Accouchement physiologique : quand la nature guide la naissance

Depuis 2023, à la maternité de l’hôpital Lyon Sud, une équipe de sages-femmes accompagne les femmes qui souhaitent un accouchement moins médicalisé. Avec bienveillance, respect et en toute sécurité.

La salle d’accouchement est plongée dans la pénombre. Seule une petite veilleuse diffuse une lumière tamisée, tandis qu’Amandine (nom d’emprunt) déambule à petits pas. À ses côtés, son conjoint rassemble quelques affaires personnelles. Myriam Livain, sage-femme, s’assure que tout va bien, pose quelques questions, puis repart en précisant : « C’est Amandine qui fait le travail, moi, je suis juste là pour l’accompagner. » Le couple, arrivé dans la matinée, connaît déjà la salle de naissance pour l’avoir visitée auparavant. Ils sont suivis depuis les premiers mois de grossesse par les sages-femmes de l’équipe Phylia. En cette journée de printemps, Amandine s’apprête à donner naissance, de la manière la plus naturelle possible.

Image
Victoria, auxiliaire de puériculture et Myriam, sage femme
Victoria, auxiliaire de puériculture et Myriam, sage femme

Accoucher naturellement : de quoi parle-t-on exactement ?

En France, en 2025, la norme reste la péridurale, utilisée dans plus de 80 % des accouchements¹. À l’inverse, un accouchement physiologique ou naturel se déroule en limitant les interventions médicales, sans analgésie péridurale, dans le respect du rythme de la femme, à condition qu’elle présente un bas risque obstétrical, selon la Haute Autorité de santé. Depuis avril 2023, la maternité de l’hôpital Lyon Sud propose cette approche portée par une équipe de sages-femmes engagées. La première année, 130 femmes ont fait ce choix. Un an plus tard, elles étaient 443. « Plus qu’une intervention, c’est un véritable accompagnement que nous proposons », explique Justine Golonka, sage-femme à Lyon Sud depuis 2010. Le parcours physiologique Phylia privilégie l’écoute des patientes lors de consultations souvent longues, durant lesquelles sont abordés les changements du corps, la parentalité, la place du couple. Des ateliers (yoga, hypnose, lactation, Pilates, spinning babies, méthode Bonapace…) complètent la préparation à la naissance axée sur le projet de naissance. « Nous invitons les femmes à se détacher des injonctions, à écouter leur corps et à faire confiance au processus naturel de l’enfantement. » Sexualité, périnéologie, conjugalité sont également abordées, toujours dans un esprit bienveillant. « Nous les accompagnons là où elles veulent être assistées », assurent les sages-femmes.

« Comme si c’était la première fois »

Océane entame son huitième mois de grossesse. La naissance est prévue pour le 9 juin. Sa première grossesse s’était bien déroulée, avec une péridurale. Pour cette seconde grossesse, et après un déménagement à Oullins, elle fait un autre choix : « Je souhaite une approche naturelle, moins médicale, dans un environnement sécurisé. Et puis, je veux sentir le bébé. » Elle suit les cours de préparation à la naissance et se réjouit des liens tissés avec l’équipe de sages-femmes : « Une relation de confiance s’est instaurée. Je me sens prête. Donner naissance est un moment important. Pour moi, c’est comme si c’était la première fois. » Ici, rien n’est imposé. L’accompagnement suit le rythme de chaque femme et s’adapte à chaque projet de naissance. Manon, qui a accouché en mars 2025, a suivi les ateliers de yoga, d’hypnose, ainsi que les quatre cours de préparation. Lors du dernier, elle a visité la salle de naissance, ce qui l’a aidée à s’y sentir « dans un lieu familier le jour J ». Convaincue que le corps « sait faire », Manon a choisi un accouchement le plus naturel possible.

