Gestion des urgences : s’engager pour l’accès aux soins de tous

Entre 1996 et 2015, la fréquentation des urgences hospitalières à l’échelle nationale a augmenté de 93 %. Dans ce contexte, les hôpitaux ont dû s’organiser pour répondre aux demandes d’accès aux soins, qu’ils soient urgents ou pas. En la matière, les HCL ont été des précurseurs.

Historiquement, 80 % des passages aux urgences étaient pris en charge par le secteur public, mais avec la création des services d’accès aux soins (SAS), ce n’est plus tout à fait le cas. Lancé dans le cadre du Pacte de refondation des urgences, le SAS est un élément clé du nouveau modèle de prise en charge des patients. Son objectif ? Avec le SAMU centre 15, répondre à la demande de soins vitaux, urgents et non urgents de la population, partout et à toute heure, grâce à une chaîne de soins lisible et coordonnée entre les acteurs de santé de l’hôpital et de la ville d’un même territoire.

Le SAS 69 a été le premier des 22 sites expérimentaux choisis par le ministère de la Santé à entrer en fonction, au plan national, le 1er février 2021. Fruit d’un partenariat entre les professionnels de l’urgence hospitalière, les HCL, siège du Samu 69, et les professionnels de médecine libérale – représentés par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins libéraux Auvergne-Rhône-Alpes –, le SAS 69 se déploie sur l’ensemble de la Métropole de Lyon et du département du Rhône.

Installé au centre de réception et de régulation des appels (CRRA) de l’hôpital Édouard Herriot, ce service assure un décroché unique pour le 15, numéro historique du Samu, désormais à privilégier pour tout problème de santé soudain et d’apparence urgent si le médecin traitant n’est pas disponible.

Avec son décroché en moins d’une minute dans 96 % des appels, et grâce à ses professionnels de santé formés et experts dans leur domaine, il gère toute demande de soin non programmé (voir l'infographie « Urgences : répondre à toute demande de soin »), y compris lorsque l’échange téléphonique ne démontre pas la nécessité d’une prise en charge hospitalière urgente. Dans certains cas, le SAS permet par exemple à une personne n’ayant pas de médecin traitant d’obtenir une consultation, réduisant ainsi les inégalités sociales et territoriales de santé.

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Signalétique à l'hôpital Edouard Herriot
Panneau signalétique indiquant les services d'urgences à l'hôpital Edouard Herriot

De la médecine d’urgence à la médecine générale

À l’image de ce qu’ont vécu Antoine et sa maman l’hiver dernier. Ce dimanche-là, Antoine, dix ans, est fiévreux et se plaint d’une douleur à l’oreille. Cécile soupçonne une otite. C’est le week-end, son médecin traitant n’est pas disponible alors la mère de famille décide d’appeler le 15. Elle explique la situation et sa demande de soin en ayant conscience qu’il n’est sans doute pas utile de se rendre aux urgences hospitalières. L’assistant de régulation médicale qui a décroché a transmis l’appel au médecin régulateur puis à l’observateur de soins non programmés (tout soin qui nécessite une réponse rapide mais ni urgente ni immédiate).

« Il m’a dit que j’allais être rappelée, ce qui fut le cas et j’ai pu obtenir un rendez-vous le jour même chez un médecin de ville à proximité de mon domicile, qui a ausculté Antoine et prescrit un antibiotique », indique Cécile.

En 2023, sur les quelque 700 000 appels traités par le SAS 69, 55 % avaient été redirigés vers la médecine générale, et environ 25 % avaient débouché sur un conseil médical thérapeutique, soit autant de demandes qui n’ont pas eu à passer par les urgences hospitalières. « Sur cent appels au SAS, dix nécessitent l’engagement d’un Smur », souligne le professeur Karim Tazarourte, chef des urgences à l’hôpital Édouard Herriot.

Des services redimensionnés

L’organisation des urgences et des soins non programmés à Lyon a été très novatrice, mobilisant les professionnels des secteurs de santé privé et public, faisant appel à de nouveaux métiers, de nouvelles filières de soin, certaines spécifiques (gériatrie, neurologie, médecine interne, etc.). En 2023, les Cellules d'urgence parcours personnes âgées (Cuppa), qui interviennent au plus tôt aux urgences pour éviter l’attente, adapter le soin et orienter les patients de plus 75 ans, ont ainsi pris en charge plus de 3 050 personnes..

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Infirmières aux urgences de l'hôpital de la Croix-Rousse tenant la main d'un patient pris en charge.

 

L’année a aussi été marquée par des surcroîts d’activité. « Nombre de Services d'Accueil des Urgences (SAU) ont été en difficulté sur notre territoire et les HCL ont su répondre aux besoins de la population en assurant la permanence des soins », pointe Romain Hernu, chef du service des urgences de l’hôpital de la Croix-Rousse. C’est dans ce contexte et pour anticiper les besoins de demain que les urgences de Lyon Sud et d’Édouard Herriot ont été modernisées, sécurisées et optimisées, et que celles de la Croix- Rousse vont accroître leur superficie. Ainsi, l’hôpital Lyon Sud, qui a enregistré 32 000 passages aux urgences en 2023, a ouvert cette année 2024 un service d’accueil aux urgences conçu pour accueillir 40 000 patients et permettant une extension jusqu’à 50 000 passages sur une année.

