Lactarium Auvergne-Rhône-Alpes : quand le lait sauve des vies

Le bâtiment G de l’hôpital de la Croix-Rousse abrite l’unique lactarium de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette banque de lait maternel à usage interne et externe, alimentée par des dons bénévoles, permet de sauver chaque année des centaines de bébés prématurés.

C’est un véritable coffre-fort dans lequel pénètre Clémence, auxiliaire de puériculture. Une chambre froide aveugle d’une vingtaine de mètres carrés où ronronnent vingt et un congélateurs remplis d’un précieux liquide. Du lait maternel. Nous sommes au niveau -1 du bâtiment abritant la maternité de l'hôpital de la Croix-Rousse, dans les locaux du lactarium des HCL. Troisième de France derrière ceux de Marmande (bientôt transféré à Bordeaux) et de Paris, le lactarium de Lyon est le seul de la grande région Auvergne Rhône-Alpes et dessert vingt-cinq établissements.

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Or blanc : le lactarium auvergne-rhône-alpes
Une infirmière puéricultrice du lactarium Auvergne-Rhône-Alpes

 

« Comme la moitié des trente-cinq lactariums de France, nous avons la particularité d’être à usage interne et externe », précise Mireille Thomas, cadre de santé en enfilant sa blouse. « C’est-à-dire que nous assurons la pasteurisation de lait anonyme provenant de dons altruistes de mamans qui allaitent et ont du lait en excès. Mais aussi du lait personnalisé, provenant de mères qui donnent pour leur propre enfant hospitalisé. » Au total, chaque année, ce service médico-technique collecte, analyse, pasteurise, qualifie et distribue quelque 8 000 litres de lait congelé (6 000 litres de lait personnalisé, 2 000 litres de lait anonyme) aux très grands prématurés hospitalisés dans des services de néonatologie de la région Auvergne Rhône-Alpes. « Notre lait est réservé en priorité aux grands prématurés nés avant 34 semaines d’aménorrhée et pesant moins de 1,8 kg, dont le système digestif, très immature, ne leur permet pas de digérer le lait artificiel », précise la Dr Rachel Buffin, pédiatre spécialisée en néonatologie et médecin responsable du lactarium de Lyon. Ainsi qu’aux bébés porteurs de pathologies nécessitant l’alimentation au lait maternel.

Vital pour les bébés prématurés

Pour ces êtres minuscules, qui représentent 7 % des naissances en France, le lait maternel est irremplaçable et vital. Goutte après goutte, millilitre après millilitre, cet or blanc administré par sonde gastrique jusqu’à ce qu’ils aient la force de téter, les aide à prendre des forces et les protège d’un certain nombre de complications liées à leur prématurité.
« La nature est bien faite », rappelle la Dr Buffin. « Le lait d’une maman qui accouche prématurément est celui qui est le mieux digéré par des systèmes digestifs immatures et le plus adapté à son bébé. Il lui évite les infections digestives graves comme l’entérocolite, une nécrose de la muqueuse intestinale qui peut s’avérer fatale, et améliore sa croissance et son développement neurologique. Plus qu’un nutriment, c’est pour lui un véritable médicament. »
« C’est pour protéger ces nourrissons fragiles de tout risque d’infection que le lait est pasteurisé »
, nous indique-t-elle en nous entraînant vers la salle de pasteurisation.

En chemin, nous croisons un livreur, le seul visage masculin de la matinée, les effectifs du lactarium – deux infirmières puéricultrices, sept auxiliaires de puériculture, également collectrices, deux techniciennes de laboratoire, une cadre de santé et la Dr Rachel Buffin – étant 100 % féminins. Il arrive du CHU de Saint-Étienne lesté d’une glacière XXL pleine de biberons de lait maternel que Clémence, Anaïs et Valérie s’empressent de trier maman par maman.

