « Le processus de fécondation peut alors commencer », indique Gaëlle Soignon, biologiste, en nous entraînant dans une pièce où, pendant cinq jours, les embryons créés vont se développer bien au chaud dans trois embryoscopes équipés de caméras pour suivre leur développement, avant d’être transférés dans l’utérus d’une candidate à la parentalité.

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Humanité et équité au cœur de la prise en charge

Quelques portes plus loin, contrastant avec le brouhaha du secrétariat aux murs couverts de photos de bébés souriants, où les assistantes jonglent avec les prises de rendez-vous, le bureau de Marie-Ange Perié respire la sérénité. « La prise en charge de la dimension émotionnelle de l’aide médicale à la procréation est essentielle, c’est pour cela que nous proposons un accompagnement psychologique », souligne la psychologue clinicienne. « Si une consultation (ou un suivi) est possible pour toute PMA intra-couple, elle est systématique quand il y a recours à un tiers donneur de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes) pour échanger sur les enjeux que cela représente ou sur ce qui sera dit à l’enfant à propos de sa conception. Nous en proposons également à des moments charnières du parcours et en fonction des souhaits des patients.» Mais avant de rencontrer l’un des deux psychologues, tous seront passés par la consultation avec un médecin de la reproduction, le plus souvent un gynécologue. « Ce rendez-vous permet d’introduire d’emblée la question du médical. Car même si le choix des patientes d’avoir recours à la PMA peut désormais être sociétal, le parcours reste médical », insiste-t-elle, soulignant également que « ce n’est pas parce que la loi dit que c’est possible, que ça l'est sur le plan médical. » « Toutes les nouvelles demandes soulèvent de nouvelles questions », soulignent Marie-Ange Perié et André De Suza, qui ont beaucoup travaillé et réfléchi en amont avec leurs collègues belges et espagnols. « Au final, cela reste assez léger », estiment Sabine et Élodie, qui doivent maintenant patienter au moins six mois – le délai légal de réflexion – pour poursuivre leur rêve. « Nous sommes l’un des premiers couples de femmes pris en charge par le service et nous avons été agréablement surprises par le niveau d’expertise et la bienveillance des équipes. Le discours est positif, réconfortant et sans jugement aucun.»

Le don, grand inconnu

« Nous nous sommes mis en ordre de marche pour garantir une prise en charge optimale et équitable aux patients, en les accueillant au fur et à mesure des demandes, nous avons aussi recruté un praticien hospitalier en biologie et sommes en cours d’élaboration d’une charte de prise en charge des couples candidats à l’AMP. Mais les situations humaines ne sont pas toujours simples », résume le Pr Salle, dont le service, ouvert tôt le matin (à partir de 6h45 pour les échographies) et tard le soir, développe les téléconsultations afin d'éviter aux patients de poser une journée de congé pour un rendez-vous.

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Inauguration laboratoire PMA

En route vers le bureau du docteur Mehdi Benchaib, responsable du Centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos), il salue une jeune femme – « Je croise les doigts, je compte sur vous »– avant de partager un sujet d’inquiétude : le possible manque de donneurs de sperme. Actuellement le Cecos de Lyon qui œuvre pour toute la région peut compter sur une quinzaine de donneurs par an, soit plus de mille paillettes disponibles. Sachant qu’il en faut environ seize pour donner un enfant et que seulement 30% des stocks sont destinés aux HCL, les 70% restant étant pour des structures extérieures, la situation est tendue... « Non seulement le nombre de demandes va probablement tripler, mais la nouvelle loi autorise la levée de l’anonymat », constate le Dr Benchaib. « Ainsi, les enfants nés d'une PMA pourront, à leur majorité, accéder aux données non identifiantes du donneur (âge, caractères physiques...) mais aussi à son identité. Aurons-nous moins de donneurs ? Je ne sais pas », affirme t-il. « Mais pour éviter un creux dans les stocks, nous avons déjà rappelé nos donneurs pour savoir s’ils consentent à communiquer ces données. Dans le cas contraire, nous serons contraints de détruire les paillettes anonymes et de trouver de nouveaux donneurs.» Ce qui pourrait allonger les délais d’attente qui sont actuellement de six à sept mois pour une insémination. Pour inciter au don de gamètes, le ministère de la Santé a lancé, du 21 octobre au 17 décembre, une campagne de communication nationale saluée par le Dr Benchaib : « C’est important. Il faut que les gens sachent que ça existe et en parlent. Aujourd’hui ça se passe bien, mais avec cette loi on leur a vendu du rêve...» Et pourtant l’enjeu est important.

 

* Pour éviter tout risque de dérive marchande, l'activité est réservée aux établissements de santé publics et privés à but non lucratif agréés par les ARS et l’agence de la biomédecine.

À noter : Une antenne du Centre de prélèvements (CDP) est située dans le service de gynécologie-obstétrique, box 7, à l'hôpital Femme Mère Enfant. Elle est ouverte aux patientes de gynécologie et obstétrique et du service de médecine et de la reproduction. Cette permanence facilite l'accès aux prélèvements sanguins pour les patients nécessitant de la biologie après les consultations de la procréation médicalement assistée (PMA) et dans le cadre de leur suivi médical.

Dernière mise à jour le : lun 29/01/2024 - 16:21
Blocs libres

Zoom sur la vitrification sociétale
Outre l’extension de la PMA, « le vrai progrès de cette loi », estime le professeur Salle, « c’est l’autoconservation des gamètes hors raisons médicales », autorisant des femmes âgées de 29 à 35 ans à congeler leurs ovocytes pour une utilisation ultérieure en tant que couple ou femme seule. Réservée auparavant aux femmes traitées par chimio ou radiothérapie, cette « vitrification sociale » permet de congeler instantanément des ovocytes en passant de 37° à -196° C afin d’éviter la formation de cristaux délétères pour la structure de l’ovocyte et obtenir un taux de survie des gamètes de plus de 80%. Une technique prise en charge par la sécurité sociale sauf pour la conservation des ovocytes (environ 40 euros par an). Mais attention, met en garde le chef de service, « la vitrification n’est pas la garantie d’avoir un enfant plus tard. Plus une femme avance en âge, plus le nombre d’ovocytes nécessaires pour espérer une grossesse augmente ».