« Je me suis dit : si d’autres l’ont fait, pourquoi pas moi ? Et puis, c’est tellement beau de mettre au monde par soi-même. »

Elle a aussi été accompagnée chaque mois par une psychologue, Élise Bryon. « Ça m’a aidée à passer de jeune fille à femme et maman. Je sentais qu’il me manquait des armes pour le faire seule. » Son mari, Jean-Noël, a lui aussi été très impliqué tout au long du parcours. Avec Phylia, la maternité devient une expérience consciente qui permet de mettre des mots sur ce que l’on vit, de comprendre les bouleversements du corps et de l’esprit. L’accompagnement se prolonge après la naissance, jusqu’au troisième mois du post-partum, une période délicate durant laquelle plus de 16 % des femmes sont touchées par la dépression, selon l’enquête périnatale nationale de 2021¹.

La médicalisation, si nécessaire

« Ce sont les femmes qui accouchent qui font la plus grande partie du travail. Nous, nous sommes là pour assister », insiste à son tour Justine Golonka. En salle d’accouchement, l’intervention médicale reste minimale tant que tout se déroule normalement. Les auxiliaires de puériculture, toujours présentes, veillent sur le nouveau-né. « Si la respiration est saccadée, le visage pâle ou que le bébé ne pleure pas, nous alertons immédiatement », expliquent Victoria et Lucie, auxiliaires puéricultrices. « Le déroulement du travail n’est pas fondamentalement différent d’un accouchement classique, mais les positions sont plus variées : sur le lit, au sol, sur un tapis… », indiquent-elles.

Image
Justine Golonka, sage femme
Justine Golonka, sage femme

 

En cas de complications, l’enfant est immédiatement transféré en salle de réanimation où intervient un pédiatre. La médicalisation s’impose alors, mais ces situations restent rares chez les femmes à bas risque obstétrical. « L’approche physiologique n’est pas incompatible avec la sécurité, au contraire », précise la Dr Mona Massoud, obstétricienne. « L’équipe médicale est présente et prête à intervenir à tout moment, si l’état de la mère ou de l’enfant le nécessite. » Certaines grossesses, en revanche, ne permettent pas ce type d’accouchement : les femmes souffrant de diabète gestationnel, de pathologies maternelles ou d’antécédents obstétricaux, sont autant de contre-indications ne permettant pas l’entrée dans la filière physiologique. « La sélection des patientes éligibles à entrer dans la filière se fait de manière collégiale avec les médecins pour assurer la sécurité de chaque femme. »

Un enfant qui naît, une mère qui renaît

Manon est arrivée à la maternité un dimanche soir, vers 23 heures, la poche des eaux fissurée. Les contractions n’ont débuté que le lendemain à 6 heures. « Je les ai gérées dans ma chambre jusqu’à treize heures, quand la poche s’est rompue complètement. À ce moment-là, tout s’est intensifié. » Elle est alors transférée en salle de naissance à 14 heures, où elle retrouve Justine, sa sage-femme référente. « J’étais heureuse et émue de la voir. J’avais rencontré plusieurs sages-femmes de la filière Phylia. J’aurais été en confiance dans tous les cas », confie Manon. La douleur est soulagée dans un bain chaud, puis, quand arrive le moment, elle choisit d’accoucher sur le côté, « une jambe posée sur la barre de protection, jamais sur le dos ». « J’étais dans une bulle. J’ai senti chaque étape : les contractions, la poussée, le “cercle de feu” quand la tête sort. Des douleurs intenses, jamais éprouvées avant, mais dès qu’Augustin est né, tout a disparu. » Un mois plus tard, elle retient surtout la puissance du moment : « Justine est intervenue à la fin. Entre elle, mon mari et moi, il y a eu une vraie osmose. Je garde un souvenir très fort, incroyable. J’ai eu l’impression de renaître. »

Image
Femme pendant le travail en salle de naissance
Femme pendant le travail en salle de naissance

 

Selon elle, cet accouchement et, plus largement, l’accompagnement, ont un impact sur son présent de jeune maman : « J’allaite, tout se passe bien. Je n’ai pas eu de baby blues. Je ressens toujours la confiance acquise ce jour où j’ai donné la vie. » Un constat que partage Justine Golonka : « Une femme qui se fait confiance et mène son projet de maternité en accord avec elle-même et son couple augmente ses chances de vivre cette période de façon apaisée. »

Dernière mise à jour le :