« Plus fragile, je me sens aussi plus forte », Julie Girard, patiente des HCL
Le point de bascule remonte au jour du diagnostic, le 16 octobre 2016. Une IRM cérébrale révèle la présence d’un neurinome. Les neurinomes de l’acoustique (autrement appelés schwannomes vestibulaires) sont des tumeurs bénignes de la gaine du nerf cochléo-vestibulaire, responsable de l’audition et l’équilibre. Ce sont des tumeurs non cancéreuses, d’évolution lente sur plusieurs années, sans facteur déclenchant identifié. Elles sont implantées à la base du cerveau, entre le cervelet et l’os de l’oreille.

La radiologue s’approche et me dit qu’elle a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que j’ai une tumeur et la bonne, que ce n’est pas cancéreux », se souvient Julie Girard avec émotion.
Un parcours éprouvant
Elle sera suivie par le Pr Stéphane Tringali, chef du service d'ORL, de chirurgie cervico-faciale et d'audiophonologie pédiatrique à l’hôpital Lyon Sud. Quand elle voit le médecin ORL un mois après l’annonce du diagnostic, les questions se bousculent. Le professeur des universités praticien hospitalier prend le temps d’écouter, d’expliquer, de répéter jusqu’à s’assurer que la patiente, désemparée, comprenne la nature de sa pathologie et son traitement.
Les risques sont principalement la perte de l’équilibre et la baisse de l’audition du côté atteint par la tumeur. La patiente et le thérapeute ont convenu de se revoir dans six mois après un nouvel examen par IRM. Entre-temps, elle suit des séances de rééducation vestibulaire auprès d’un kinésithérapeute spécialisé : « Ces séances aident à rééduquer le cerveau qui compense ainsi la perte de l’équilibre. »
La deuxième IRM est annonciatrice de complications : « Les résultats n’étaient pas bons : la tumeur avait grossi. » Julie demande au médecin ORL ce qu’il ferait s’il était à sa place. Il préconise la chirurgie. En effet, une tumeur volumineuse peut entraîner une souffrance irréversible du cerveau. Décision est prise et, le 17 septembre 2017 à l’hôpital Pierre Wertheimer, Julie est opérée.
Après une incision derrière l’oreille, le chirurgien progresse jusqu’à atteindre la tumeur dans une zone profonde du cerveau. Opérée le mercredi matin, il faudra attendre le lundi suivant pour que la patiente puisse marcher à nouveau. Le post-opératoire n’a pas été une sinécure : « J’ai mis quarante-huit heures pour sortir du brouillard et de cette extrême fatigue qui m’empêchait de parler et même d’ouvrir les yeux. » Vertiges, nausées, etc., « C’était le grand huit dans ma tête », illustre-t-elle.
Rage et colère
L’expérience est éprouvante. Après huit jours d’hospitalisation, elle est autorisée à rentrer chez elle, où l’attendent son mari, son fils et ses deux parents venus spécialement pour prendre soin de la convalescente. « À l’hôpital, les infirmières, les aides-soignantes ont été formidables, très attentives et bienveillantes. De retour à la maison, je ne parvenais même pas à beurrer mes tartines... »
La convalescence sera longue et éprouvante. Julie n’a pu reprendre le travail que six mois après l’opération. Cependant, elle peine à rester concentrée à son bureau en open space, et puis les maux de tête surviennent rapidement si elle ne se ménage pas. Une année passe. La baisse d’audition la contraint à s’appareiller. À 46 ans, il n’est pas facile d’accepter cette santé diminuée pour cette femme sportive, dynamique et entreprenante. « Je ressentais de la rage, j’étais en colère contre le monde entier » ...
Témoigner après la guérison
Une autre année passe et l’IRM de contrôle montre le retour du neurinome. Elle refuse une deuxième intervention chirurgicale et opte pour un traitement par radiothérapie en 2021, soit trois séances de dix-huit minutes chacune qui seront réalisées au Centre Léon Bérard. « Trois ans après, la tumeur commençait à se nécroser. Et, en novembre 2024, le Pr Tringali à la suite d’une IRM a pu enfin me déclarer guérie ! »
Après ces années d’épreuves, de doutes, de souffrances et d’incertitudes, Julie souhaite tourner la page. Pour cela, elle ressent le besoin d’écrire. L’expérience de la maladie représente une épreuve considérable, qui bouleverse toutes les dimensions de la vie. En témoigner, c’est vouloir être utile aux autres, et aussi, reprendre le dessus sur ce présent qui soudain nous a échappé. Elle vient à bout de son projet : en juin 2025, son témoignage est publié.
Dans la préface, le Pr Stéphane Tringali écrit : « Pour le chirurgien que je suis, ces récits sont une source précieuse d’enseignement. Ils nous amènent à nous interroger sans cesse sur nos pratiques, à affiner notre écoute et à mieux appréhender charque jour l’impact de nos gestes. »
« J’ai appris à vivre avec moi-même »
Entre-temps, elle et sa famille ont changé de vie : retour sur sa terre natale, non loin de Saint-Malo, création d’entreprise, bains de mer et voyages à travers le monde... « Je travaille à mon rythme. Je vais me baigner dans la mer, j’ai enfin retrouvé un certain équilibre. »
Aujourd’hui, elle n’est plus tout à fait la même personne qu’avant la maladie. « Si je marche un jour, le lendemain je dois me reposer. Je ne peux plus courir. Si je fournis un effort trop intense, les maux de tête reviennent. Mais je me sens libérée. Je suis plus posée, j’ai appris à être seule, à vivre avec moi-même, je respecte davantage mon corps, je suis plus à l’écoute des autres et bien que plus fragile, je me sens aussi plus forte. »
- Hôpital Lyon Sud - Établissement
- Service d'orl, de chirurgie cervico-faciale et d'audiophonologie pédiatrique - Service/consultation
- Neurinome (tumeur de l’angle ponto-cérébelleux) - Fiche santé
- Schwannome vestibulaire (neurinome de l’acoustique) - Fiche santé
- Maladies rares : quand l’exceptionnel motive la prise en charge - Actualité
- Traitement par radiothérapie - Fiche santé

En équilibre, Julie Girard, éditions Maïa, juin 2025. Préface du Pr Stéphane Tringali, chef du service d'ORL, de chirurgie cervico-faciale et d'audiophonologie pédiatrique à l’hôpital Lyon Sud.