« Une équipe extraordinaire », Brigitte Giacomarra, patiente et pair-aidante

Quand la maladie fait irruption, bouleverse le quotidien et rend plus incertain l’avenir, il est essentiel de pouvoir se sentir soutenue, écoutée et rassurée dans son parcours de soin. Brigitte Giacomarra revient sur ces derniers mois durant lesquels elle a affronté un cancer rare et est devenue pair-aidante dans le service de chirurgie digestive de l’hôpital Édouard Herriot.

Dynamique, plutôt enjouée et pleine de vie, Brigitte se définit comme une personne optimiste et d’un naturel confiant. Alors quand la maladie a fait son entrée dans sa vie, elle s’en est vite remise aux spécialistes, suivant scrupuleusement leurs recommandations. Bien lui en a pris, puisqu’après des mois de combat, ponctuées par quelques journées très difficiles, elle est aujourd’hui pleinement investie dans un projet de pair-aidance qui donne du sens à son expérience de patiente et de toute jeune retraitée. 

En octobre 2022, elle voit sa température montée en flèche jusqu’à atteindre quelque 40 degrés Celsius. Au matin, son mari la retrouve inconsciente au pied du lit. Elle est emmenée en urgence à l’hôpital privé de l’Est lyonnais (HPEL). « J’ai déliré pendant deux jours, sans ressentir aucune douleur », se souvient-elle. Née à Saint-Priest, au tout début des années 60, Brigitte est mère de trois garçons, aujourd’hui trentenaires. Cette année 2022, elle avait attrapé le virus de la Covid, mais cette fièvre-là sortait de l’ordinaire. Une échographie révèle un abcès hépatique. Des antibiotiques sont prescrits pendant plusieurs semaines. Un examen complémentaire par coloscopie ne donne rien de plus. Mais les médecins décident de poursuivre les investigations. Début décembre, la patiente passe une entéro-IRM, soit un examen d’imagerie par résonnance magnétique focalisé sur l’intestin. « La radiologue me dit que c’est la première fois qu’elle voit de tels épaississements des tissus, situés principalement dans la région de l’iléon, à l’extrémité de l’intestin grêle et du côlon gauche. » Au sortir de cet examen indolore, son mari lui apprend que sa mère est décédée dans son sommeil : « Une journée catastrophique », commente-t-elle. Une nouvelle coloscopie est prescrite le 22 décembre avec prélèvement de tissus dans la région enflammée. Début janvier, les résultats tombent : il s’agit d’une tumeur neuroendocrine.

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Brigitte Giacomarra, patiente et pair-aidante à l’hôpital Édouard Herriot
Brigitte Giacomarra, patiente et pair-aidante à l’hôpital Édouard Herriot 

« Je n’ai pas de douleurs et il n’y a pas d’urgence » 

Les tumeurs neuroendocrines sont des cancers rares, soit deux à cinq nouveaux cas diagnostiqués par an pour 100 000 personnes. Ces tumeurs résultent d’un développement anormal et anarchique de cellules dérivant du système endocrinien. Ces cellules endocrines sont dispersées dans l’ensemble du corps et communiquent avec les organes et entre elles grâce à la sécrétion d’hormones. Ces cellules sont très nombreuses dans le tractus gastrointestinal ce qui explique que plus de 60 % des tumeurs endocrines y soient découvertes (comprenant iléon, appendice, rectum et pancréas).  

Brigitte est alors orientée vers l’hôpital Édouard Herriot, les HCL étant centre de référence, labellisé par l’Institut national du cancer pour une dizaine de ces tumeurs rares. « Je rencontre la docteure Julie Périnel, dans le service de chirurgie digestive implanté dans le pavillon D. Elle m’explique ce que sont ces tumeurs, plus ou moins agressives, situées sur mon foie et l’iléon. J’en suis au stade 1, elles sont petites mais il faut les enlever. Je n’ai pas de douleurs et il n’y a pas d’urgence. Je commence néanmoins le traitement qui consiste en une injection tous les 28 jours de 120 mg d’un antisécrétoire. » Les effets secondaires ne sont pas anodins : vomissements, diarrhées, douleurs abdominales... Fort heureusement, ils ne dureront pas.  

