Mort subite cardiaque, une fatalité ?

La mort subite chez l’adulte frappe chaque année environ 10 000 personnes en France. Aujourd’hui, lorsque la cause est génétique, le dépistage permet d’éviter aux victimes qui en ont réchappé et à leurs apparentés de vivre sans craindre le pire.

Elle  peut survenir à tout moment, pour n’importe lequel d’entre nous. C’est elle qui, de manière spectaculaire, frappe sur les terrains de foot faisant soudainement s’écrouler, sans raison apparente, un sportif de haut niveau. Mais la mort subite d’origine cardiaque (MSOC) peut tout aussi bien atteindre une personne dans son sommeil ou derrière son ordinateur, quel que soit son âge. Le pouls s’arrête et le cœur cesse de battre. Le cerveau et les poumons ne sont plus alimentés par l’oxygène du sang. En dix secondes, la personne perd connaissance et cesse de respirer.

On parle de mort subite « récupérée » lorsqu’un témoin  pratique  un  massage  cardiaque en  attendant le défibrillateur, qui va délivrer une impulsion électrique pour faire repartir le cœur. On  estime  que  la  présence  de  défibrillateurs  dans les stades a multiplié par dix les chances de survie chez les sportifs victimes de mort subite.

Le cœur est constitué de deux oreillettes et de deux ventricules qui font circuler le sang dans tout l’organisme. Cette fonction de pompe est rendue possible par des courants électriques cellulaires qui contractent le cœur (la systole). Quand ces courants électriques sont perturbés, les contractions des oreillettes et des ventricules deviennent  inefficaces, le cœur s’emballe : il fibrille (1).

« Cette perte de la compétence contractile provoque l’effondrement du débit cardiaque à l’origine de la mort subite », explique le Pr Philippe Chevalier, chef du service de rythmologie à l’hôpital Louis Pradel. L’expression clinique d’une maladie rythmique peut être déterminée par une mutation génétique : « Tel gène muté va induire une mort subite à l’émotion, un autre va être responsable d’une MSOC nocturne, un autre encore à un bruit strident, etc. Non seulement la variation génétique détermine les circonstances, mais elle va aussi aider au traitement », précise le cardiologue. C’est pourquoi, depuis une vingtaine d’années, la cardiogénétique cherche à déceler les mutations génétiques responsables des fibrillations ventriculaires. 

Dépister, traiter, accompagner

Le secteur de cardiogénétique du laboratoire de biologie médicale et d'anatomie pathologique des HCL est l’un des trois centres de référence en France, avec Paris et Nantes, à développer cette expertise diagnostique.  Le séquençage génétique analyse le panel de 120 gènes et de leurs variations, que les cardiogénéticiens ont documentés à ce jour.

Chaque  année, environ 1 000 nouveaux patients et 1 700 personnes apparentées(2) sont testés. « Le  dépistage génétique permet de confirmer le diagnostic, d’exclure les apparentés non porteurs du variant pathogène et de proposer une thérapeutique adaptée au patient », souligne le Dr Gilles Millat, biologiste moléculaire, responsable du secteur cardiogénétique. « Nous décelons environ 35% de positifs, soit 350 familles impactées », et autant de vies bouleversées par l’annonce du diagnostic.

La prise en charge des personnes récupérées et leurs apparentés est donc pluridisciplinaire, faisant intervenir un cardiologue, un généticien, un biologiste moléculaire, un psychologue et un attaché de recherche clinique. « La charge mentale liée au risque de mort subite est forte. L’annonce de l’hérédité génétique peut générer des souffrances psychologiques. Nous nous attachons à ce que le patient maintienne et  améliore sa qualité de vie. L’information médicale doit être accessible pour que le patient ou l’apparenté prenne une décision libre et éclairée », indique Caroline  Olivier, psychologue référente du centre expert des cardiopathies héréditaires. Selon la variation génétique identifiée, le traitement proposé pourra être un bêtabloquant ou un défibrillateur sous-cutané. Le  premier « bloque » l’impact des émotions sur le cœur, le deuxième est un dispositif médical qui surveille le rythme cardiaque et intervient par choc électrique en cas de fibrillation ventriculaire, « un ange gardien dans la poitrine », illustre le Pr Philippe Chevalier. Pour d’autres, un simple suivi chez le cardiologue sera recommandé.

Le  23 février 2022, la revue Nature publiait les résultats d’une analyse de nouveaux variants  génétiques à l’origine de maladies cardiaques chez plus de 653 000 individus (3). Cette recherche, qui réunit des scientifiques du monde entier, dont les médecins du service de rythmologie  cardiaque de l’hôpital Louis Pradel, conforte l’expertise de la cardiogénétique et sa pertinence pour proposer des traitements personnalisés. « Aujourd’hui la mort subite ne doit plus être une fatalité », conclut le Pr Chevalier, coauteur de l’étude. 

  • (1) La fibrillation ventriculaire (FV) indique un fonctionnement anormal du muscle cardiaque ventriculaire. Elle peut aussi survenir quand la circulation du sang s’interrompt dans un vaisseau sanguin, soit par durcissement ou rétrécissement, soit par la présence d’un caillot sanguin : c’est l’infarctus du myocarde.
  • (2) Obligation légale d’informer la parentèle par le patient ou à défaut par le généticien.
  • (3) Genetic associations of protein-coding variants in human disease, Nature.com, en accès libre :  https://rdcu.be/cK5p

 

Dernière mise à jour le : mer 07/09/2022 - 11:58