Dysplasie fibreuse
Qu'est-ce que la dysplasie fibreuse ?
La dysplasie fibreuse des os (DF) est une maladie osseuse rare pouvant atteindre tous les os. Le nombre d’os concernés est très variable : un seul os, deux, trois ou davantage.
La sévérité clinique est relativement proportionnelle au nombre d’os atteints. Lorsqu’un seul os est concerné (ou à la rigueur deux ou trois), la maladie peut rester totalement silencieuse pendant de nombreuses années et n’être remarquée qu’après l’âge de 20, 30, voire 40 ans. Les formes étendues se révèlent pendant l’enfance du fait des complications osseuses qu’elles induisent.
On ne connaît pas la fréquence exacte de la maladie. Il est probable que 2 000 à 3 000 personnes sont concernées en France. Les formes ne touchant qu’un seul os (monostotiques) représentent environ la moitié ou les deux tiers des patients.
La maladie est due à la mutation non héréditaire d’un gène (GNAS) affectant certaines cellules osseuses.
Les os concernés peuvent se déformer, se fracturer, ou être à l’origine de douleurs.
L’expansion des os du visage peut être responsable de déformations du visage et de compressions nerveuses.
Des anomalies non osseuses peuvent s’observer, comme des taches cutanées café-au-lait et des anomalies endocriniennes, comme la puberté précoce, ainsi qu’une fuite rénale de phosphore. L’association de la dysplasie fibreuse des os, de taches cutanées et d’anomalies endocriniennes réalise le syndrome de McCune-Albright.
Nous n’avons pas de traitement permettant de guérir la maladie, due à un gène défectueux, mais il y a des traitements actifs pour les différentes situations rencontrées au cours de la dysplasie fibreuse des os.
Les douleurs peuvent être prises en charge par des médicaments, les fractures et les déformations s’opèrent, et les problèmes endocriniens reçoivent aussi des traitements médicamenteux.
A retenir : toutes les dysplasies fibreuses ne sont pas sévères.
Quels sont les symptômes d'une dysplasie fibreuse des os ?
Les formes bénignes et les formes plus sévères
Un des éléments les plus importants à retenir est la grande variété des formes cliniques. Ainsi, de nombreux patients « ont une dysplasie fibreuse sans le savoir ». Il s’agit en général de formes monostotiques, découvertes par hasard sur une radiographie osseuse réalisée pour un autre motif. Si la lésion est petite ou ne concerne pas un os porteur, il n’y aura pas de complication orthopédique, ni de douleur, et il ne s’agira finalement que d’une curiosité radiologique.
A l’opposé, lorsque de nombreux os sont atteints, avec des fractures fréquentes et des déformations squelettiques, le handicap peut se révéler particulièrement lourd. Tous les intermédiaires entre la forme asymptomatique et la forme avec les fractures et les déformations multiples sont possibles. Le handicap est donc très variable d’une personne à l’autre.
La maladie peut se révéler par une fracture survenant spontanément ou à la suite d’un choc minime. Les déformations succèdent aux fractures ou se constituent progressivement. Elles ne sont visibles que pour les os situés sous la peau. Les douleurs osseuses sont liées aux fissures ou aux fractures, mais peuvent également apparaître spontanément, et évoluer pour leur propre compte. Parfois, elles s’accompagnent de signes inflammatoires locaux, avec une chaleur locale ressentie au toucher, en regard des os situés sous la peau (par exemple le tibia).
Lorsque plusieurs os sont concernés, l’atteinte est en général groupée sur des os situés du même côté du corps (atteinte dite hémimélique). Les os le plus souvent malades sont ceux des membres inférieurs, le bassin, les côtes, le crâne et la face. Les membres supérieurs sont plus rarement touchés, et la colonne vertébrale encore plus rarement.