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Photo prise dans le cadre du déménagement de l'hôpital Lyon Sud

Un financement ajusté à la démographie

Ces travaux matérialisent le nouveau modèle de financement des structures des urgences et des Smur, entré partiellement en vigueur en janvier 2021. Il comprend désormais trois volets : une dotation populationnelle (60 %), une part liée à l’activité (30 %) et une dotation liée à la qualité de la prise en charge (10 %). C’est aux agences régionales de santé (ARS) que la dotation populationnelle a été déléguée, son montant étant déterminé à la fois par les besoins de la population des territoires et par l’offre de soins dans chaque région. « Les modalités de financement déterminent les comportements », soulève ainsi Karim Tazarourte. « Cela va nous contraindre à déterminer les besoins de santé de notre population, ce qui me semble intelligent », juge Véronique Potinet, cheffe des urgences de Lyon Sud et présidente de la Collégiale des urgences des HCL et du Grand Lyon.

« Ce n’est plus la seule activité qui détermine les ressources nécessaires. Intégrer la qualité revient à promouvoir la qualité des soins », soulève Romain Hernu.

Autre évolution, la présence au sein même de certains services d’urgence de boxes de consultation occupés par des médecins libéraux pour les patients relevant de la médecine générale, à l’hôpital Édouard Herriot, ou encore à l’hôpital Femme Mère Enfant, où l’expérimentation menée cet hiver est en passe d’être pérennisée. Cette présence soulage les urgentistes, tout en renforçant les liens avec la médecine de ville.

Anticiper les sorties

Gérer l’urgence, c’est aussi soutenir les médecins des services d’accueil aux urgences et des unités d’hospitalisation de courte durée (24 heures) afin de faciliter les sorties des urgences. C’est dans ce but que des postes dédiés à cette mission de coordination se sont construits. À Lyon Sud, la cellule d’ordonnancement mobilise sept jours sur sept des infirmières basées au service d'accueil des urgences (SAU) et à l’unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD). « On cherche des lits d’hospitalisation conventionnelle partout au sein des HCL et à l’extérieur dans les établissements du territoire, dans toutes les spécialités hors soins critiques », informe Marie-Pierre Gaufreteau, cadre de santé. Chaque jour, son équipe soignante fait appel à son réseau pour dix à vingt patients.

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Lydie, infirmière à l'hôpital de la Croix-Rousse

 

À l’hôpital de la Croix-Rousse, la cellule de coordination est elle aussi active tous les jours de la semaine. Les infirmières travaillent en collaboration avec les urgentistes dans le but de prévenir les besoins de la journée. Comme à Lyon Sud, il faut trouver un lit d’hospitalisation pour près d’une vingtaine de patients chaque jour. « L’important est de placer le patient au bon endroit, c’est-à-dire dans un service qui pourra correctement le prendre en charge », indique Nathalie Lopez, cadre de santé, avant de préciser : « Il s’agit en majorité de personnes âgées. » En effet, dans les trois quarts des situations, ce sont les patients âgés, précaires ou isolés, ainsi que dans une moindre mesure les patients aux pathologies lourdes et complexes et les patients en attente d’une mise sous protection judiciaire que vont accompagner les cellules de coordination.

« Ce que nous construisons depuis l’accueil aux urgences, c’est un parcours de soin personnalisé, en coopération avec les établissements publics et privés de notre territoire », précise le Dr Romain Hernu.

Créée le 4 décembre 2023, la cellule d’appui à la coordination de l’hôpital Édouard Herriot facilite la gestion des lits d’aval des urgences dans tous les services de l’hôpital. « Nous connaissons les besoins en temps réel en médecine et en gériatrie, ce qui nous permet d’anticiper les disponibilités pour être plus réactifs », indique Catherine Gadois, cadre de santé. La cellule supervise ainsi le flux quotidien de patients. « Notre mission est de créer des liens avec les structures d’aval, en nous déplaçant, en rencontrant les cadres hors HCL. Ces échanges créent des liens, chacun communique sur ses propres difficultés, ce qui nous permet de comprendre les enjeux de chaque établissement. Cette vision globale du système améliore la coordination entre les sites des HCL et avec l’externe. »

Après leur passage aux urgences, 21 % des patients sont hospitalisés aux HCL, soit plus de 30 800 patients en 2023.

Cette année-là, on a compté près de 300 000 passages aux urgences des HCL (toutes urgences confondues) avec une durée moyenne de séjour1 pour les urgences adulte de 6h59 par patient.

 


1 De l’arrivée à la sortie des urgences vers un service d’hospitalisation ou pour un retour à domicile.

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