Marie Cizeron : « Le temps qui nous est donné »

Marie est devenue mère pour la première fois le 22 octobre 2019. 36 heures plus tard, elle et son mari perdaient leur enfant. À l’hôpital Femme Mère Enfant, une unité de soin et d’accompagnement spécialisés leur a permis de retrouver le chemin de la parentalité.

Devenir parents n’a rien d’évident. Pour certains, il s’agit même d’un véritable parcours du combattant. En 2019, Marie et Ludovic tentent depuis trois ans de faire un enfant. L’une est atteinte d’endométriose, l’autre pâtit d’une asthénospermie. Une fécondation in vitro est proposée « et ça fonctionne ! », commente Marie. « Plus tard, j’apprends que c’est un garçon. » Mais rapidement, de fortes angoisses l’assaillent. « Je craignais d’être une mauvaise mère », résume-t-elle.  

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Marie Cizeron
Après le décès de son premier enfant, Marie a été suivie à l'unité de soin et d’accompagnement précoces en périnatalité (Usap) de l'hôpital Femme Mère Enfant.

 

« Le 21 octobre, à 26 semaines et trois jours de grossesse, j’arrive aux urgences. Le rythme cardiaque du bébé n’est pas normal. On me fait des injections. Le lendemain matin, on me fait un énième monitoring qui indique que mon bébé est en urgence vitale, qu’il faut le sortir de mon ventre. Je pars en césarienne « code rouge » comme ils disent. Timothé nait en grande prématurité. Il ne vivra que 36 heures. » 

« Cela a été une révélation » 

À la suite de ce traumatisme, la jeune mère perd pied. Elle tente de mettre fin à ses jours. Cet appel au secours traduit cette douleur profonde, inexpugnable. « On ne peut pas faire le deuil d’un enfant ; on apprend juste à vivre avec. » Moins de six mois plus tard, l’inattendu survient : « Je tombe enceinte naturellement… » Nous sommes en mars 2020, toute la France est confinée. Marie vit une grossesse très éprouvante, à la fois psychologiquement et physiquement. Une première pancréatite l’isole un peu plus du monde extérieur. 

Sur les conseils de sa gynécologue, Agnès Bordes, elle est suivie par Anne Villand, pédopsychiatre de l’unité de soin et d’accompagnement précoces en périnatalité (Usap) à l’hôpital Femme Mère Enfant. Après l’accouchement, un lit dans l’unité de soin lui sera réservé. Une deuxième pancréatite précipite l’accouchement par césarienne. Valentin naît le 7 décembre 2020.  

Marie découvre alors l’Usap, cette unité pas comme les autres, qui accompagne les maternités problématiques ou à risque de le devenir. Maladies psychiatriques (déni de grossesse, bipolarité, schizophrénie, troubles du comportement alimentaire, troubles anxieux, dépression), violences domestiques, antécédents traumatiques (viol, maltraitance infantile), précarité sociale, antécédents obstétricaux ou néonataux actuels ou passés, etc., ici environ 340 patientes et leurs enfants sont pris en charge chaque année. 

« Cela a été une révélation », souffle-t-elle, émue. Outre la pédopsychiatre, les sages-femmes, la psychomotricienne, l’infirmière puéricultrice, toutes formées à la psychiatrie, les ont accompagnés pendant dix jours, elle et son mari, « avec bienveillance », précise-t-elle.

« Du peau à peau avec le bébé, des ateliers pour mon fils, des ateliers pour moi et Ludovic, notamment des massages qui m’ont permis de me relâcher. On ne se sent ni jugé, ni pris à défaut, on se sent écouté. »  

Ludovic est présent la nuit sur prescription médicale. « J’ignorais que cela était possible ! »  Marie, infirmière en hôpital psychiatrique près de Lyon, relève : « On parle souvent du manque de communication dans le domaine médical, mais ici ce n’est pas le cas. Du médecin à l’infirmière, on ne reste jamais sans réponse et le temps qui nous est donné ne semble pas compter. » 

« Je remercie la vie » 

Cet accompagnement permet à Marie de ne pas appréhender négativement le retour au foyer. « Je ne me suis pas sentie abandonnée. Et je savais que je pouvais appeler si besoin. » Sa seconde maternité est vécue dans l’acceptation. Les mois passent, quand, à nouveau et naturellement, une troisième grossesse s’annonce. Le risque de dépression post-partum est présent, sans doute renforcé par le burn out professionnel vécu par la jeune mère. La Dr Agnès Bordes, accède au besoin de Marie de retrouver, cette fois-ci pour cinq jours, l’unité spécialisée de soin et d’accompagnement. « Je retrouvais en quelque sorte une famille. La prise en charge est extraordinaire, pleine d’humanité. Tout le monde est aux petits soins. »  

L’accompagnement permet à Marie d’échapper à la dépression post-partum tant redoutée. Les épreuves ont soudé un peu plus encore son couple. Aujourd’hui, elle intervient dans un groupe de paroles auprès des parents qui ont perdu un enfant. Elle transmet, écoute, apprend. « Ma première maternité m’a fait comprendre que son enfant, qu’il vive un jour, un an ou vingt ans, on l’aime de la même manière. » Et de confier : « Je veux croire que c’est Timothé qui a ouvert la voie à son frère et à sa sœur. Je remercie la vie qui m’a donné des enfants merveilleux. » 

 

Dernière mise à jour le : mar 10/10/2023 - 11:07
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