Il n'y a pas que des anomalies osseuses
On constate souvent, chez les personnes ayant une forme polyostotique, que le phosphore mesuré dans le sang est trop bas. Cela correspond à une fuite de celui-ci dans les urines. Ce diabète phosphoré est dû à l’excès de fabrication d’une protéine de régulation du phosphore (FGF-23) par les cellules osseuses malades. Une insuffisance en phosphore peut faciliter un défaut de minéralisation (dépôt du calcium et phosphore dans l’os) au sein de l’os dysplasique, et peut-être dans l’os sain environnant. Cette insuffisance chronique en phosphore favorise la survenue des fractures, car l'os n'est pas assez minéralisé. Attention : quand on parle de diabète phosphoré, cela n’a rien à voir avec le diabète sucré. Cela signifie seulement qu’il y a une fuite de phosphore dans les urines.
Dans les formes crânio-faciales, l’expansion des os peut réduire le diamètre des canaux optiques et comprimer les nerfs optiques, et également repousser le globe oculaire, en le faisant partiellement sortir de l’orbite (ce qu’on appelle une exophtalmie). La compression des nerfs optiques peut engendrer une cécité. Cette complication est rare (90 % des patients n’auront jamais de problème), mais justifie une surveillance ophtalmologique régulière (avec étude du champ visuel, du fond d’œil et une mesure facile du diamètre du nerf optique avec un appareil appelé OCT) de façon à dépister toute altération visuelle précocement et donc envisager une chirurgie de décompression avant les complications définitives.
Des anomalies endocriniennes sont observées dans environ 5 % des dysplasies fibreuses. Les enfants peuvent présenter une puberté précoce (les filles dans 90 % des cas), dès 3-4ans. Elle est due à une production d'œstrogènes par les ovaires (ou des testostérones par les testicules). On parle de puberté précoce périphérique, car ce n'est pas le cerveau qui la provoque. Les autres anomalies - possibles chez l'adulte et l'enfant - sont une surproduction d'hormone de croissance, d'hormone thyroïdiennes, et encore plus exceptionnellement de cortisol.
On note aussi des adénomes du foie (tumeurs bénignes) et des kystes du pancréas. Le risque de cancer du sein est augmenté dans les formes polyostotiques, surtout s’il y a une atteinte costale.
Quelles sont les causes de la maladie ?
L’anomalie génétique
La dysplasie fibreuse est due à une mutation (en fait deux mutations sont possibles sur le même gène) qui empêche les cellules qui fabriquent le tissu osseux (les ostéoblastes) de se développer correctement.
La mutation survient après la fécondation. C’est donc une mutation que l’on appelle somatique. Par conséquent, il existe chez un même individu des cellules normales et des cellules mutées, en nombre très variable, ce qui explique la gravité différente d’une personne à l’autre.
Surtout, cette mutation ne se transmet pas. La maladie n’est donc pas héréditaire.
La cause de cette mutation n’est pas identifiée. Il est probable que cette mutation survient par hasard, comme beaucoup d’anomalies génétiques.
Les anomalies osseuses dues à la mutation
De ce fait, ces cellules anormales fabriquent une matrice osseuse désorganisée, mal minéralisée. On peut aussi observer dans le tissu osseux malade des vaisseaux sanguins trop volumineux (à l’origine d’hémorragies intra-osseuses qui expliquent peut-être certaines crises douloureuses), et du cartilage, plus ou moins calcifié.
On note souvent autour du tissu dysplasique de nombreuses cellules qui détruisent l’os (les ostéoclastes). Ces cellules sont attirées par des substances fabriquées par les cellules mutées.
Ces ostéoclastes vont détruire l’os dysplasique et l’os sain, contribuant ainsi au développement de la surface des lésions dysplasiques et à la fragilisation de la pièce osseuse.
C’est probablement cette destruction osseuse qui est responsable d’une partie de la fragilité squelettique.
Comment diagnostique-t-on la dysplasie fibreuse ?
Le diagnostic ne peut pas être fait seulement grâce aux symptômes cliniques, et doit donc reposer sur un faisceau d’arguments, obtenus à partir de divers types d’examens complémentaires.
La radiographie simple
Au premier rang de ces examens, la radiographie simple peut permettre de suspecter le diagnostic, ou de le retenir. Souvent elle n’est pas suffisante et il faut recourir au scanner voire à la biopsie osseuse. Elle suffit essentiellement dans les cas de maladie polyostotique où aucun autre diagnostic n’est vraisemblable.
