Tumeurs endocrines digestives

Résumé
Ces tumeurs résultent d’un développement anormal et anarchique de cellules spécialisées dérivant du système endocrinien. Il s'agit d'une maladie rare touchant 1 personne sur 100 000/an.

Qu'est-ce qu'une tumeur endocrine digestive ?

Ces tumeurs résultent d’un développement anormal et anarchique de cellules spécialisées dérivant du système endocrinien. Ce système à pour rôle de réguler et contrôler le fonctionnement des différents organes. Ces cellules endocrines sont dispersées dans l’ensemble du corps et communiquent avec les organes et entre-elles grâce à la sécrétion de substances qu’on appelle hormones. Ces cellules sont très nombreuses dans le tractus gastrointestinal ce qui explique que plus de 60% des tumeurs endocrines (TE) soient découvertes dans ce tractus (iléon appendice rectum pancréas). Les localisations pulmonaires et thyroïdiennes sont moins fréquentes. Dans ce chapitre ne seront abordées que les atteintes digestives.

Il s’agit d’une maladie rare touchant 1 personne sur 100 000/an. Le pic de fréquence se situe entre 50 et 60 ans. Les hommes sont autant touchés que les femmes. Ces tumeurs sont en général de croissance lente et peuvent présenter de longues périodes de stabilité spontanée ce qui explique leur découverte souvent tardive avec une atteinte métastatique possible. L’état général est le plus souvent très bien conservé sans amaigrissement ni fatigue.

Quels sont les symptômes des tumeurs endocrines digestives ?

Du fait de la croissance lente de la tumeur, les signes cliniques sont souvent tardifs et peu spécifiques. Les symptômes dépendent de la localisation de la tumeur. En cas d’obstruction de l’intestin, on peut ressentir une gêne à la digestion avec apparition de trouble du transit, des ballonnements, des nausées, des vomissements, la palpation d’une masse abdominale ou hépatique. Il peut s’agir aussi d’une découverte fortuite lors d’un examen d’imagerie (échographie, scanner, coloscopie etc…).

Dans 30% des cas la maladie est révélée par la sécrétion excessive d’hormones digestives responsables de symptômes caractéristiques de ces tumeurs. Le plus fréquent appelé syndrome carcinoïde est secondaire à une sécrétion non contrôlée de sérotonine. La tumeur primitive est alors le plus souvent localisée dans l’intestin grêle et les symptômes sont représentés par des flushs cutanées (rougeurs associées à une sensation de chaleur), une diarrhée motrice, une impression de malaise, parfois un asthme laryngé. Le stress, l’activité physique, la prise de certains médicaments ou la consommation d’alcool peuvent être des phénomènes déclenchants ces flushs.

D’autres hormones notamment dans les tumeurs du pancréas peuvent donner des signes cliniques (douleurs à l’estomac, ulcères, diarrhée pour les tumeurs sécrétant de la gastrine, plaques rouges cutanées sur les membres inférieurs, phlébites, diarrhée pour les tumeurs sécrétant du glucagon, hypoglycémie, malaises, fringales pour les tumeurs à insuline ; diarrhées majeures avec déshydratation dans les tumeurs sécrétant du VIP (Vaso Intestinal Peptide)….

Comment les diagnostique-t-on ?

Il est nécessaire de réaliser un bilan biologique, radiologique et dans la quasi-totalité des cas de faire un prélèvement de la tumeur ou des localisations associées pour caractériser précisément la tumeur endocrine et proposer un traitement adapté. En fonction de la localisation de la tumeur, certains dosages hormonaux seront utiles lors du bilan initial et dans le suivi.

Le bilan morphologique participe à la localisation de la tumeur primitive, de ses éventuelles localisations secondaires et permet de suivre l’efficacité du traitement. Ce bilan fait appel aux différentes techniques d’imagerie conventionnelle comme l’échographie, la tomodensitométrie (scanner), l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), l’utilisation des examens endoscopiques (gastroscopie, coloscopie, écho endoscopie).

La scintigraphie aux analogues de la somatostatine (Octréoscan©) est un examen très utile du fait de sa spécificité pour les tumeurs endocrines. Elle permet de révéler les lésions de petite taille ou les lésions initiales non décelées par les autres techniques d’imagerie.

L’analyse microscopique (histologique) d’une pièce opératoire ou d’une biopsie est nécessaire pour prouver la maladie et établir les facteurs pronostics qui vont orienter les choix thérapeutiques.

