« J’ai tout de suite compris que j’avais quelque chose à donner », Jean-Jacques Brochier, patient partenaire

Depuis plus de vingt ans, ce fringant septuagénaire est suivi aux Hospices Civils de Lyon. En 2019, il se voit proposer de devenir patient partenaire.

C’est après plusieurs crises d’hyperglycémie que le diagnostic est tombé : diabète de type 1. Il n’a alors que dix ans. Les années suivantes, il s’appliquera méthodiquement à cacher la maladie. « Mon entourage professionnel ignorait alors que j’étais diabétique, ce qui est une erreur bien sûr. Car, quand survient une crise d’hypoglycémie en pleine réunion, mieux vaut se sentir compris et soutenu que de susciter l’incompréhension. » 

Depuis soixante ans, ce retraité actif a connu l’évolution des traitements, de la seringue à la pompe à insuline. Avec le temps, il a appris à réguler son taux de sucre dans le sang, en fonction de son activité physique et de ses prises alimentaires, anticipant dans la mesure du possible d’éventuelles crises glycémiques. Bien sûr, parfois il arrive des impondérables et dans ce cas, « On agit automatiquement pour compenser », confie-t-il. « Par exemple, quand j’ai connu ma femme, je ne lui ai pas dit tout de suite que j’étais diabétique. Après une randonnée, en état d’hypoglycémie, quand elle m’a vu me jeter sur un plat de pâte, elle a pris peur croyant que j’avais oublié toute bonne manière. » 

Ce n’est qu’à partir de ses cinquante ans qu’il a commencé à s’ouvrir aux autres, simplement et sans crainte de paraître différent. « Sans doute était-ce un état d’esprit hérité de l’adolescence, un âge où l’on veut être au plus près de la normalité. » 

Une relation de confiance 

En 2019, le professeur Charles Thivolet lui propose de devenir patient partenaire. Depuis plus de vingt ans, ils se voient régulièrement et ont appris à s’apprécier. C’est donc en toute confiance que Jean-Jacques accepte de s’engager. « J’ai été formé à l’UTEP (unité transversale d’éducation thérapeutique du patient du département du Rhône, ndr). La première formation a duré quarante heures et m’a permis d’acquérir les compétences pour intervenir en atelier d’éducation thérapeutique du patient. La deuxième formation, suivie un an après, a porté plus spécifiquement sur les compétences psychosociales. » 

Durant ces formations, il a rencontré d’autres patients comme lui avec lesquels il a pu confronter sa propre expérience, partager ses motivations. Il y a appris à analyser son parcours avec la maladie, identifier le rôle et la place des patients intervenants en ETP, réaliser un diagnostic éducatif, créer une alliance thérapeutique avec le patient, utiliser des outils d’évaluation pédagogique, etc.  

 « Les cours sont très participatifs. On travaille en équipe et l’on met en commun notre savoir et les expériences de chacun. » Fort de ses deux attestations de formation, certifiées par la Dr Corinne Feutrier, coordinatrice de l’Utep, le patient partenaire a pu ensuite mettre en pratique ses nouvelles compétences.  

Des expériences pleines de sens et d’enseignements 

Le premier atelier d’éducation thérapeutique auquel il a participé, aux côtés d’une infirmière, d’une diététicienne et d’une psychologue, avait pour objectif de présenter au patient diabétique les différents types de pompes à insuline en boucle fermée hybride. Il a débuté en 2021 et se poursuit deux ans plus tard. 

Depuis, il intervient tous les deux ou trois mois en ETP dans l’unité de soins ambulatoires du centre de diabète des HCL Diab-eCare, situé hors les murs de l’hôpital, spécialisée dans le diabète de type 1. 

« Les participants y parlent librement. L’état d’esprit est convivial. Les jeunes diabétiques constatent que l’on peut vivre avec le diabète. C’est justement ce qui me motive : ce contact avec d’autres patients plus jeunes que moi, la rencontre et les échanges. En atelier, on apprend à mettre sa peur de côté, à lâcher-prise. Ce n’est pas parce qu’on est diabétique qu’il faut s’interdire de manger une glace. C’est une grande satisfaction de se savoir utile. Avoir une maladie chronique, c’est être condamné à un traitement à perpétuité, pour reprendre les mots de l’écrivain et diabétique Philippe Barrier (1). Il ne faut donc pas laisser la maladie guidée sa vie. » 

Sa prochaine intervention est prévue ce mois de mars 2023. Il participera aux enseignements de la faculté de médecine dans le cadre des ateliers « Expérience du vécu du patient diabétique ». Pendant une heure et demi, en binôme avec un médecin enseignant, devant une vingtaine d’étudiants de quatrième année, ce sera à nouveau l’occasion de partager le savoir de sa longue expérience de patient atteint par la maladie chronique et d’exploiter ses compétences de partenaire du soin.  

« Une étude (2) indique que le sentiment d’être partenaire et l’empathie perçue par le patient prédisent la satisfaction et l’adhésion thérapeutique du patient mieux que le niveau d’expertise du médecin perçu par le patient », rappelle-t-il. Et de communiquer : « La faculté de médecine recherche des patients enseignants, il est important de renouveler les générations pour faire croître le partenariat patient. » 

 

(1) La Blessure et la force, aux Presses universitaires de France (Puf), collection Science, Histoire & Société, nov. 2010. 

(2) Kim et al. 2004 

Dernière mise à jour le : mer 24/01/2024 - 11:15
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Jean-Jacques Brochier, patient partenaire aux HCL
Jean-Jacques Brochier est patient partenaire aux HCL. Il intervient notamment lors de programmes d'éducation thérapeutique pour les patients atteints de diabète de type 1 et partage ainsi son expérience.

 

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