La radiographie simple est réalisée du fait de la constatation de symptômes (douleur, fracture, déformation), ou à l’occasion d’un autre événement, auquel cas la découverte de la lésion évoquant la dysplasie fibreuse est fortuite. Les caractéristiques de la lésion permettront d’évoquer le diagnostic, mais comme souvent en pathologie osseuse, des lésions osseuses de nature diverses peuvent se ressembler et le recours à d’autres examens d’imagerie ou à la biopsie osseuse est nécessaire.
La radiographie simple peut aussi servir à surveiller une lésion connue, de manière annuelle par exemple.
La radiographie simple utilise un faisceau de rayons X, qui est arrêté de façon différente par les tissus en fonction de leur composition. Le squelette arrête beaucoup plus les rayons X que les tissus mous. Si elle est utilisée de façon parcimonieuse, la radiographie simple pose peu de problème. Toutefois, il faut prendre garde à ne pas trop multiplier les clichés radiographiques, car la maladie sera à surveiller tout au long de la vie, ce qui peut représenter à la longue une dose notable de rayons X. Par exemple, l’irradiation induite par une radiographie de la face correspond à la dose annuelle reçue du fait de l’irradiation naturelle. Ainsi des clichés réalisés pour le diagnostic de la maladie, puis de façon annuelle, en sélectionnant les incidences les plus utiles, ne doivent pas représenter un danger significatif. On s’efforcera de limiter les clichés chez les enfants, et de protéger les ovaires chez les filles, avec un tablier plombé adapté.
De plus en plus, on utilise préférentiellement la radiographie de type EOS, qui irradie beaucoup moins que la radiographie classique.
Le scanner ou tomodensitométrie
Le scanner permet de visualiser des coupes et fournit donc des informations supplémentaires par rapport à la radiographie simple. Il peut permettre d’assurer le diagnostic. Son intérêt est également de repérer des complications difficiles à discerner sur une radiographie simple, comme les fissures. On l’utilise aussi pour étudier les rapports des lésions avec les structures voisines, en particulier dans les atteintes crânio-faciales, afin d’évaluer le risque de complications neurologiques. Cette technique utilise aussi les rayons X, à des doses beaucoup plus importantes que la radiographie simple, ce qui doit conduire à limiter le nombre d’examens tout au long d’une vie, surtout chez les enfants.
L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM)
L’IRM est une technique d’imagerie utilisant les variations d’un champ magnétique dans lequel le patient est placé. Elle est probablement moins utile pour le diagnostic que les techniques utilisant les rayons X, mais son rôle est surtout de préciser les rapports de la maladie avec les organes environnants, essentiellement dans les localisations crânio-faciales et rachidiennes, afin d’évaluer le risque de complication neurologique.
Il n’y a aucune irradiation induite par cet examen. Il peut être utilisé préférentiellement chez les enfants, chez qui on essaie de limiter la dose de rayons X, même si les renseignements apportés sont différents de ceux donnés par le scanner.
La scintigraphie osseuse
La scintigraphie osseuse est une technique consistant à injecter par voie veineuse un produit très faiblement radioactif qui va se fixer dans le squelette. Une caméra balaye le corps entier, et va repérer l’ensemble des lésions du squelette. On réalise cet examen une fois lors du diagnostic afin de repérer l’ensemble des lésions osseuses de la dysplasie fibreuse.
Par la suite, il peut être utile pour évaluer l’activité de la maladie, surtout dans les formes monostotiques dans lesquelles les marqueurs biochimiques osseux ne sont pas élevés, ou bien pour repérer une fissure osseuse non visible sur une radiographie simple. Cet examen est très bien toléré, mais est contre-indiqué chez la femme enceinte.
Le TEP Scan au fluorure de sodium peut parfois remplacer la scintigraphie.