Une préparation physique et psychologique 

L’opération est programmée pour le 12 juillet 2023. En préparation de l’intervention chirurgicale, Brigitte rencontre l’anesthésiste, la diététicienne, l’infirmière coordinatrice, le kinésithérapeute. « Je pouvais appeler à tout moment, en cas de questions et de besoins. L’équipe est extraordinaire, très à l’écoute. » La patiente est invitée à pratiquer des exercices de renforcement musculaire et respiratoire. Des boissons hyper protéinées sont prescrites, tout cela pour éviter la perte musculaire : « Il fallait être dans une bonne condition physique pour assumer l’opération et surtout la suite, avec une cicatrice qui va du plexus au pubis, je devais pouvoir me lever du lit en comptant davantage sur mes bras que sur mes abdominaux. » 

La préhabilitation avant chirurgie permet non seulement de limiter les complications postopératoires mais aussi d’améliorer la vitesse de récupération. C’est une préparation physique, nutritionnelle et psychologique qui améliore, globalement, la qualité de vie, le vécu de l’intervention et des soins. Une préparation d’autant plus nécessaire que l’opération de Brigitte comporte des risques de complications graves tels que AVC et crise cardiaque. « J’étais très inquiète la veille de l’intervention. Deux charmantes infirmières ont fait preuve d’une grande gentillesse avec moi, dans la chambre d’hôpital... » Après cinq heures trente passée dans la salle du bloc opératoire, Brigitte se réveille dans sa chambre. Plus tard, elle lira le compte-rendu détaillé de l’intervention : « À sa lecture, c’est comme si j’étais au-dessus de la table d’opération, le ventre ouvert, suivant chaque geste chirurgical. Ont été enlevés un morceau de l’intestin, l’appendice, la vésicule biliaire, un diverticule du côlon, les ovaires et les trompes de Fallope, des organes susceptibles d’héberger des tumeurs neuroendocrines. » Le lendemain de l’opération, Brigitte est entourée par les infirmières pour être assise en fauteuil. L’objectif là encore est d’accélérer la récupération post-opératoire. Brigitte est volontaire, appliquée, compliante. « J’ai confiance et je veux me remettre rapidement. » 

De nouveaux horizons 

Pendant cinq mois, la patiente devra vivre avec une stomie, déviation chirurgicale permettant l’évacuation des selles par abouchement intestinal à la peau au niveau de l’abdomen. Elle connaît quelques épisodes éprouvants : le 26 juillet, elle doit se rendre aux urgences à la suite de fortes douleurs au dos, au ventre, à l’estomac, dans la poitrine. L’attente après examens est dure alors que sa poche de stomie s’est décollée. La Dr Périnel, sa chirurgienne, accompagne la prise en charge, vigilante et bienveillante. Elle reste sept jours en observation, puis rentre chez elle, sans que l’on sache vraiment l’origine de cet épisode paroxystique. « Depuis la maison, j’appelle chaque semaine la nutritionniste, la psychologue. Je ne me sens pas seule. » Les mois passent, Brigitte poursuit sa convalescence. En mars 2024, elle débute les cours d’escrime proposés aux patients suivis en cancérologie et pris en charge par la Ligue contre le cancer, à l’hôpital Édouard Herriot.  

Et c’est à l’été 2024, que Florence Abraham, infirmière de coordination du service de chirurgie digestive, contacte Brigitte : « Elle me parle de ma sociabilité, de mon énergie et me propose de devenir pair-aidante. J’accepte volontiers et avec d’autant plus de facilités que je viens de prendre ma retraite. » Elle suit une formation de deux jours à l’hôpital de la Croix-Rousse, où elle partage aussi bien avec des soignants et des patients de tous horizons. « Il y a la théorie et la réglementation, puis des ateliers de simulation relationnelle. C’est enrichissant, nous échangeons beaucoup entre tous. »

« C’est à mon tour de donner » 

Ses premières interventions commencent en début d’année 2025, dans le service de chirurgie digestive, auprès de patients qui, comme elle, sont atteints par des tumeurs neuroendocrines. « J’écoute, je réponds aux questions, je raconte mon histoire et cela me fait du bien à moi aussi. » Aujourd’hui, Brigitte veut approfondir son expertise en suivant de nouvelles formations, car la pair-aidance peut la confronter à des situations complexes, imprévues auxquelles elle veut répondre de la meilleure façon. « J’ai vécu des choses traumatisantes. J’ai reçu des soins et de l’attention, c’est à mon tour de donner. » Brigitte est aussi devenue adhérente de l’association APTED (pour association de patients porteurs de tumeurs endocrines diverses). Son temps se partage désormais entre la pair-aidance, ses cours d’escrime, son suivi médical et bien sûr entre son mari et sa famille, « une vie qui fait sens », dit-elle, dans un sourire. 

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