« Une meilleure version de moi-même », Judy Sibai, patiente partenaire

Elle intervient auprès des patients du service ORL de l’hôpital de la Croix-Rousse. Son rôle ? Écouter, partager le savoir de son expérience et redonner espoir.

En quinze jours le plus souvent, c’est toute une vie qui bascule, entre l’annonce du diagnostic et l’intervention chirurgicale. Durant ce laps de temps, le patient passe par toutes les émotions. « Imaginez : on vous annonce que vous avez le cancer, que vous n’allez plus pouvoir parler et que vous allez respirer par un trou au niveau de la gorge », rend compte Judy Sibai, patiente partenaire aux Hospices Civils de Lyon depuis 2021 et présidente de l’association « Les Mutilés de la Voix Rhône-Alpes »

« Passer du déni à l’acceptation de ce qui nous arrive »

Opérée une première fois en 2017, une seconde fois l’année suivante, puis une troisième fois en 2018, elle vit désormais sans larynx, comme la plupart des patients qu’elle rencontre. « Quinze jours c’est très court pour passer du déni à l’acceptation de ce qui nous arrive », commente-t-elle.  

Judy Sibai intervient, à la demande du Pr Philippe Céruse, chef du service d'oto-rhino-laryngologie (ORL) et chirurgie cervico-faciale (tête et cou) de l'hôpital de la Croix-Rousse, en moyenne une à deux fois par mois. 

« Les personnes sont complètement paniquées après le diagnostic. Il faut du temps pour digérer l’information et pouvoir accepter un traitement qui engendre une foule de questions. » C’est à ce moment-là que son intervention prend tout son sens. Oui, la vie est possible après la chirurgie, incarne-t-elle par sa simple présence, son écoute bienveillante et les réponses qu’elle apporte : « Je réponds aux questions sans les anticiper. J’attends de savoir ce que les patients veulent savoir. Il est important de ne pas devancer le questionnement au risque de créer de nouvelles angoisses. » 

Savoir transmettre l’expérience du vécu de la maladie et du chemin vers le rétablissement constitue les fondements de la pair-aidance. Dans cette relation particulière, Judy Sibai s’appuie sur sa propre expérience convertie en savoir pour accompagner et soutenir des personnes confrontées à de semblables réalités. Des personnes qui, grâce à elle, vont pouvoir apprendre de leurs propres expériences, qu’elles soient négatives ou positives.  

C’est aussi ce savoir qui lui permet d’agir de façon adéquate et de mieux appréhender la forte charge émotionnelle des patients. « C’est un moment très intense où il faut savoir entendre, comprendre et rassurer. Certains pleurent tout le long de l’entretien, d’autres n’arrivent plus à se projeter dans l’avenir. Chacun réagit différemment. » 

Cette pair-aidance représente plus qu’un simple accompagnement : « Je me sens à ma place. C’est très gratifiant de se sentir réellement utile. J’ai pu constater que ma présence redonne de l’espoir. Les personnes me voient heureuse, active. Soudain, elles comprennent que l’on peut vivre normalement malgré la maladie. » 

Ce n’est pas de l’altruisme, c’est de l’égoïsme ! 

Pour Judy Sibai, l’ablation du larynx a marqué une « ressuscitation » : « Je ne craignais plus de mourir étouffée. Ensuite, il a fallu réapprendre à parler. Pendant un mois, au centre de réadaptation du Val Rosay à Saint-Didier-au-Mont-d’Or, je vocalisais comme une enfant, d’abord les voyelles puis des syllabes jusqu’à prononcer des phrases et retrouver la parole après un mois d’efforts à raison de deux séances quotidiennes et beaucoup de volonté. » Là-bas, elle qui aime randonner, retrouvera aussi ses muscles, en plus de sa respiration.  

« La souffrance physique apprend la patience, la tolérance et la compréhension d’autrui. Quand on est malade, on fait le tri entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Auprès des personnes comme moi, j’apprends énormément. Ce n’est pas de l’altruisme, c’est de l’égoïsme ! Quand je les vois se détendre et sourire, je suis récompensée. » 

La patiente partenaire intervient également auprès des étudiantes et étudiants en orthophonie et en soins infirmiers. Une autre source de satisfaction qu’elle n’est pas prête d’abandonner.  

Aujourd’hui, elle mène de front partenariat patient, mission associative et sa vie de mère et grand-mère à la retraite de l’Éducation nationale. Une nouvelle vie qui a fait d’elle « une meilleure personne », juge-t-elle en aparté.

Dernière mise à jour le : mer 24/01/2024 - 11:16
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Judy Sibai, patiente partenaire aux HCL
Judy Sibai, patiente partenaire et pair-aidante

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Cancers ORL : des taux de guérison supérieurs à 80 % 

Les cancers ORL (nez, bouche, larynx, trachée et œsophage) touchent plus fréquemment les hommes que les femmes (70 % contre 30 %). En France, on compte environ 14 000 nouveaux cas par an. L’incidence chez les hommes est en train de diminuer mais est en légère augmentation chez les femmes. On explique cette tendance par la consommation de tabac et d’alcool, en baisse chez les hommes et en hausse chez les femmes. Les cancers ORL surviennent en majorité entre 50 et 64 ans. Une forme de cancer ORL en pleine progression, sans être liée à la consommation de tabac et d’alcool, est induite par le papillomavirus ou virus du papillome humain (HPV), qui donne des cancers des amygdales. On observe plus rarement des cancers chez qui les causes habituelles de cancer ORL ne sont pas identifiées en particulier chez les patients très jeunes ou au contraire plus âgés. Ils représentent la quatrième cause de cancer et la cinquième cause de mortalité par cancer en France. Le service ORL de la Croix-Rousse, comptant parmi les trois plus grands services en France, traite chaque année plus de 300 nouveaux patients. 

Ces cancers pris en charge précocement ont un très bon pronostic, les taux de guérison étant supérieurs à 80 %. En revanche, au stade plus avancé, les taux de guérisons sont moins bons et les séquelles sont plus lourdes. « Il est important de pouvoir faire un diagnostic précoce de ces cancers pour des taux de guérison meilleurs avec moins de séquelles », souligne le Pr Philippe Céruse, chef du service ORL de l’hôpital de la Croix-Rousse.  

« Les traitements que nous proposons sont axés sur une meilleure qualité de vie avec moins de séquelles pour des taux de guérisons équivalents. Les progrès de la chirurgie reconstructrice ont permis de limiter les séquelles esthétiques et fonctionnelles pour un retour à une vie normale. Mais il est encore parfois nécessaire de proposer des chirurgies qui restent mutilantes », indique-t-il. « Les nouvelles thérapeutique médicales (immunothérapie, thérapies ciblées), maintenant utilisés en routine, permettent d’espérer des guérisons de maladies qui rechutent ou qui sont à des stades métastatiques. » 

+ d'infos : https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancers-de-la-sphere-ORL-voies-aerodigestives-superieures/Les-points-cles