« C’est un produit sensible, il n’y a pas une minute à perdre », insiste Isabelle, l’infirmière puéricultrice qui veille au grain. Une étape qui nécessite concentration et précision, indispensable pour assurer la traçabilité du produit. Le lait de chaque donneuse est ainsi contrôlé et rassemblé pour constituer un lot qui part dans un réfrigérateur où il décongèlera à froid avant sa pasteurisation. Mais pour l’heure, dans la salle propre, trois auxiliaires de puériculture en tenues stériles rassemblent les biberons décongelés d’une même maman (lait personnalisé) ou de plusieurs mamans (lait anonyme) dans des récipients adaptés. Le précieux liquide est ensuite transféré dans des biberons stériles soigneusement étiquetés – avec identité du patient pour le lait personnalisé, sans mention d’identité pour le lait anonyme – en prenant bien soin de conserver des échantillons dans des tubes sur lesquels seront effectuées des analyses bactériologiques.

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Transfert du lait dans des biberons stériles conditionnés.

Des contrôles qualité systématiques et stricts

Une fois conditionnés, Clémence emmène les biberons à la pasteurisation. Là, ils seront chauffés à 62,5 °C pendant trente minutes afin de les débarrasser de tout virus éventuel et autre bactérie. « Nous ne pouvons pas distribuer un lait qui serait néfaste pour les tout-petits », constate Mireille Thomas, rappelant que, considéré comme un produit de santé et faisant l’objet d’une prescription médicale, le lait maternel pasteurisé est soumis à des règles sanitaires de plus en plus strictes.

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Pasteurisation
Pasteurisation des biberons une fois conditionnés.

 

« Nous sommes régulièrement contrôlés et après une nouvelle législation française arrivée en février 2022, une autre en préparation au niveau européen devrait voir le jour d’ici un ou deux ans », observe la Dr Buffin. Le risque majeur ? La contamination du lait au cours du process. Pour s’en prémunir, des contrôles systématiques, avant et après l’étape de pasteurisation, sont confiés au laboratoire de bactériologie internalisé. « Nous sommes l’un des rares lactariums à disposer de notre propre laboratoire », souligne Isabelle, technicienne de laboratoire, tout en ensemençant des boîtes de pétri rouge sous une hotte à flux laminaire.

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Contrôle bactériologique
Contrôles bactériologiques réalisés avant et après l’étape de pasteurisation.

 

Après une mise en quarantaine à -18 °C pendant 48 heures et selon les résultats des analyses bactériologiques, le lait conforme est distribué aux biberonneries des établissements qui en font la demande. S’il est non conforme, le lait est jeté et les mamans rappelées pour les prévenir et vérifier si les recommandations d’hygiène du recueil sont bien respectées.

Un don d'utilité publique

« Notre mission est simple », souligne la Dr Buffin. « Nous devons fournir un lait de qualité pour les tout petits bébés et plus on a de lait, plus on sauve de bébés. Malheureusement, nous sommes limités par le volume de lait que l’on peut récupérer. » Pour cela, le lactarium fait appel à des donneuses (environ 300 par an en Aura), essentiellement des mamans qui allaitent un enfant en bonne santé et qui ont du lait en excès.

« Le don de lait, gratuit et anonyme, est plus contraignant qu’un don de sang car il engage sur la durée. Aussi, nous avons mis en place un téléquestionnaire nous permettant d’analyser les dossiers des donneuses potentielles, de réaliser une sérologie et d’écarter les contre-indications », explique la Dr Buffin en nous montrant une salle au plafond orné d’un cerisier japonais, mise à disposition des femmes présentes ou travaillant sur le site de la Croix-Rousse qui peuvent venir recueillir leur lait en toute discrétion, pour leur bébé ou pour le donner. Celles qui sont toujours partantes doivent s’engager à exprimer leur lait régulièrement (de préférence une fois par jour pour le lactarium) puis à le stocker dans des biberons stériles (qui leur sont fournis) avant de les congeler. Pour les collecter et les acheminer à Lyon, trois voitures spécialement équipées sillonnent la région.

Le saviez-vous ? Toute maman allaitante (sans limite d'âge du bébé) peut faire un don au lactarium de Lyon. Il suffit d'un congélateur pour stocker le lait en attendant de nous le confier. Un entretien médical et une prise de sang valident le don.

Dernière mise à jour le : lun 25/09/2023 - 15:32
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