L’ostéodensitométrie
L’ostéodensitométrie sert à mesurer la densité de l’os. Cet examen peut se réaliser au niveau de la hanche chez les patients qui ont une atteinte à ce niveau afin de mesurer l’effet d’un traitement médicamenteux.
L’examen utilise les rayons X, mais l’énergie est très faible, avec donc une irradiation très inférieure à celle procurée par une radiographie simple, de l’ordre de l’irradiation naturelle quotidienne.
La biologie
Les examens biologiques sont très utiles. Tout d’abord, la mesure du phosphore sanguin doit être faite au moins au début, car il est abaissé chez certains malades. Parfois, cette mesure ne suffit pas et une exploration fonctionnelle rénale est nécessaire, comportant une prise de sang et un recueil des urines de 24 heures. Elle sert à détecter la fuite urinaire du phosphore. On peut aussi doser dans le sang la protéine responsable de cette fuite urinaire de phosphore, le FGF-23. Les marqueurs biochimiques osseux se dosent dans le sang (ostéocalcine, phosphatase alcaline, CTX sérique) et servent à évaluer l’activité de la maladie. Plus ils sont élevés, plus la maladie est active. Leur concentration baisse généralement en réponse aux traitements médicamenteux adaptés.
La recherche de la mutation peut se faire sur du tissu osseux obtenu par biopsie.
La biopsie osseuse
La biopsie osseuse consiste à prélever un petit fragment d’os, pour l’analyser au microscope. Le prélèvement peut se faire sous contrôle radiologique (ou scanner) ou lors d’une intervention chirurgicale. La biopsie osseuse peut s’avérer nécessaire lorsque les examens d’imagerie ne permettent pas de retenir le diagnostic avec certitude. En effet, les anomalies radiologiques sont parfois telles que l’on peut suspecter d’autres maladies osseuses que la dysplasie fibreuse.
Cette situation est surtout vraie lorsque la lésion osseuse est unique.
Quels traitements ?
Les médicaments
Le calcium et la vitamine D sont parfois utiles car l’os se minéralise mal dans la dysplasie fibreuse. Or l’apport de calcium est souvent insuffisant dans l’alimentation de nos pays, tout comme l’apport en vitamine D. On les administre généralement sous forme de comprimés. Il n’y a aucune complication sérieuse induite par ce type de thérapeutique.
Le phosphore peut être utile chez les patients qui ont une fuite urinaire, afin d’améliorer la minéralisation osseuse. Il se prend en association avec un type particulier de vitamine D, sous forme de comprimés ou de gouttes. Il donne parfois des douleurs abdominales ou des diarrhées.
Les bisphosphonates sont des médicaments utilisés dans diverses maladies osseuses (l’ostéoporose, la maladie de Paget, certains cancers). Ils réduisent la destruction osseuse, et de ce fait peuvent permettre de renforcer la solidité osseuse.
La chirurgie
Elle est utile dans diverses situations. Tout d’abord après une fracture, afin d’assurer la réduction de la fracture, puis de mettre en place en place un matériel d’ostéosynthèse évitant de nouvelles fractures.
Avant la fracture, la chirurgie est également très utile à titre préventif afin de réduire le risque de fracture. La technique la plus efficace consiste à mettre en place un matériel dit d’ostéosynthèse, afin de renforcer l’os. Ces opérations se réalisent lorsque l’on estime qu’un os est très fragile, après évaluation sur la radiographie simple et le scanner. Ces opérations préventives se font chez l'adulte, mais sont également très importantes chez l'enfant. Chez eux, on utilise du matériel qui s'adapte à la croissance. Ces ostéosynthèses évitent non seulement les fractures, mais évitent aussi la déformation du col du fémur.
Une opération classique consistait autrefois à enlever du tissu dysplasique, puis de le remplacer par une greffe osseuse (l’os greffé étant prélevé dans l’os du bassin). Malheureusement, la rechute de la maladie survenait dans les années qui suivaient, car la mutation reste présente dans l’os. Cette chirurgie a donc été abandonnée.
Consulter aux HCL
- Centre de référence des dysplasies fibreuses des os et syndrome de McCune-Albright (Hôpital Edouard Herriot)
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