Des consultations blanches pour préparer les enfants à l’électroencéphalogramme

Portées par des auxiliaires de puériculture à l’hôpital Femme Mère Enfant, les consultations blanches préparent les enfants à l’électroencéphalogramme. Elles réduisent l’anxiété et permettent d’obtenir des diagnostics plus fiables chez les enfants atteints de troubles neurologiques, du neurodéveloppement ou du spectre de l’autisme.

À peine entré dans la chambre, Léo (prénom d’emprunt) se déchausse, pose son doudou – une chaussette dans une chaussette – sur le lit, puis file vers la lampe aquarium et ses méduses. C’est sa troisième consultation blanche dans le service. Géraldine, sa maman, ne le quitte pas des yeux.

Léo est atteint d’autisme sévère. Dans la pièce, Chantal Bartschi, Carmela Corrado et Véronique Bonzi, auxiliaires de puériculture à l’origine des consultations blanches avec Carole Fargeton, préparent l’enfant à l’examen prévu la semaine suivante. Tout en gardant une attitude détendue, elles détournent son attention dès qu’une once d’impatience surgit.

Poser et retirer des électrodes

Léo s’installe aux côtés de sa mère. Les soignantes commencent à poser quelques électrodes sur sa tête – il en faudra douze le jour J. Tandis que Léo regarde le téléphone de Géraldine, Carmela place la bande pour maintenir les électrodes. Le moment est délicat : elle doit passer sous son menton. Léo, qui communique en langue des signes, se laisse faire.

« On fait un selfie pour papa, sans ça, il ne va jamais nous croire », plaisante Géraldine. Trente-sept minutes plus tard, au terme d’un exercice de patience, d’attention et de vigilance colossal pour Léo, les électrodes sont retirées.

La première visite a duré cinq minutes. Le fait que Léo reste allongé, se laisse toucher… c’était impensable avant. Je suis épatée des progrès réalisés. On a passé une étape. Léo est détendu. Les précédentes consultations ont vraiment aidé, confie Géraldine.

Sa voix trahit un soulagement. Après une première crise convulsive en 2018, une deuxième en 2022, une troisième en 2024, puis une dernière en mai 2025, « la plus violente associée à une paralysie faciale passagère », précise-t-elle, l’électroencéphalogramme (EEG) s’impose sans délai. Son objectif : confirmer le diagnostic, définir le traitement adéquat et suivre l’évolution de la maladie.

Les consultations blanches, une initiative née du terrain

« On ne peut pas se rendre compte des besoins de l’enfant si l’on n’est pas à son contact », partagent les auxiliaires de puériculture du service d’épilepsie pédiatrique1 à l’HFME. L’idée a germé après plusieurs échecs d’EEG chez un garçon de huit ans. Malgré une hospitalisation, il refusait catégoriquement le matériel. « L’enfant découvre un examen inconnu, avec des électrodes sur la tête, sans pouvoir bouger… c’est impressionnant », expliquent-elles. C’est encore plus vrai pour les enfants atteints de troubles neurologiques, du neurodéveloppement ou de mouvements anormaux.

En lien avec la famille, l’équipe, impliquant auxiliaires de puériculture, infirmières, neuropédiatres et cadres de santé, a alors testé une approche nouvelle : les consultations blanches. Objectif : réduire l’anxiété, améliorer la coopération et garantir un tracé de qualité.

Tolérer progressivement le filet et la mentonnière

Les parents ont reçu du matériel (cotons, gel, électrodes…) pour entraîner leur enfant à la maison. Ils devaient répéter les gestes, si possible chaque semaine. De septembre 2024 à janvier 2025, ils ont ainsi aidé leur enfant à tolérer progressivement le filet et la mentonnière, « particulièrement difficiles à accepter en cas d’autisme », précise la Dr Matthildi Papathanasiou, neuropédiatre. Une fois cette première étape franchie, une consultation blanche a été programmée.

Les progrès constatés ont permis d’ajuster l’approche : les électrodes frontales, trop intrusives, ont été positionnées plus haut. Résultat : l’EEG a pu être réalisé et un diagnostic d’épilepsie établi.

Une ambiance apaisante

« Le plus difficile, c’est d’adapter les plannings à la disponibilité de la chambre et des parents », souligne Carmela Corrado. Pour préparer les enfants, des outils spécifiques ont été créés : pictogrammes, photos de la chambre, matériel, vidéos explicatives… Les lampes sensorielles (méduses, poissons) instaurent une ambiance apaisante, captent judicieusement l’attention. L’approche est adaptée à chaque enfant selon ses spécificités psychiques et émotionnelles.

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Chaque détail compte. Prendre du temps avant, c’est en gagner ensuite. C’est ainsi qu’on améliore la qualité des soins. La participation des parents est essentielle. Ils connaissent leur enfant mieux que personne, affirment Chantal Bartschi et ses consœurs.

Depuis le lancement des consultations blanches, quatorze enfants ont bénéficié de cette préparation, avec un seul échec. « C’était un enfant pour qui les venues répétées à l’hôpital accentuaient l’angoisse. Cela nous a appris qu’il n’existe pas de solution standard. Il faut rester souple et à l’écoute », analyse Christine Andres, cadre de santé. Chaque difficulté rencontrée est l’opportunité d’ajuster l’accompagnement et de parfaire la prise en charge.

Les bénéfices observés dépassent la simple réussite de l’examen. Ils touchent aussi les familles et les soignants. « Les parents sont soulagés que l’examen aboutisse et heureux de participer aux soins. Nous avons reçu des lettres de remerciements », se réjouit la Dr Maria Papadopoulou, neuropédiatre. Pour les soignantes, c’est la satisfaction de mener un examen de qualité, dans de bonnes conditions, sans stress ni culpabilité.

Former les soignantes à la langue des signes

Encouragée par ces résultats, l’équipe souhaite aller plus loin. Un projet de recherche a été soumis à la Fondation HCL pour comparer les résultats d’EEG obtenus avec ou sans consultations blanches. Pour les enfants dont l’angoisse est décuplée par les venues à l’hôpital, des EEG à domicile sont envisagés – « même si cela demande plus de moyens et peut altérer la qualité de l’examen », note la Dr Papathanasiou. Autre point d’amélioration  : former les soignantes à la langue des signes pour faciliter la communication avec les enfants qui l’utilisent. Par ailleurs, la démarche pourrait s’étendre à d’autres examens, comme l’IRM, pour laquelle existent déjà des visites préparatoires.

Il est 12h45. « Je suis fière de toi », souffle Géraldine à Léo en quittant le service. Main dans la main, ils s’éloignent. Lui, serein. Elle, soulagée. Le lundi suivant, l’EEG se déroulera dans des conditions satisfaisantes : « Une petite victoire », commente l’équipe. Plus agité que lors de sa dernière visite, Léo a malgré tout accepté la bande autour du cou. En revanche, il n’est pas resté tout à fait calme, se déplaçant du lit au sol et sur le fauteuil ; mais au final, Annick, infirmière, ainsi que Carmela Corrado et Véronique Bonzi, ont réussi à obtenir trente minutes de tracé. « Une durée suffisante pour que la neurologue distingue une anomalie qui confirme le diagnostic d’épilepsie, adapte le traitement et surveille l’évolution de la maladie », précisent-elles.

Autre réussite que l’on doit aux soignantes : le témoignage de gratitude d’une mère émue et reconnaissante. Et celui de son fils qui a signé en partant : « Je suis content et fort. »

 

1. Service épilepsie, sommeil et explorations fonctionnelles neuropédiatriques (ESEFNP).

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Les consultations blanches préparent les enfants avant un examen