La position des religions sur le don d'organes et de tissus
Comment se positionnent les différents cultes par rapport au don d'organes et de tissus ? Peut-on concilier don d'organes/de tissus et respect des rites funéraires ? Des représentants des religions catholique, juive, musulmane et protestante répondent à ces questions.
À l’occasion de la journée nationale de réflexion sur le don d’organes, les tissus et la greffe, et de reconnaissance aux donneurs, les Hospices Civils de Lyon, labellisés « Ambassadeurs du don » par le collectif Greffe+, ont laissé la parole à des représentants des cultes catholique, musulman, protestant et juif. Objectif : mieux comprendre leur position sur le don d’organes et de tissus et contribuer à lever les idées reçues.
Transcription
[00:00] : Mgr Bruno-Marie DUFFÉ (prêtre catholique)
Nous sommes membres d'un même corps. Et dans la religion catholique, on dit : aime Dieu et aime ton frère. Et c'est parce que tu as aimé ton frère, que tu peux dire que tu as aimé Dieu.
Aimer, la manifestation la plus belle et la plus forte de l'amour, c'est de donner quelque chose de soi-même.
[00:26] : Daniel DAHAN (Grand Rabbin Régional)
Toujours veiller à être dans l'empathie, à savoir que l'on se doit d'aider autrui, que c'est un devoir religieux d'être en communauté humaine,
mais de savoir toujours raison garder.
Il y a des choses que l'on peut faire, il y a des choses que l'on doit faire et il y a des choses qui doivent être évitées. Tout cela doit être fait en coordination aussi bien avec le corps rabbinique qu'avec le corps médical.
[00:50] : Imam Azzedine GACI (Recteur de la mosquée de Villeurbanne)
La vie est sacrée. Elle est un don de Dieu. Et par conséquent, quand il s'agit de sauver une vie, il n’y a aucune contrainte, il n'y a aucune interdiction. La préservation de la vie en Islam fait partie des objectifs supérieurs. Et donc, à chaque fois que vous avez la possibilité de donner la vie, à chaque fois que vous avez la possibilité de sauver une vie, et à chaque fois que vous avez la possibilité d'augmenter les conditions d'une vie, faites-le, et n'oubliez jamais : celui qui sauve une vie a sauvé toute l'humanité.
[01:20] : Karine ROUVIÈRE (Aumônier protestant aux HCL)
Alors, ce que j'ai envie de partager, c’est une citation d'une théologienne protestante, qui s'appelle France Quéré, qui dit que la philosophie de
la greffe pourrait tenir en deux mots simples : espérance et fraternité.
La position de la religion catholique
Transcription
Mgr Bruno-Marie DUFFÉ (prêtre catholique) : la position de l'Église catholique romaine en matière de prélèvement des tissus et de don d'organes n'a pas varié depuis 1956.
C'est un texte du pape Pie XII qui répond à une demande de médecins sur la question du prélèvement. Cette position, elle se résume en deux principes : le principe de l'intégrité du corps considéré comme demeure de Dieu, comme demeure du souffle de Dieu. Il s'agit de respecter ce corps, et évidemment de le rendre, de le donner pour des rites funéraires, qui soient dignes.
Le deuxième principe, c’est le principe de la solidarité, de la communion entre tous les humains, d’inciter et d'inviter les personnes à pouvoir donner de leur vivant, à promettre, en tout cas, de donner pour la vie, la survie, peut-être même pour sauver la vie d'un autre.
Il n'y a pas d'opposition entre le fait de donner un organe ou un tissu et de pouvoir être honoré dans les rites funéraires traditionnels, à la condition que le corps ait été bien traité, bien préparé, et qu'il ait pu être rendu dans les bonnes conditions aux proches
et à la famille.
Cette célébration que nous faisons est une célébration de l'espérance.
Cette espérance, nous la manifestons par le fait que cette personne a pu donner quelque chose d'elle-même, et qu'elle a pu permettre à d'autres personnes de vivre.
