Dépistage du cancer du poumon : quand l’hôpital prend le volant
Une initiative pionnière qui incarne un hôpital « hors les murs », ancré dans une dynamique de santé préventive et de lutte contre les inégalités.

Comment est né ce projet inédit en France ?
Nous nous sommes inspirés de l’expérience de l’équipe de Manchester qui a mis en route le premier camion scanner mobile pour le dépistage du cancer du poumon en Europe. Cela a été un succès : la population ciblée a été atteinte et la NHS (sécurité sociale au Royaume Uni, ndr) a acquis dix camions sur le même modèle. Nous concernant, nous l’avons adaptée à notre organisation et à nos moyens.
À qui s'adresse cette offre de soins mobile ?
Elle s'adresse aux individus éligibles au dépistage du cancer du poumon, c'est-à-dire les personnes âgées de 50 à 74 ans, asymptomatiques et ayant une histoire de tabagisme d'au moins 20 paquets-années, un paquet-année correspondant à un paquet de 20 cigarettes par jour pendant un an. Nous espérons particulièrement toucher les personnes précaires socialement et géographiquement éloignés des structures de santé, qui ne participeraient pas forcément aux campagnes de prévention habituelles. Il faut savoir que le tabagisme est un marqueur puissant social : il y a plus de fumeurs dans les populations défavorisées.
À quel besoin ce dispositif mobile va-t-il répondre ?
Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France et dans le monde. Environ 4 millions de personnes en France sont éligibles au dépistage du cancer du poumon, environ 450 000 dans notre région. De plus, dans un contexte de raréfaction de la démographie médicale, l'accès aux soins est compliqué. La ressource scanner n'est pas disponible partout et est principalement localisée en milieu urbain. Ce dispositif mobile vise donc à faciliter l'accès au dépistage pour les populations éloignées et précaires, permettant potentiellement de diagnostiquer les cancers à des stades précoces où ils sont plus facilement curables.
Vous prévoyez environ 2 000 dépistages par an, dont 20 % de personnes vulnérables. Sur quoi se basent ces prévisions ?
Ces prévisions se basent sur la littérature existante et sur notre modèle opérationnel. Nous avons évalué le nombre de personnes que nous pouvons accueillir physiquement chaque jour dans le camion, en tenant compte du parcours des participants. Il y a également des contraintes techniques, notamment liées à l'alimentation électrique du scanner. Nous avons d'ailleurs développé un dispositif électrique autonome mobile, une camionnette remplie de batteries recyclées de voitures électriques, qui nous permet d'être autonomes en énergie pendant 48 heures. Pour les 20 % de personnes vulnérables, il s'agit d'une estimation assez conservatrice reposant sur un score utilisé par l’assurance maladie.
Comment le suivi des patients dépistés positivement est-il assuré ?
Le patient dépisté dans le camion est ensuite rebasculé dans sa filière habituelle. L'objectif n'est absolument pas de le détourner de ses circuits de soins locaux. En cas de scanner suspect de cancer du poumon, nous le dirigeons vers l’équipe d’oncologie thoracique la plus proche de chez lui. Nous estimons à environ 4 % le taux de scanners positifs nécessitant une prise en charge.
Comment allez-vous évaluer l'impact de ce dépistage mobile ?
L'impact sera évalué de manière très précise grâce à différents indicateurs, comme le nombre de participants, le taux de détection de cancer, de BPCO et les risques cardiovasculaires, le nombre de consultations de sevrage tabagique, les événements à un an, via des appels téléphoniques pour savoir si les participants ont arrêté de fumer et s'ils ont repris un suivi pour le scanner, ou encore la proportion de personnes précaires touchées par le dispositif. Nous utiliserons notamment le score EPICE (pour évaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les centres d'examens de santé) et le géocodage des individus pour évaluer leur niveau de précarité.
Ce dispositif est-il voué à se généraliser à l'échelle nationale ?
L’équipe mobile comprend deux infirmiers, un manipulateur radio, un agent d’accueil et le chauffeur, soit toute une organisation hospitalière qui a dû se réinventer. Notre projet de recherche, sur deux ans, étudiera l'impact médico-économique du dispositif afin de fournir aux pouvoirs publics une évaluation objectivée. Il complètera le programme pilote de l'INCa visant le dépistage des cancers du poumon, nommé Impulsion, que je coordonne avec la Pr Marie-Pierre Revel (AP-HP). Si nous démontrons l'intérêt de cette approche, on peut imaginer que les pouvoir publics décident de déployer ces dispositifs dans les régions qui en ont le plus besoin.
Vous avez mentionné une étude sur les biomarqueurs. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Des prises de sang pourraient nous aider à prédire le risque de cancer ou à mieux caractériser les nodules détectés au scanner. Nous proposons donc aux participants de réaliser un prélèvement sanguin à visée purement de recherche, de manière totalement anonyme. Nous collaborons notamment avec le centre international de recherche sur le cancer pour tester différents biomarqueurs, comme les protéines et l'ADN circulant, afin de valider nos hypothèses et d'être prêts si ces outils sont intégrés au dépistage à moyen terme.
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