Quels traitements possibles ?

Le traitement est adapté à l’agressivité tumorale. La prise en charge à deux objectifs différents : la réduction du volume tumoral et le contrôle du syndrome sécrétoire lorsqu’il existe. Il est défini en fonction du type de tumeur, de son extension, de l’état général, de l'existence d'autres maladies associées.

Contrôle de la sécrétion hormonale

Le traitement va dépendre de l’hormone concernée. En cas de gastrinome (tumeur sécrétant de la gastrine), un traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (traitement fréquemment donné dans l’ulcère gastrique) permet d’obtenir un bon contrôle des signes cliniques. Les comprimés sont généralement donnés à des doses beaucoup plus élevées que dans le traitement de l’ulcère gastrique simple. En cas de syndrome carcinoïde (sécrétion de sérotonine) ou de glucagonome (sécrétion de glucagon), ou de vipome (sécrétion de VIP), les analogues de la somatostatine ont une excellente efficacité. Ils s’administrent par voie sous-cutanée deux fois par jour avec un relais possible par des injections mensuelles sous-cutanées profondes ou intramusculaires.

Contrôle tumoral

La chirurgie est le traitement de choix pour les maladies limitées sans extension à distance. Dans cette situation la guérison est souvent obtenue sans nécessité de traitement complémentaire. Dans les situations où la maladie est disséminée dans plusieurs organes ou si elle présente une extension locale en rendant l’ablation impossible ou dangereuse, la stratégie employée aura pour but d’arrêter la croissance de cette tumeur si celle-ci est en phase de progression et/ou de réduire au maximum la masse tumorale. Dans ce dernier cas, la chirurgie peut parfois être proposée pour prévenir par exemple une occlusion intestinale en cas de tumeur de l’intestin grêle

La chimiothérapie est une arme couramment utilisée en cas de tumeur notamment pancréatique lorsque celle-ci présente une « poussée » de croissance tumorale. Ces produits sont le plus souvent administrés par voie veineuse plus rarement sous forme de comprimés. Ils agissent sur les mécanismes intimes de la reproduction cellulaire. Ils ont l’avantage de diffuser par le sang dans l’ensemble de l’organisme, accédant à toutes les localisations possibles de la maladie.

L’interféron est un produit d’immunothérapie utilisé dans des indications non tumorales notamment antivirus dans les hépatites chroniques. Il a démontré un rôle à la fois anti-sécrétoire et anti-tumoral dans les tumeurs endocrines et est couramment utilisé notamment dans les tumeurs à sérotonine avec un syndrome carcinoïde. Il se fait par voie sous-cutanée trois fois par semaine ou plus rarement une fois par semaine ; Le patient apprend le plus souvent à faire ses propres injections.

La radiothérapie externe a très peu d’indication dans cette pathologie. Elle est surtout proposée en cas d’atteinte osseuse de la maladie et a alors une bonne efficacité sur les douleurs.

Des techniques locales sont fréquemment employées en cas de localisations secondaires dans le foie :

  • la chimioembolisation artérielle hépatique. Il s’agit d’une chimiothérapie localisée. Le principe est de repérer le ou les vaisseaux qui irriguent la tumeur du foie, de perfuser une dose de chimiothérapie et ensuite de « boucher » l’artère nourricière pour renforcer l’efficacité de la chimiothérapie et « asphyxier » la tumeur ou ses métastases. Cette technique est réalisée par des radiologues entraînés et nécessite une hospitalisation de quelques jours. Plusieurs séances peuvent parfois être proposées.
  • la radiofréquence. C’est une autre technique de radiologie interventionnelle. Sous contrôle échographique, le radiologue placera à travers la peau sous anesthésie locale ou générale au sein de la lésion une électrode qui en chauffant détruira le tissu tumoral.
  • La radiothérapie métabolique consiste en l’injection par voie intraveineuse d’une hormone couplée à un composé radioactif. Cette hormone va se fixer sur les cellules tumorales possédant un récepteur de cette hormone. Le composé radioactif couplé à l’hormone détruit par irradiation la cellule malade. Cette technique très prometteuse est surtout réservée pour l’instant en cas de syndrome sécrétoire non contrôlé par les autres approches thérapeutiques. De nouveaux composés radioactifs sont en plein développement et sont très prometteurs dans un avenir probablement proche.
Voir aussi
Dernière mise à jour le : lun 25/09/2023 - 15:44