La position de la religion juive
Transcription
Daniel DAHAN (Grand Rabbin Régional) : c'est une position qu'il faut séparer en plusieurs catégories.
La première catégorie, ce sont des choses qui sont simples : le don de sang, les tissus, la cornée. Tout cela ne pose absolument aucun problème et rentre dans le cadre de l'impératif biblique de 'ou baharta ba'haïm', « Tu choisiras la vie. » Il y a toujours la notion de choisir la vie et d'aider à la poursuite de la vie. Parce que la vie est le plus beau don que Dieu ait pu faire à l'Homme.
Concernant les organes (cœur, poumon, foie) et qui nécessitent un cœur en état de marche, bien que ce soit possible, bien que ce soit possible, ça doit être fait après consultation rabbinique et médicale, qui doivent prouver la nécessité de cette greffe, son utilité, et le véritable état physique du patient.
Il faut savoir raison garder et toujours garder présent à l'esprit les règles qui s’imposent à nous. Le faire au cas par cas et en tout état de conscience.
Si tout est fait dans les règles, il n'y a pas de contre-indications. Il faut simplement que les choses soient faites proprement, qu'il n'y ait pas de profanation du corps. Dans le judaïsme, ce qui est important, c'est le respect du corps. Et ce respect, il se fait du vivant, mais aussi post-mortem.
La position de la religion musulmane
Transcription
Imam Azzedine GACI (Recteur de la mosquée de Villeurbanne) : Alors bien sûr, le don d'organe et de tissus est autorisé en Islam, que le donneur soit vivant ou décédé. Les grands savants musulmans l'autorisent, car ils considèrent que le don d'organe est une œuvre de charité, un acte de bienfaisance, une générosité ou une solidarité humaine. Il repose en cela essentiellement sur le verset coranique dans lequel Dieu nous dit « Qui sauve une vie, a sauvé toute l'humanité ».
Alors, ils l'autorisent avec un certain nombre de conditions : le don d'organe ne doit pas remettre en cause la vie de l'être humain. Il doit être fait dans le respect de la dignité humaine. Le don doit être gratuit, car l'Islam s'oppose totalement à la marchandisation du corps de l'être humain, parce que l'être humain ne s'appartient pas, notre corps appartient à Dieu.
Il n'y a aucune restriction en Islam sur les rites funéraires. Tout est autorisé du moment que l'on sauve une vie. On est enterré comme tous les autres. Il y a certains musulmans qui s'opposent au don d'organes parce qu'ils disent que nous devons restituer notre corps qui est un dépôt comme Dieu nous l'a donné. En fait, ce qui est important pour nous, c'est de sauver une vie, rien ne s'oppose à ce qu'on le fasse.
La position de la religion protestante
Transcription
Karine ROUVIÈRE (Aumônier protestant aux HCL) : le don d'organes et de tissus, finalement, c'est un don de vie. Et le don de la vie, c’est un fondement du christianisme, en ce sens que Jésus-Christ a donné sa vie pour le plus grand nombre.
La vie, c'est un don, c'est une grâce qui nous est donné par Dieu et finalement, donner ses organes, donner ses tissus, c'est l'expression
d'une solidarité ultime envers son prochain. Bien évidemment, le protestantisme encourage ce don d'organes et de tissus.
Le protestantisme est finalement très peu ritualisé. Déjà, c'est très divers, puisque le monde protestant, c’est un ensemble d'Églises. Donc rien ne va s'opposer au don d'organes et de tissus. Ce n'est pas tellement une question de tradition funéraire, c'est plus une question d'accompagnement et de vécu avec et pour les proches.
Lorsqu'on accompagne des proches pour un deuil, on le vit avec et pour eux. Et donc il serait intéressant, peut-être, d'accompagner ce temps de don d'organes et de tissus avec les proches.
En Allemagne, il y a une liturgie spécifique qui a été pensée pour permettre aux proches de vivre ce temps un peu délicat plus sereinement.