Une journée avec l’équipe mobile de soins palliatifs

Il est dix heures au deuxième étage du pavillon X de l’hôpital Edouard Herriot. La Dr Sophie Francioni et Évelyne Cordier, infirmière coordinatrice, s’apprêtent à partir pour l’hôpital Louis Pradel. Elles font le point sur les deux patients qui leur ont été adressés par les services hospitaliers  : l’un hospitalisé en cardiologie, l’autre en pneumologie.

« Notre mission est la prise en charge des malades qui ne vont pas guérir », résume simplement la Dr Francioni, cheffe du service des soins palliatifs, comprenant l’unité mobile et l’unité d’hospitalisation.

Toutes deux retrouvent dans sa chambre monsieur P. En défaillance cardiaque, ce patient alterne les retours à domicile et les hospitalisations depuis plusieurs mois. « J’ai envie de mourir. La vie se déroule à l’extérieur, pas dans une chambre », exprime-t-il.

Quand le présent se heurte à sa propre fin

Les deux professionnelles de santé s’adaptent à la perception que le patient laisse paraître de sa situation. Leur écoute est à la fois compréhensive et analytique. Elles sont en lien avec la famille et les proches, interviennent en complément des soins hospitaliers. Ici se jouent des enjeux de vie et de mort, qui imposent outre de solides repères éthiques, une vision globale de la réalité vécue par le patient. Les dimensions physique, psychique, sociale et spirituelle sont toutes au cœur du soin.

« Voulez-vous qu’on prolonge la prise en charge ? », demande la docteure, en évoquant la pose éventuelle d’un défibrillateur. « Je sens que la mort n’est pas loin… Oui, je veux bien, pour ma femme et mon fils », répond-il.

Dans un étage inférieur, les deux spécialistes voient pour la première fois monsieur C. Atteint d’une fibrose pulmonaire, infecté par une bactérie hautement résistante, le patient peine à parler. Ce qui ne l’empêche pas de plaisanter avec ces deux nouvelles têtes qu’il accueille en confiance. La conversation n’aborde à aucun moment la fin de vie lors de ce premier entretien. Le binôme s’adapte à ce que souhaite partager le patient. Il s’agit de ne pas lui faire violence. En revanche, elles s’attardent sur ces symptômes d’inconfort que l’équipe mobile a à cœur de traiter.

« Pour hydrater votre langue, vous n’avez que cette solution ? », interroge l’infirmière. La docteure s’enquiert de l’état d’anxiété du patient et aussi d’éventuelles douleurs. Elles décident de l’ausculter et identifient des points douloureux chez cet ancien coureur et cycliste amateur.

Plus tard, dans le bureau des internes, elles proposeront de prescrire des soins de bouche, une prise systématique de paracétamol à chaque repas et un anxiolytique pour ce patient qui, précisent-elles en aparté, pourrait rejoindre prochainement l’unité de soins palliatifs de l'hôpital Edouard Herriot.

Leur expertise et leurs compétences représentent un soutien indispensable pour les médecins et les soignants confrontés à ces patients pour lesquels aucun projet curatif n’est plus possible.

Une équipe formatrice

Il est 13 heures. La Dr Sophie Francioni rejoint le Dr Sébastien Lahousse, également médecin du service des soins palliatifs, pour une pause déjeuner sur le pouce expédiée en quelques minutes. Ils se rendent à une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) en cardiologie au 10e étage de l’hôpital Louis Pradel. La cheffe de service et présidente du comité de lutte contre la douleur (Clud) au sein des HCL pour les hôpitaux des Charpennes, Edouard Herriot et le Centre de soins dentaires, s’interroge sur le traitement de la douleur du premier patient, dont le dossier est passé au crible des professionnels présents placés sous la responsabilité du Dr Laurent Sebbag.

14h30, salle Paul Zech, pavillon P, hôpital Edouard Herriot. La Dr Sophie Francioni a retrouvé son binôme de la matinée, Évelyne Cordier. Elles donnent une formation aux paramédicaux volontaires du service de néphrologie. On passe en revue les échelles d’évaluation et les différents types de douleur, nociceptives, neuropathiques, etc. Comment détecter la douleur chez une personne mutique, un enfant, une personne âgée et apporter les traitements appropriés ? L’ambiance détendue stimule l’apprentissage, renforce les acquis.

Le soin palliatif soulage, anticipe parfois même les douleurs. Il doit pouvoir apporter ce confort tant souhaité pour ne pas vivre dans la souffrance souvent associée à la volonté de mourir. Cette expertise, elles la partagent avec leurs collègues, avec diplomatie et pédagogie.

Bientôt au domicile du patient 

Intervenant à la demande des équipes dans certains hôpitaux des Hospices Civils de Lyon, cette équipe mobile prend en charge environ 600 nouveaux patients par an et en suit une quarantaine sur plusieurs années. Ces soins, contrairement aux idées reçues, ne se limitent pas à la seule fin de vie (1).

En cette année 2023, l’Unité Mobile d’Accompagnement et de Soins Palliatifs devrait obtenir l’autorisation de se rendre au chevet du patient en fin de vie à son domicile, comme le font déjà les équipes mobiles des soins palliatifs des hôpitaux de la Croix-Rousse et de Lyon Sud.

« Un accès précoce aux soins palliatifs dans la trajectoire de la maladie permet d’éviter l’obstination déraisonnable et augmente la qualité de vie. Des études ont montré que les soins palliatifs augmentent aussi la survie. Actuellement, la durée moyenne de suivi par l’équipe mobile avant décès est de quinze jours : des progrès restent à faire ! », commentent les deux professionnelles.

« La démarche palliative nous invite à nous demander pourquoi on fait les choses et pour qui ? Cette démarche est au cœur de nos soins », précise encore Évelyne Cordier. Un soin pas comme les autres, qui ne vise pas la guérison mais la sérénité de l’instant confronté à sa propre finitude. 

Dernière mise à jour le : lun 06/02/2023 - 08:36
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Rencontre avec l'équipe de soins palliatifs de l'hôpital Edouard Herriot
Dr Sophie Francioni et Évelyne Cordier de l'équipe mobile de soins palliatifs de l'hôpital Edouard Herriot auprès d'un patient