« Donner du temps, c’est utile et pertinent », Fabien Bizot, patient et aidant partenaire des HCL
De la vie, de la joie, des rires et des cris, avec trois enfants, Fabien et Agnès n’ont pas le temps de s’ennuyer. Mais, quand, au foyer, un proche nécessite une attention particulière, un accompagnement en raison d’un handicap, d’une maladie chronique, d’une pathologie rare ou du grand âge, les heures et les jours prennent une autre épaisseur. Le proche aidant ne vit plus seulement pour lui. N’est-ce pas cependant le lot de tout parent qui élève son enfant, avec pour finalité l’autonomie et l’indépendance de sa progéniture ? À partir de quand devient-on parent et aidant de son enfant ?
« À l’âge de deux ou trois mois, notre deuxième enfant semblait figé du côté droit. Nous pouvions comparer avec son frère aîné qui, au même âge, était plus mobile, ce qui nous a alertés. » Leur médecin de famille prescrit aussitôt une IRM, ayant été déjà confrontée à une problématique de santé similaire.
Le diagnostic tombe : « Milo est né avec un AVC prénatal entraînant une paralysie cérébrale. » À partir de là, tout s’accélère. « Ce qui m’a aidé, c’est le rouleau compresseur de l’administration. Des rendez-vous, des informations à récolter, digérer, des dossiers à remplir, des professionnels de santé spécialisés à trouver, des consultations... tout était très protocolisé. Nous étions dans l’action. Ce fut en quelque sorte une phase d’acceptation à vitesse grand V. »
Une deuxième famille
À deux ans et demi, Milo commence à être suivi dans un centre d’action médico-sociale précoce. « Nous étions plutôt seuls jusque-là avec nos problématiques. Mais avec ce soutien, nous avons rencontré des parents et c’est là que nous avons commencé à échanger, à prendre le temps de nous poser, de réfléchir, à aborder des choses profondes. »
Pour le couple, c’est une vraie bouffée d’air qui permet de se rendre compte que ce qu’il vit, d’autres le vivent. Au fil du temps, des liens forts se créent avec les autres parents et avec les professionnels de santé, kinés, ergothérapeutes, psychologues, etc. « Ils sont en quelque sorte comme une deuxième famille. » Des instants de vie, des confidences, des épanchements aussi, ne font que renforcer ces liens. Cet accompagnement permet à Fabien de prendre le temps pour son couple et ses autres enfants, « d’entrer dans un rythme de croisière en quelque sorte. »
Les parents sont vigilants à leur aîné et aussi avec la benjamine de la fratrie. Alors, quand cet accompagnement prend fin trois ans plus tard, cela ne va pas sans difficultés : « Nous perdions nos professionnels de santé que l’on voyait toutes les semaines, les relations avec les autres parents, un accompagnement de proximité auquel nous étions très attachés. Pendant cette période, j’avais craqué, et avais dû m’arrêter trois mois. J’étais en décalage avec l’égocentrisme de la société. »
Partie prenante du soin
En 2019, Milo est suivi par l’Escale, le service de médecine physique et réadaptation pédiatriques des HCL. Il y suit des stages de motricité fine qui lui permettent de construire des stratégies de contournement utiles dans les tâches du quotidien. En 2021, Milo suit un stage de rééducation intensive. À cette occasion, Fabien revoit d’autres parents. Mieux encore, ces derniers sont parties prenantes du processus de soin. « Enfin, nous avions notre mot à dire. Nous pouvions interagir avec les soignants, participer à la méthodologie, c’était génial. »
Les parents découvrent alors qu’ils ont toute légitimité pour intervenir dans le soin, que « l’information et le savoir ne sont pas que descendants, que l’académique et l’expérientiel sont au même niveau. Là encore, la fin de stage a été un véritable déchirement mais cette nouvelle expérience a conforté ma volonté de transmettre. »
Fabien devient alors aidant partenaire : « Nous apportons nos idées et elles sont intégrées, ce qui permet de constater immédiatement si elles fonctionnent. » En 2022, il suit la formation Peps des HCL, pour les patients et les aidants. Ce qui lui permet d’animer deux ans plus tard, des ateliers lors des stages de rééducation intensive pour les enfants de deux à cinq ans atteints par la paralysie cérébrale, dans le cadre du projet Team&Co.
Communautés d’intérêts
Fabien définit son rôle d’aidant comme « le fait de donner de soi d’une manière inconditionnelle. » Investi dans le partenariat en santé, il apprécie l’écoute, la transmission, « apporter et recevoir et me sentir utile », dit-il. Sa situation professionnelle lui permet de s’investir dans la santé :
« C’est une chance. Le partenariat en santé donne du sens à ce que je fais. Travailler pour le bien commun est très enrichissant. Par exemple, j’ai rencontré Clément Leroux, le responsable de la plateforme Platine, dans le but de mieux intégrer les patients partenaires des HCL aux projets d’innovation numérique. »
Ce rôle associe les compétences professionnelles de Fabien à son savoir expérientiel acquis comme aidant. C’est aussi cela le partenariat patient : utiliser les compétences des patients et aidants pour améliorer le soin.
En 2025, il est plus que jamais convaincu de la pertinence du partenariat en santé. « Il y a tellement de choses à faire : créer des communautés, rester connectés, discuter sans filtres, ne pas se limiter. Les aidants ont besoin de rencontres, d’échanges, de consolider leurs relations, dans le handicap et aussi en cancérologie, dans les maladies rares... À partir du moment qu’il y a une maladie au long cours, créer une communauté en parallèle du parcours de soin devient incontournable. »
Cette réflexion, il la doit à son expérience et à celle de son fils cadet : « Donner du temps, c’est utile et pertinent. Personne ne vit seul sur son rocher. Nous sommes des animaux sociaux. Le handicap de Milo m’a fait comprendre cela. C’est ce qui fonde notre humanité. »